2.

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La nuit baignait MagnarCity.

Une nuit de plus dans l'enfer de la cité. Meurtres, vols, injustice, nombreux étaient les crimes qui agitaient la cité. DarkMan n'en avait pas peur. Accroupi au bord d'un toit de gratte-ciel, son regard aussi sombre que le ciel sondait les avenues en contrebas. Ce mal, il en était le seul espoir. Il le savait depuis toujours et embrasserait son destin, peu importe les sacrifices. DarkMan se pencha en avant au-dessus du vide au mépris du danger. Le vent balaya sa cape, ramenant un pan dans sa figure telle une gifle. DarkMan la repoussa d'un geste agacé, un geste qui fit craquer le cuir de son gant. Il roula des épaules pour soulager ses courbatures. Un de ses nerfs sauta, lui arrachant un petit glapissement. DarkMan l'ignora et redressa la tête.

Les habitants de MagnarCity avaient besoin de lui, bien trop pour qu'il se soucie de la douleur. Flics et politiques corrompus régnaient en maîtres, secondés de riches industriels véreux. Pendant ce temps, criminels assoiffés de pouvoir et roi de l'illégalité se partageaient la ville. Les braves citoyens innocents s'en retrouvaient alors sans défense. Qui pour leur venir en aide ? Pour incarner la justice et l'égalité dans cette ville corrompue jusqu'à...


— Purée, mais c'est quoi ce bordel ?

La sœur de Simon fit irruption dans sa chambre. Le coin de la porte percuta les cubes en bois empilés sur l'épaisse moquette et la réplique miniature de MagnarCity s'écroula dans un souffle misérable. La figurine articulée de DarkMan effectua un vol plané jusqu'au tas de vêtements sales de Simon. Le héros de MagnarCity acheva son envol dans un caleçon chiffonné.

Simon couina de dépit. Triste fin pour un si grand héros.

— Tu as détruit ma ville, gémit-il.

Son aînée lui renvoya un regard courroucé.

— Tu crois pas que t'as passé l'âge ? « DarkMan », vraiment ? Et puis ta tenue, là, franchement c'est...

Dérouté, Simon baissa les yeux vers les chaussettes noires qui habillaient ses pieds, eux-mêmes enfoncés dans une paire de claquettes de la même couleur. Certes, il admettait que ce n'était pas très héroïque, mais il devait faire avec les moyens du bord. Il fronça alors les sourcils, songeur. Sa sœur faisait peut-être référence au vieux drap ébène noué autour de son cou. Il l'avait pris dans la chambre parentale, et malgré le soin de Simon, les motifs en forme de cœur étaient visibles dans son dos.

Il était déçu. Si son bricolage n'était pas digne de DarkMan, Simon le trouvait convaincant. Il se dit que le problème venait peut-être de sa sœur. Elle avait perdu son âme d'enfant. Pauvre d'elle.

Il secoua la tête, un geste qui ne fit que froncer davantage les sourcils de son aînée. Simon s'esclaffa. Son scepticisme l'outrait !

— Je me trouve plutôt fringant.

Sur ces mots, il rabattit un pan de sa cape sur son épaule. Un bruit de déchirement lui apprit qu'une couture venait de se déchirer. Faisant fi de ce contretemps, il conserva un air digne, mais sur les hanches. DarkMan aurait été fier de lui.

Sa sœur renifla.

— Quand t'auras fini ton délire, tu descendras manger, s'il te plait, articula-t-elle.

Elle se détourna, avant de se figer, les épaules tombantes. Simon leva un sourcil. Quel que fût le problème de sa sœur, il se prépara à intervenir, tel que DarkMan l'aurait fait.

Elle se retourna vers lui.

— Simon.

Il ne put retenir un tremblement. Incertain, sa confiance vacilla.

— Oui ? fit-il d'une voix trop aiguë.

Sa sœur soupira.

— Ça ne la ramènera pas, tu sais. MagnarCity est mort avec elle. Fais-toi une raison.

Elle lui tourna le dos et quitta la pièce. Simon entendit son pas descendre les escaliers. Soudain trop lourds pour lui, ses bras retombèrent le long de son corps. Un poids appuyait contre son estomac. Il regarda les cubes éparpillés sur le tapis, seuls restes des immeubles de MagnarCity. DarkMan avait disparu entre les vêtements. Il ne partit pas le chercher.

Ses doigts se refermèrent sur sa cape. Il contint ses tremblements, avant d'en défaire le nœud. Le drap glissa au sol sans que Simon l'en empêche.

« MagnarCity est mort avec elle. Fais-toi une raison. »

Menteuse.

Quelqu'un dont on se souvenait n'était pas mort.

Les mots de sa sœur l'avaient pourtant atteint d'une manière vive et profonde, comme un scalpel lui ouvrant la peau du torse – juste au-dessus du cœur. Avait-elle raison ? Était-il trop immature ? Non, se dit-il, il avait le sens des réalités. Il ne faisait de mal à personne. Alice aurait été d'accord. Et elle comptait sur lui pour continuer de combattre le crime qui rongeait MagnarCity.

Le torse de Simon se gonfla de détermination. Il récupéra sa cape et la claqua pour la lisser. Il noua fermement le nœud autour de son cou, en même temps qu'il fouillait les vêtements à la recherche de DarkMan. Simon se sentit ragaillardi. Malgré son séjour dans cet antre de la puanteur, son héros restait digne et fier. Simon l'essuya sur sa cape et le posa sur la moquette. Il rassembla les cubes dispersés et les empila de nouveau, l'un après l'autre, avec patience et attention, comme Alice l'aurait fait.

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