Chapitre 18
Dans les heures qui suivirent, les documents autorisant mon père à prendre place au Conseil avaient été signés, envoyer aux conseillers et validés à la majorité. Comme je l’avais envisagé, Emma arriva rapidement.
— J’ai eu des échos de ce que tu as décidé avec ton père. Je…
— Non, pas de je te l’avais bien dit.
— Très bien. Vous avez parlé d’autre chose ?
— De ma grand-mère. Mais avant ça, ça te dit qu’on aille se baigner au lac ? J’ai envie de sortir un peu.
— Est-ce que ça va Elena ? On n’a toujours pas parler de ce qu’il s’était passé avec Océane et…
— Et je ne veux pas en parler. Je t’attends sur la plage de l’étang.
N’ayant absolument pas envie de parler d’Océane, je me dépêchais de m’éloigner d’Emma et de récupérer mes affaires de piscine dans ma chambre. Comme je savais qu’Emma tenterait tout pour que j’en parle, elle me rejoindrait forcément à l’étang. Et comme je l’avais prédit, elle me rejoignit dix minutes après mon arrivée.
— Il faut qu’on parle, Elena, enchaîna-t-elle en s’asseyant à côté de moi.
— Je vais bien, Emma et je n’ai pas envie.
— Pourquoi tu te braques dès qu’on parle d’elle ? Je peux comprendre que…
— Non ! Tu ne peux pas comprendre ! Elle…
— Laisse-toi aller Elena, je suis là pour ça.
— Il n’y a rien à dire.
— Mais quand est-ce que tu vas me dire ce qui te passe par la tête ? Ne m’oblige pas à utiliser la manière forte pour que tu te confies à moi. Je suis ton amie ou pas ?
— Évidemment.
— Alors pourquoi tu ne veux rien me dire ?
Je voulais lui parler, là n’était pas le problème. Je m’étais toujours confié à elle et ça n’allait pas changer à cause d’une fille. Je n’arrivais juste pas à mettre de mot sur ce que je ressentais. Ce sentiment inconnu qui me rongeait de l’intérieur. Celui qui voulait me clouer au fond du lit, mais en même temps qui me donnait l’envie de tout casser. J’étais en colère contre Océane de m’avoir si lâchement abandonné et pourtant, je ne pouvais que la comprendre. Qui voudrait d’une fille aussi pathétique et ignorante que moi ?
— Elena, soupira Emma en me rapprochant contre elle. Je ne te jugerais pas, jamais.
— Je sais. C’est juste que… ça fait tellement mal, avouais-je.
— Continue, je suis là pour toi.
Tout expliquer à celle qui avait joué le rôle de mère pendant six ans me permit de me libérer et aussi de comprendre ce que je ressentais. Pour Emma, c’était logique que je ressente à la fois de la haine et de l’amour pour Océane. C’était grâce à elle que j’avais pu me libérer de ma mère, que j’avais découvert l’amour, le pouvoir, la liberté et surtout le respect. Tout ce qu’elle avait apporté de bien dans ma vie s’était volatilisé en même temps qu’elle, par un simple message.
— Tu sais Elena, Océane ne t’a pas quitté pour te blesser. J’ai lu son message et elle t’aime vraiment.
— Tu l’as lu ?
— Oui, je me suis permis pour comprendre ta réaction et pour pouvoir t’aider. Si elle t’a quitté, c’est pour que tu apprennes à te connaître. Actuellement, tu as trop de questions en tête pour assurer un équilibre à ton couple. Résous le problème de la loi anti-homosexuel, découvre qui est ta grand-mère, apprends en plus sur ce qu’il s’est réellement passé avec ton père, pourquoi ta mère est devenue aussi… enfin ce qu’elle était. Trouve qui tu es vraiment, qui tu veux devenir sans être limité ou contraint par quelqu’un. Il te faut du temps, seule, et elle l’a compris. Je le sais aussi, il te faut de l’espace, mais je sais aussi que tu as besoin de moi. Pour ton bien, pour que tu puisses prendre ton indépendance et que tu deviennes une vraie femme libre, il faudrait que je parte aussi, que je prenne des vacances, mais…
— Je ne veux pas que tu partes. Ne me laisse pas.
— Mais je sais que mon départ aurait un impact plus négatif que positif sur toi.
Emma avait raison et Océane aussi, depuis le début. Sans elles et sans mon trône, je n’étais rien ni personne. Sans elles, je redevenais l’enfant persécutée par sa mère qui ne savait rien faire, incapable de prendre la moindre décision. Seule, j’étais aussi inutile qu’un vieux livre indéchiffrable.
— Qu’est-ce que je dois faire ? lui demandais-je en retenant mes larmes. C’est trop dure Emma, je ne comprends rien.
— C’est normal que tu sois perdu. J’en ai discuté avec ma mère et elle serait d’accord pour que se soit toi qui prenne des vacances. Une semaine chez elle, comme si tu n’étais qu’une banale jeune femme de dix-neuf ans. Pas de domestiques, pas de traitement de faveur. Enfin si un, qu’elle t’apprenne tout ce dont tu dois savoir, en passant de la cuisine au ménage par laver le linge.
— Marché conclu, répondis-je sans même hésiter. Si ça peut me permettre de grandir et de la faire revenir.
— Mais interdiction d’aller la voir. Ce n’est pas parce que vous serez à côté que…
— Pas de problème. Je ne forcerais pas le destin. Merci Emma. Merci de faire ça pour moi.
— Je serais toujours là pour te guider, Elena, quoi qu’il arrive. Je t’en fais la promesse. Je n’abandonnerais jamais un membre de ma famille.
— Parce que je fais partie de ta famille ?
— Tu es comme une sœur pour moi. Enfin, tu es ma sœur pour être exact et je te considère comme tel.
— J’ai toujours voulu avoir une sœur.
Comme depuis le premier jour où elle était arrivée au palais. Emma avait toujours était un point de repère. Dès le premier jour, elle avait su trouver mes faiblesses, ouvrir les plaies béantes de mon cœur pour les refermer à coup de réconfort, de valorisation et de câlin. Aujourd’hui encore, elle avait réussi à frapper pile au bon endroit. Elle me connaissait trop bien. Mieux que moi-même.
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