La porte se ferma en claquant. À travers la fenêtre, je vis Océane marcher d’un pas rapide au-delà des murailles. Jusqu’à ce que je la perde de vue. C’est la main d’Emma sur mon épaule qui me ramena à la réalité.

— Un problème ?

— J’ai besoin d’être seule, Emma.

— Si tu me dis ça, c’est que je dois rester avec toi.

— Ne me fait pas chier et laisse-moi tranquille.

Je repoussais sa main, essayais de m’éloigner pour ne pas devoir m’expliquer, mais elle m’en empêcha en attrapant mon poignet.

— Minute papillon. Il est hors de question que je te laisse seule alors que tu ne vas pas bien.

— Je vais bien, Emma. J’ai juste besoin de…

— Qu’est-ce qu’il s’est passé pendant ce conseil ? Pourquoi j’ai vu Océane partir en pleurant ?

— Je ne fais que de la merde avec elle. Mais elle aussi elle a eu tort et…

Sur la table, mon téléphone vibra en m’interrompant. J’adressais un rapide coup à Emma avant d’aller regarder le message qui venait de s’afficher. Quand je lus le nom d’Océane, mon cœur rata un battement.

« J’ai bien réfléchi Elena et nous deux, ça ne peut plus continuer. Tu as besoin d’être seule pour apprendre à te connaître. Depuis que tu cherches à faire accepter notre couple, la moindre de mes remarques t’énerve. Tu es à fleur de peau et tu as besoin de temps pour réfléchir et pour respirer. Trouve quelqu’un d’autre pour me remplacer au conseil. Tant que tu seras indécise sur ta vie amoureuse et impériale, il vaut mieux ne pas se revoir. Je t’aime Elena et si je fais ça c’est pour ton bien. »

En lisant la fin du message, mon téléphone glissa entre mes mains au même rythme que la larme sur ma joue.

— C’est elle qui fout la merde et c’est moi qui me fais plaquer ? Visiblement, j’étais plus mal accompagné que je ne le pensais.

— Elena ? m’interrogea Emma.

— Elle s’est bien foutue de moi. C’est moi qui aurais dû la plaquer avant, pas elle.

J’en avais assez d’être toujours prise pour une idiote et une incapable par les personnes qui m’entouraient et que j’aimais. Ou du moins, que je croyais aimer.

— Elena !

En m’interpellant ainsi, Emma me permit d’éviter la porte qui venait de s’ouvrir subitement. Un homme d’une cinquantaine d’années, les cheveux grisonnants venait d’entrer dans la grande salle. Légèrement plus grand que moi, sa tête me disait quelque chose. J’avais l’impression de l’avoir déjà vu quelque part sans me souvenir d’où, ni de qui il était.

— Excusez-moi jeune fille. Je n’aurais pas dû ouvrir cette porte si rapidement.

— Vous auriez dû faire attention, en effet.

— Toi aussi tu aurais dû faire attention, Elena.

— Tu sais quoi, Emma, oublie-moi. Je n’ai vraiment pas besoin de tes remarques.

— Qu’est-ce que tu peux être têtu !

— N’en rajoute pas d’accord ? Je peux vous aider, Monsieur ?

— Je l’espère bien. Seriez-vous Elena De Stinley, fille de Julie De Stinley ?

— Je n’aime pas qu’on m’associe à ma mère, Monsieur, mais c’est bien. Dites-moi, est-ce qu’on se connaît ?

— On se connaît oui, mais je ne suis pas sûr que tu aies beaucoup de souvenirs de moi, Elena. Ta mère nous a séparés trop longtemps. La dernière fois que je t’ai vu, tu avais à peine six ans.

— Si ça ne vous dérange pas, j’ai pas mal de choses à faire. Emma vous installera le temps que je trouve un moment à vous consacrer.

— Elena, ne va pas t’enfermer alors que… voulu reprendre Emma.

— Ne t’occupe pas de ça. Si tu veux te rendre utile, trouve un replaçant à Océane. Parce qu’en plus de me plaquer par message, elle vient d’abandonner sa place au conseil. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser, j’ai besoin d’être seule.

— Est-ce que tu accepterais de parler à ton père ? m’interrogea l’inconnu.

— Pourquoi je lui parlerais alors qu’il n’a jamais fait partie de ma vie ?

— Peut-être parce que c’est à cause de ta mère et qu’aujourd’hui, il veut rattraper le temps perdu.

— Un jour peut-être, mais pas aujourd’hui.

— Je te laisse une heure, Elena, pas une minute de plus.

— Ouais d’accord, râlais-je.

Oubliant déjà la présence de l’homme, je le contournais pour aller m’enfermer dans ma chambre. Si Océane ne voulait pas rester avec moi alors c’est qu’on ne devait pas être ensemble. C’était elle qui n’était pas prête à s’engager, pas moi. Depuis que j’étais impératrice, j’avais déjà fait plusieurs sacrifices et j’allais devoir continuer à en faire. Je venais de perdre mon amante, mon amie et surtout celle en qui j’avais le plus confiance au conseil, tout ça à cause d’une loi adoptée par ma mère, que je ne pouvais supprimer pour le moment.

Une douce odeur bien connue parvient jusqu’à mes narines en même temps que les bras d’Emma m’entouraient la taille. Elle posa son menton sur mon épaule et attendis plusieurs minutes avant de m’adresser la parole.

— Est-ce que je peux t’aider pour quelque chose ?

— Ne m’abandonne pas, Emma. Jamais, répondis-je en chuchotant.

— Je serais toujours là pour toi, Elena. Tu n’as qu’un mot à dire et je t’aiderais, quoi qu’il arrive.

— Pourquoi je foire tout ce que je fais avec Océane ?

— Tu ne foires pas, Elena. Tu expérimentes juste. Tu as juste besoin de temps pour tout comprendre.

— Que ce soit vrai ou non, elle m’a rejeté.

— Elle ne t’a pas rejeté, elle veut seulement te laisser un peu de temps.

— Bref, assez parlez de ça. Tu me fais le topo sur cet homme ?

— J’ai pu discuter avec lui et tu devrais en faire autant. Il…

— Il a parlé de mon père, me rappelais-je. Pourquoi ?

— Parce que c’est lui ton père.

— Mais bien sûr.

— J’ai vérifié, Elena. C’est lui, il n’y a pas de doute. Il veut s’expliquer et te donner son point de vue.

— Bon très bien. Fais-le venir dans la grande salle. Je vous y rejoindrai.

— Ne le fait pas attendre trop longtemps.

Elle déposa un baiser sur ma joue avant de me laisser seule. Avais-je vraiment envie de rencontrer mon père ? Ça faisait tellement longtemps que j’attendais de savoir la vérité, de savoir ce qu’il s’était passé. Mais maintenant que j’avais les réponses à porter de main, étais-je prête à les recevoir ?