Chapitre 20
Après avoir négocié avec le conseil pendant plus d’une semaine, ils acceptèrent que je prenne une semaine de vacances chez Emma. Mais à la seule condition que je sois joignable en cas de problèmes pour que je revienne assister à la réunion du Conseil. Chez Emma, tout avait été organisé pour que je puisse être accueilli correctement. Un deuxième lit une place avait été installée dans la chambre d’Emma.
— Bienvenue Elena. Comme tu le sais, tu es comme chez toi ici.
— Merci Mme Liart
— Appelle-moi Corine.
— Très bien. Comment ça va se passer alors ?
— Pendant cette semaine, tu seras traité au même niveau que mes filles, sans aucune distinction. Hormis celle que je sais que tu ne sais rien faire seule, mais que je vais t’apprendre.
— Je serais une bonne élève. On commence par quoi ?
— Il faut préparer ton lit. Emma, je te laisse commencer ? Comme ça, tu prépares le tien aussi.
— Bien sûr. Suis-moi Elena, je vais tout t’expliquer.
Préparer le lit n’était pas ce qu’il y avait de plus difficile. J’avais vu Emma le faire tant de fois en six ans qu’il me suffisait de recopier ses gestes. J’avais même déjà fait mon lit à sa place pour l’aider un peu.
Petit à petit au cours de plusieurs journées, j’appris à faire à manger, faire le ménage et faire la lessive. Tout ne se fit pas d’un coup, mais par étape. J’appris à faire tout ça progressivement. Finalement avec un peu d’entraînement et d’explications, ce n’était pas si compliqué que ça. En échange, j’aidais les sœurs d’Emma à faire leurs devoirs, en particulier en maths et en économie.
— Je crois que tu es prête, Elena, commença Corine, un matin.
— Prête pour quoi ?
— Pour préparer un repas, seule.
— Seule ? Vous êtes sûr ?
— Arrête de te sous-estimer, Elena, enchaîne Emma. Combien de fois je te l’ai déjà dit ?
— Si vous le dites alors. Mais tu pourras rester avec moi au cas où ? lui demandais-je.
— Mais oui. Je ne vais pas te laisser totalement seule non plus, ne t’inquiète pas.
— Merci.
— Bon et bah on va vous laisser. J’ai deux ou trois courses à aller faire en ville avec les filles. On sera de retour dans deux heures.
Corine m’adressa un clin d’œil avant de sortir de la maison suivie par ses trois filles. Une fois seule avec Emma dans la maison, elle me tendit un tablier et sortie tous les ingrédients que nous allions avoir besoin. Elle mit de la musique et on commença à cuisiner. Faire cette activité avec Emma et en musique, c’était beaucoup plus amusant qu’une réunion du Conseil. Aujourd’hui, je ne paniquais plus quand je devais prendre un couteau. J’arrivais même à cuisiner tout en rigolant et discutant avec Emma. Et finalement, je n’étais pas si nulle que ça en cuisine.
Passer cette semaine en compagnie de la famille d’Emma, ça m’avait permis de me retrouver. De comprendre plus en détail qui j’étais, qui je voulais devenir, comme Océane avait voulu. Cette semaine m’avait aussi permis d’oublier ma rupture difficile avec Océane. Mais il été désormais temps de retourner à la réalité. Mon peuple avait besoin de moi, le Conseil attendait mon retour avec impatience. Tout le monde attendait que je reprenne ma place d’Impératrice à temps complet et que je rattrape tout le retard que j’avais pu accumuler durant cette semaine.
Je profitais donc de mon dernier repas avec la famille d’Emma pour remercier Corine de tout ce qu’elle avait pu m’apprendre. Pour Emma comme pour moi, nous allions toutes les deux devoir rentrer au château et retourner à notre vie. Elle allait de nouveau devoir s’occuper de moi et des cuisines, même si j’étais plus indépendante, et j’allais devoir redevenir l’Impératrice et affronter le Conseil, mon père et surtout ma vie toute entière. Chez Emma, cette semaine, ce n’était que des vacances. Ce n’était rien comparer à tous les obstacles que j’avais à surmonter pour vivre la vie que je voulais et avec qui je voulais.
Comparer aux tâches ménagères, les tâches d’une Impératrice étaient beaucoup plus complexes. Après avoir goûté à la vie d’une jeune fille ordinaire, je n’avais pas envie de me retrouver dans la fosse aux lions. Je ne voulais pas redevenir la fille qui avait un Empire entier sur ses épaules. Celle dont on attendait un mariage puissant et une succession pour assurer l’avenir de l’Empire. Je ne voulais plus me retrouver sur le devant de la scène, dans les projecteurs. Mais je n’avais pas le choix. J’avais défié Camille pour garder mon trône, parce que j’étais la seule capable d’être à cette place et je devais assumer. J’avais eu le choix. Garder mon trône ou le laisser à Camille, et j’avais choisie de le garder, pour le bien de mon peuple. Je devais me ressaisir et redevenir celle que tout le monde attendait que je sois, quitte à oublier la jeune femme qui sommeillait au fond de mon cœur et de mon esprit. Celle que je voulais être au plus profond de moi, libre.
— Tout va bien Elena ? m’interrogea Corine alors que je n’avais pas touché à mon dessert.
— Oh heu… oui, oui, ça va. Ce n’est rien.
— Elena, soupira-t-elle. Je te connais comme si tu étais ma fille. Alors ?
— Je n’ai pas envie de rentrer. Vous êtes la famille que j’ai toujours voulu avoir. Je ne veux pas redevenir l’Impératrice crainte à cause de sa mère.
— Tu n’es pas crainte, Elena. La plupart des habitants t’admirent. Tu as réussi à défier ta mère, tu arrives à redresser le royaume, petit à petit certes, mais tu y arrives. Ce n’est pas ta mère qu’on voit, mais bien toi. Tu es unique, Elena. Tu n’es pas ta mère.
— Merci. De m’avoir accueilli, de m’avoir appris tout ça. De m’avoir aidé à grandir.
— Les mères sont faites pour ça, même si je ne suis pas ta mère.
— Tu es celle d’Emma et je considère Emma comme ma sœur.
— Vous devez rentrer quand ?
— On doit être au château avant quatorze heures. Mes Conseillers veulent me voir dès mon arrivée.
— Décidément, pas moyen d’être tranquille en étant Impératrice.
— Je ne te le fais pas dire.
Profitant de la dernière heure qu’il me restait à passer dans cette famille, je rigolais avec tout le monde. Oubliant encore, toutes les responsabilités qui allait revenir dès que j’aurais franchi le portail du château, ma couronne sur la tête. Je voulais profiter au maximum de la jeune femme de vingt ans que j’étais.
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