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3 minutes de lecture

Scribay,

Le 11 juin 2020

Cher Toi,

Je suppose que le papillon de février ne t'intéresse pas. Tu me l'aurais fait savoir d'une manière ou d'une autre.

J'ose espérer que tu me pardonneras le trop long silence. J'ai commencé à t'écrire en avril, sous le sakura en fleurs. J'ai abandonné. Tu sais, le vide. Pourtant, je suis sûre que tu aurais aimé mes mensonges de printemps. Je te parlais de bonheur et de douceur. Du sucré à en avoir une crise de foie. Peut-être un relent de Pâques, va savoir ! Pourtant c'est pas comme si tout ça avait une grande importance. Pas plus que le reste. Et toujours moins que nos absences. Je te disais aussi qu'à la maison, c'est pas le Rajastan, mais niveau couleurs, c'était tout comme. Same same but different. Une invitation à dépasser nos distances, en somme.

Tiens, une nouvelle qui devrait te réjouir : je me suis mise à sourire. Je veux dire, plus souvent, parfois sans raison, parfois avant une décision ou un saut dans le vide. Je me suis mise à sourire, et... ça me fait du bien ! Ça retient pas les larmes mais ça peint de drôles d'arc-en-ciel, ça pétille aux comissures et tu avais raison : ça change le regard.

N'empêche.

Sourire empêche pas d'avoir mal. Il me disait tellement. Il disait la tendresse. Il disait aussi « l'amour ça commence par le respect ». Et moi j'y ai cru. Putain, si tu savais comme j'y ai cru. Je pensais pas que des semelles de Docs ça pouvait piétiner le cœur. Que ça ferait mal si fort et si longtemps. Je veux dire, j'y crois à sa liberté. Sa liberté d'aimer, comme celle de désaimer. Mais sa liberté de disparaître, je la hais. Je la hais de tout mon corps. Dire au revoir, va te faire foutre, dire n'importe quoi. Juste quelque chose. Je pense si souvent à sa peau. A sa peau et à ses yeux. J'ai suivi ton conseil : je l'ai appelé. Plusieurs fois. Je raccroche toujours avant qu'il ne réponde. Lui dire quoi ? L'amour ça commence par le respect. Le respect de sa liberté. Et voilà ! Incorrigible moi. Je te dis que je souris et je me mets à chialer !

Tu sais, parfois j'aimerais bien revenir à l'époque des blue-jeans tâches d'herbe et de l'Opinel emprunté au père pour faire des moulins sur le ruisseau ou des cannes à pêche qui ne pêchent jamais rien.

Tu te souviens, notre discussion sur le courage ? Sans doute non, je sais que ta mémoire n'est pas assidue à cela. J'aimerais bien que tu me dises, que tu me rappelles ce que c'est le courage. Celui de dire. Et d'oser, aussi. Peut-être qu'en le disant, ça m'en donnerait un peu. Assez pour prendre le taureau par les cornes. Tu veux bien, dis ? J'aimerais tant la retrouver, cette petite fille impétueuse.

Je sais que je te demande beaucoup. Bien plus que je ne t'offre. Elle est sans doute là, la raison des distances. C'est peut-être aussi ça, être mon frangin... personne n'a jamais dit qu'avoir une petite sœur c'était un cadeau. Là, je souris. Je ris, même. Comme tu ne peux pas le voir, je préfère le préciser. Un peu d'autodérision. Parce qu'avouons-le, tout cet insignifiant érigé en montagne, ça prête à sourire, ne trouves-tu pas ?

J'aimerais bien, aussi, que tu me parles de toi, un peu. Que tu me racontes le nouveau, puis l'ancien. Des bribes de ton quotidien, et des bribes d'elle. Je la croise de temps à autres. Parfois elle m'ignore royalement, et parfois, elle semble comme agiter les bras et dire « regarde moi ». Je ne sais pas, je me trompe peut-être., sûrement même. Je n'ose l'approcher, je ne sais que lui dire, la sensation qu'elle me détestera avant même de me connaître.

J'espère que le vent trouvera ton jardin, ou mieux, une fenêtre ouverte pour déposer ce courrier sur la table du p'tit déj'. Oui, je sais, ça ne marche pas comme cela, mais c'est bien, parfois, de rêver à la magie.

Je crois qu'il est temps de te laisser vaquer.

Je t'envoie un sourire. Un sourire sincère.

Tu me manques, encore. Toujours.

O.

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