68 - Citseko : Il n'y a pas de sortie derrière, tu le sais, alors avance
Cela faisait quelques heures qu'ils attendaient. Citseko mâchait un sandwich tout en observant le couloir perdu dans l'ombre en se demandant ce qu'il trouverait au bout. Ora s'était endormie, adossée au mur gris, alors que Vish s'était assise, le regard perdu dans le vide. Le silence fut interrompu par Matior qui demanda soudain :
-Vous n'entendez rien ?
Lyert, à moitié endormi, se redressa :
-T'entends quoi ?
-Comme des couinements. Ça se rapproche. Vous n'entendez pas ?
Ze resta immobile, mais Vish se leva :
-J'entends aussi. C'est pas des ailes ?
Les adolescents se mirent debout. Derrière ses barreaux, Citseko confirma ce qui venait d'être dit. Il entendait quelque chose voler vers eux. Plusieurs choses, en fait. Lyert alla réveiller Ora qui bâilla en demandant ce qu'il se passait. Le garçon posa un doigt sur ses lèvres pour qu'elle fasse silence, alors que tous tendaient l'oreille. Dans le jour qui s'obscurcissait, à travers les arbres, ils virent des formes apparaître. Des chauve-souris ? Citseko tenta de distinguer les créatures avec plus de précision. Ça avance trop vite. L'adolescent allait conseiller aux autres de bouger quand Matior le devança :
-Courez !
Ora roula sur le côté dans le couloir près d'elle. Les barreaux se fermèrent avant qu'elle ne se relève et se mette à courir vers les escaliers du fond. Citseko vit les autres disparaître de son champ de vision, tandis qu'il reculait également dans le couloir. L'héritier d'argent entendit Matior lancer :
-Entre dans un tunnel, les barreaux les empêcheront d'entrer !
Citseko compta mentalement quatre autres glissements métalliques identiques à celui qui avait annoncé la fermeture de son couloir et, une fois sûr que tous se trouvaient en sûreté, il se mit à courir. Les barreaux empêcheraient sans doute les Bestioles d'entrer, mais il ne tenait pas à rester pour s'en assurer. L'héritier d'argent dévala les escaliers à la lueur de sa torche. Cependant, une fois sur la dernière marche, des néons s'allumèrent automatiquement le long d'un couloir qui lui parut infini.
Citseko cessa de courir optant pour une marche rapide qui lui permettrait de reprendre son souffle. Derrière lui, les néons s'éteignaient au fur et à mesure de son avancée, tandis qu'ils continuaient de s'allumer devant. Au fur et à mesure que le danger s'éloignait, l'adolescent ralentit l'allure, marchant, marchant, marchant encore sans s'arrêter. Est-ce que j'avance au moins ? Il jeta un regard dans les ténèbres derrière lui et fut saisi d'angoisse. Les Bestioles ne semblent pas avoir pu entrer au moins. Le garçon se détourna, se focalisant sur la zone éclairée devant lui. Je fais pas du sur place, donc j'avance forcément. Il passa un long moment encore à marcher, sans que rien sur sa carte ne lui montre sa progression. Parfois, Citseko se demandait s'il ne ferait pas mieux de faire demi-tour, puis, à chaque fois, il se rappelait qu'il avait déjà cherché un moyen de sortir du bâtiment pendant qu'ils attendaient les autres. Mais peut-être que je n'ai pas assez fouillé, peut-être qu'il y avait un coin en particulier... A ces pensées, il se revoyait tâtonnant le moindre recoin de mur sans rien trouver. Il n'y a pas de sortie derrière, tu le sais, alors avance. L'héritier d'argent continuait.
Quand une porte apparut au bout du couloir, Citseko eut un immense soupir de soulagement. Faites qu'elle soit ouverte, faites qu'elle soit ouverte, faites qu'elle soit ouverte....il garda cette pensée en tête, la répétant comme une formule magique jusqu'à poser la main sur la poignée. L'adolescent l'actionna rapidement comme si la vitesse pouvait influencer le fait qu'elle soit fermée ou non, mais la porte s'ouvrit sans difficulté. Citseko fut presque surpris et resta quelques secondes à observer la passerelle de fer qui prolongeait le couloir de l'autre côté. L'héritier d'argent s'attendit à voir sa retraite barrée de nouveau en avançant. Ce fut une nouvelle surprise, car rien ne se passa. Debout sur la passerelle, Citseko resta à fixer l'embrasure de la porte, soupçonneux. Donc, je peux faire demi-tour si je veux ? Non, pas que ça servirait à grand chose, mais bon, si quelque chose se passe mal ici, je pourrais toujours aller me planquer dans le couloir. Il espérait du fond du cœur que tout se passerait bien, car une fois enfermé derrière cette porte, ces options auraient été grandement limitées. La bonne nouvelle, c'est que si je n'ai pas eu à utiliser la manivelle, il y a des chances que les autres non plus.
Citseko se décida à faire face à la pièce immense devant lui. Un labyrinthe d'escaliers et de passerelles emplissaient l'espace. Au-dessus de lui, un escalier descendait. Il aurait fallu qu'il se mette sur la pointe des pieds pour pouvoir le frôler. Des tonnes de petits trous composaient les passerelles et il n'eut pas besoin de se pencher par-dessus la rambarde pour savoir qu'il y avait du vide sous lui. Du vide et d'autres passerelles et d'autres escaliers. Tant que je n'ai pas à choisir entre deux directions, je devrais pouvoir m'en sortir sans problème. L'héritier d'argent se redressa et commença à avancer. Son passage tourna d'abord sur la droite, puis il monta un petit escalier avant de devoir repartir sur la droite de nouveau. Là, la passerelle se sépara en deux. Évidemment. Citseko tenta de deviner par où le ferait passer chacun des passages et opta pour celui qui semblait le faire avancer vers le mur opposé.
Il ne tarda pas à se rendre compte que ce n'était pas le cas. Au fur et à mesure de son avancée et de ses choix, le garçon se rendit compte qu'il se trouvait bloqué au centre de la pièce, ne faisant que changer de niveau.
-Hiloy !
L'héritier d'argent eut un énorme sursaut en entendant ce cri, mais se ressaisit aussitôt. Les autres sont là ? Il chercha à se diriger vers la voix et finit par apercevoir un peu plus haut sur sa droite, Hiloy qui s'était figée sur une passerelle, la tête levée. En suivant son regard, il aperçut Falibi qui la surplombait :
-Je te rejoins.
On a le droit ? Citseko regarda autour de lui comme s'il s'attendait à voir surgir une Bestiole ou autre chose. Falibi passa la rambarde et se suspendit dans le vide en cherchant à viser la passerelle de la Cinquième. Hiloy leva les bras, dans l'espoir de la retenir et de la diriger. Citseko les observa avec inquiétude, imaginant déjà Falibi rater sa cible et aller se briser deux escaliers plus bas. Quand elle lâcha prise, il tendit le bras par réflexe comme s'il avait pu lui venir en aide à cette distance. Ce fut, bien sûr, inutile et l'adolescente atterrit près d'Hiloy sans problème. Cellui-ci se laissa enlacer en souriant, tandis que Falibi criait presque de joie. C'est ma chance, je dois leur demander si elles ont vu Meb. Cependant, il hésita à élever la voix. Allez savoir l'attention de qui ou de quoi, il allait attirer.
En se détournant pour repartir, Falibi aperçut les reflets d'argent de l'uniforme du garçon et elle le pointa du doigt :
-C'est pas Citseko, là ?
Hiloy acquiesça :
-Je crois bien.
-Citseko !
L'adolescent fit un geste timide de la main alors que Falibi continuait :
-On est tous là-dedans, alors.
Citseko osa demander :
-Meb était avec vous ?
-Oui, mais on a dû se séparer en entrant dans le bâtiment.
L'adolescent jeta un regard à sa carte, étonné de n'y voir rien d'autre que le point indiquant leur but.
-Je ne le vois pas et je n'ai qu'une vue extérieure du bâtiment. Ma tablette ne marche peut-être plus.
Penchée par-dessus la rambarde, dans sa direction, Falibi le rassura :
-Non, c'est comme ça pour moi aussi.
Hiloy leva la main :
-Moi aussi.
Son amie demanda :
-T'as vu quelqu'un d'autre ?
Citseko secoua la tête :
-Non, vous êtes les premiers.
Hiloy fit remarquer :
-Ce n'est pas étonnant. Cet endroit est énorme. Je viens d'en bas et ça fait un sacré moment que je grimpe.
Falibi hocha la tête :
-Pareil, mais je viens d'un peu plus haut.
Citseko leva les yeux vers le plafond, là où les passerelles et escaliers se perdaient dans l'obscurité.
-Tu sais par où tu vas ?
Il revint à Falibi :
-Pardon ?
-Ton chemin, il va par où ?
Citseko s'avança un peu pour voir si la passerelle tournait et revint leur dire :
-Ça part sur la gauche, pourquoi ?
Il vit le duo en pleine discussion, pointant différents chemins puis Falibi lui répondit :
-On va essayer de se rejoindre. On va partir par-là. Il y a peut-être un endroit où on se croisera.
Citseko acquiesça. Il serait certainement plus serein avec des compagnons de route. Il reprit sa route, répondant aux appels réguliers de Falibi qui cherchait à le repérer quand ils se perdaient de vue.
Quand l'appel ne lui parvint plus, l'héritier d'argent revint sur ses pas en espérant qu'elles se seraient rendu compte qu'il était hors de portée. Il remonta rapidement les marches qu'il venait de descendre :
-Falibi ? Hiloy ?
-Par là.
L'adolescent leva la tête pour les apercevoir à deux passerelles au-dessus de lui. Soulagé de les revoir, il demanda :
-Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Hiloy répondit :
-On monte de notre côté.
Citseko baissa les yeux avec une pointe de désespoir sur l'escalier qu'il avait commencé à descendre.
-Je descend. Je ne pense pas qu'on va pouvoir se rejoindre finalement.
Un sifflement leur fit tourner la tête et ils découvrirent Neghttris, sur un escalier plus haut sur leur droite.
-Citseko ! T'avais qui dans ton groupe ?
Sachant très bien la réponse attendue, Citseko lui dit :
-Lyert et Matior étaient avec moi. Ils ont dû entrer dans le bâtiment quand des Bestioles nous sont tombées dessus.
Falibi tilta :
-Des Bestioles ? Les trucs volants là ?
Citseko acquiesça :
-Vous les avez vu ?
Hiloy confirma :
-C'est pour ça qu'on est entré aussi.
Neghttris leur rappela sa présence en demandant :
-Vous n'avez pas croisé Elférad par hasard ?
Ils répondirent par la négative et le garçon demanda encore :
-Vous faîtes quoi ?
Falibi soupira :
-On essaie de se rejoindre, mais ça a l'air plutôt compromis.
Neghttris observa les différents chemins, remontant les escaliers pour avoir une vue d'ensemble :
-Il faudrait que Citseko vienne vers moi.
Le garçon ne se fit pas prier et revint sur ses pas.
-Arrête toi quand tu es sous l'escalier.
Citseko repéra l'endroit dont il parlait et stoppa comme demandé.
-Je fais quoi maintenant ?
-Il faut que tu essaies de grimper sur l'escalier.
Les marches les plus basses pouvaient, en effet, être à la portée du garçon et Citseko sauta pour essayer de s'accrocher aux barres verticales de la rambarde. Même comme cela, il réussit à peine à les frôler. L'héritier d'argent réfléchit deux secondes avant de décider de prendre appui sur la rambarde à sa droite. Il sauta, poussa d'un pied sur la barre de métal et lança ses bras vers l'escalier. L'adolescent réussit à s'accrocher, puis se hissa entre les barres, battant des jambes pour se pousser. Il prit le temps de respirer, une fois sur les marches.
Neghttris était passé de l'autre côté de sa rambarde, tenant d'une main la barre, il se penchait dans le vide pour garder un œil sur Citseko.
-OK. Hiloy et Falibi, vous repartez par là. Au croisement, vous prenez les escaliers et de là, vous pourrez descendre à la passerelle en-dessous.
Elles obéirent et quand elles se furent exécutées, Neghttris annonça en repassant sur sa passerelle :
-Vous devriez vous retrouver maintenant. Je vais voir si je trouve un moyen de descendre vous rejoindre.
Citseko avait déjà commencé à progresser en direction du duo et ils ne tardèrent pas à se retrouver. Falibi lui fit de grands gestes des bras tout en progressant vers lui. Amusé et soulagé, le garçon eut un demi-sourire à l'attention de la jeune fille. Une fois réunis, Citseko s'inclina rapidement devant Hiloy qui demanda :
-Il y avait qui dans ton groupe, exactement ?
Citseko fit la liste et Falibi observa les alentours quand il eut fini :
-Donc, on est vraiment tous là. Tout le monde a dû nous entendre, non ?
Elle chercha confirmation auprès d'Hiloy, mais son amie se contenta de hausser les épaules. Le sifflement se fit entendre de nouveau et ils levèrent la tête à la recherche de Neghttris.
-Par là.
Hiloy attrapa le bras de Falibi pour la tirer dans la bonne direction. Citseko suivit.
-Attendez-moi ! Attendez-moi !
Le trio fit volte-face pour apercevoir Laxo qui courait quelques étages plus haut à la recherche d'un passage pour les rejoindre. Falibi s'étonna :
-Laxo ? Comment tu nous as trouvé ?
L'interpellée éclata de rire en sautant au bas d'un escalier :
-Je ne crois pas que tu réalises à quel point ta voix porte.
Falibi s'adressa à Citseko et Hiloy :
-Elle a raison. Quiconque l'entend ne peut s'empêcher de venir pour l'écouter de nouveau. Un vrai rossignol.
La Cinquième eut un rire léger en s'avançant en direction de Neghttris :
-Il y a Laxo qui va essayer de nous rejoindre.
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