78 - Elférad : Je ne vois pas ce qu'il pourrait me vouloir
Gzadien commença à manger avec délectation :
-Ah, ça fait du bien.
Elférad mangea du bout des lèvres au cas où l'héritier d'argent aurait encore faim quand il aurait fini son assiette. Il mourrait aussi d'envie de savoir exactement ce qui lui était arrivé, mais le garçon savait que lui poser la question le rebuterait. Ils mangèrent donc en silence.
-Tu n'as pas faim ?
Elférad lui tendit son assiette :
-J'ai déjà mangé, en fait. Tu veux le reste ?
Gzadien eut un sourire :
-Le reste ? Toute l'assiette, oui.
Elférad leva les yeux au ciel :
-Tu la veux ou pas.
L'adolescent vint s'asseoir tout près de lui pour lui passer un bras autour de ses épaules :
-Je vais bien. Enfin, je vais mieux.
Elférad le dévisagea intensément pour déceler la moindre trace de mensonge :
-Si tu veux parler....
Gzadien l'embrassa :
-Je sais, mais là non.
-OK.
Lyert revint vers eux quelques minutes plus tard :
-Ils vont commencer à nous laisser sortir.
Elférad se redressa :
-Pour de vrai ? Maintenant ?
L'héritier d'argent secoua la tête :
-Non, ils revérifient notre état de santé avant. Matior et Neghttris y sont, là...
Leur deux amis les rejoignirent à cet instant. Elférad leur lança quand il les aperçut :
-Alors ? Faut faire quoi ?
Neghttris lui répondit :
-Rien. Ils t'auscultent pour être sûrs que t'es pas blessé ou malade. Il faut que vous y alliez. C'est notre classe qui passe.
L'héritier d'or se leva :
-Lyert, mon ami, allons-y.
L'interpellé l'attendit avant de se diriger vers la cabane infirmerie. A l'entrée, un surveillant leur demanda leur nom, puis, après un examen rapide, ils purent ressortir. La femme qui venait de les ausculter les informa, en leur donnant une petite fiche rouge :
-C'est votre permission de sortie. Donnez-la aux surveillants près de la petite porte.
Une fois dehors, ils trouvèrent leurs amis qui les attendaient devant la cabane. Neghttris demanda :
-Vous êtes libres, vous aussi ?
Ils montrèrent leur fiche pour preuve et Elférad leur dit :
-Vous pouvez y aller, les gars. Je vais attendre que Gzadien soit passé.
L'héritier d'argent rouspéta :
-Va-t-en donc, je te dis que je vais bien.
Elférad leva un doigt pour corriger :
-A peu près bien. Ce n'est pas assez.
Gzadien eut un sourire ironique en regardant les autres :
-Il préfère rester avec moi, plutôt que de partir avec vous. Je suis son préféré.
Les trois autres le regardèrent d'un air blasé :
-Chouchou.
-Oui, je sais.
Elférad les observa une seconde, avant de se diriger vers la porte :
-C'est bon, je me casse.
Gzadien tendit le bras vers lui :
-Mon amour ? Tu me quittes comme ça ? Youhou ? Elf ?
Elférad l'ignora continuant de s'éloigner les mains dans les poches. Neghttris prit un air mauvais :
-C'est nous les chouchous.
Gzadien ricana :
-Que tu crois. Il vous feinte. Il va revenir, vous allez voir.
Ils attendirent, plantés au même endroit, tandis qu'Elférad continuait sa route.
-Il va revenir. Il ne me laissera pas comme ça.
Matior finit par dire :
-Je ne veux pas briser tes rêves, mais étant donné qu'on vient de le perdre de vue, je commence à avoir des doutes.
Gzadien fit la moue, mais son visage se transforma quand il vit reparaître Elférad. Celui-ci ne prit pas la peine de revenir vers eux et leur cria :
-Vous venez au lieu de faire les cons ?!
Les quatre adolescents répondirent en chœur :
-Désolés !
Ils se dirigèrent vers lui, alors que Matior marmonnait :
-Faire les cons, faire les cons. Ça le dérange pas quand c'est lui qui fait le con.
Ils ricanèrent tous discrètement, mais même ainsi, cela attira l'attention d'Elférad qui se tourna vers eux :
-Qu'est-ce que vous avez encore ?
Ils secouèrent la tête sans répondre. Le groupe arriva à la porte menant à l'extérieur. Deux surveillants attendaient patiemment l'arrivée des élèves. Elférad s'arrêta :
-Bon, on se retrouve tout à l'heure.
Neghttris regarda autour de lui :
-Tu parles à qui ?
Elférad soupira :
-A toi, crétin. Allez-y.
Matior croisa les bras :
-On veut pas partir, nous.
Lyert ajouta :
-C'est vrai, ça. Tu ne nous demandes même pas notre avis. On n'est pas des esclaves, tu sais. On a des droits.
Matior éprouva le besoin d'appuyer ses dires :
-Ouais, alors !
Elférad prit un air épuisé :
-Vous n'en avez pas marre ?
Gzadien ouvrit les bras et l'héritier d'or alla s'y lover :
-Oh, ça va aller.
Ses trois amis ne tardèrent pas à ajouter leurs étreintes à celles des deux garçons :
-Mais oui, ça va aller.
Neghttris tint à préciser :
-On arrête d'être con, promis.
Finalement, ils attendirent ensemble que Gzadien passe son examen. Une fois tous munis de la fiche rouge, ils se présentèrent aux surveillants et purent sortir. De l'autre côté de la porte, des voitures attendaient les héritiers. Ils s'arrêtèrent sur le geste d'un homme qui observait la dispersion des adolescents auprès des voitures. La priorité était, bien sûr, donnée aux héritiers d'or. Enfin, il fit signe à Elférad :
-La voiture en bout de ligne.
Le garçon hocha la tête :
-A tout à l'heure les gars.
Il entra dans la voiture qu'on lui avait désigné. Une fois assis, on lui banda les yeux, puis il sentit qu'on lui retirait le bracelet.
Ce n'est que lorsqu'on le fit descendre de voiture et qu'on lui retira le bandeau qu'il eut véritablement le sentiment que le Grand Jeu était terminé. L'adolescent resta un instant immobile à observer les bâtiments de l'école. Il n'avait pas vraiment fait le compte des jours passés dans le Grand Jeu, mais il lui semblait bien que cela faisait des mois. Une pensée lui vint soudain. Merde, j'avais pas des devoirs à faire ? On n'a pas une excuse en cas de Grand Jeu ? Le jeune homme s'approcha du bâtiment d'accueil et s'assit sur les marches pour attendre ses amis. Elférad remarqua la présence d'autres personnes, qui restait là pour la même raison que lui. Sauf celui-là. Son regard se fixa sur un adolescent de seconde année qui parlait à tous ceux qui étaient présent un par un. Elférad remarqua qu'il évitait les filles et se demanda ce qu'il pouvait bien raconter. Vu qu'il vient vers toi, il y a des chances pour que tu le saches bientôt. En effet, une fois à sa hauteur, l'adolescent lui demanda :
-Je peux voir ton blason ?
Elférad hésita une seconde avant de répondre :
-Pourquoi ?
-Je veux juste m'assurer que je m'adresse à la bonne personne.
Ah, bah, c'est pas moi. Je ne vois pas ce qu'il pourrait me vouloir. Il tira sur la chemise bleue pour mettre son blason en avant. Le jeune homme plissa les yeux :
-Donc, tu es Elférad Juéllit ?
Interdit, l'héritier d'or finit par se lever avec précaution, prêt à toute éventualité :
-Pourquoi ?
Il lui tendit un papier :
-On m'a dit de te transmettre ça.
Elférad fixa la note avec méfiance. Ça va pas recommencer. Avant de faire le moindre mouvement, il demanda :
-Qui t'as dit de me le donner ?
L'adolescent haussa les épaules :
-J'en sais rien. C'était glissé sous la porte de ma chambre quand je suis revenu de mon Grand Jeu.
Il commençait à s'impatienter, mais Elférad n'en avait pas fini :
-Il y avait un mot pour t'expliquer comment me trouver ?
Le seconde année soupira d'agacement :
-Oui, y avait un mot. Tu prends ça ou non ?
Sentant qu'il était à deux doigts de partir, Elférad saisit le papier tout en demandant :
-Tu peux juste me dire ce que disait le mot exactement ? C'est très important.
Le visage tendu de l'héritier d'or toucha l'adolescent qui prit le temps de répondre :
-Ça disait que je devais trouver l'héritier d'or appelé Elférad Juéllit, portant en blason une aiguille entourée d'un fil. Il était dit que je pourrais le trouver en train d'attendre ses amis à la sortie du Grand Jeu. Et comme tout le monde attend ici, je suis venu direct.
-OK, merci.
L'adolescent s'éloigna, laissant Elférad qui fixait le mot comme s'il s'agissait d'une bombe. Il songeait à ce que le messager venait de lui dire. C'est beaucoup trop précis. C'est pas possible que ce soit quelqu'un qui ne nous connaisse pas. L'adolescent finit par se décider à ouvrir la note :
Cela fait un moment que Gzadien enquête, non ?
Comment expliques-tu qu'il n'ait encore rien trouvé ? A moins qu'il ne veuille rien te dire.
Mais, es-tu seulement sûr qu'il ait enquêté sur quoique ce soit ?
L'héritier d'or relut le mot deux, trois fois avant que ses amis n'arrivent.
-Elférad ? Qu'est-ce que tu fais ?
L'adolescent glissa précipitamment le mot dans sa poche à l'approche de Neghttris :
-Rien. Je vous attendais.
Son ami eut l'air amusé :
-Je t'ai vu ranger quelque chose dans ta poche. C'est quoi ? Une déclaration ?
Elférad secoua la tête :
-Sois pas bête.
-C'était quoi alors ?
L'héritier d'or hésita avant de répondre :
-Rien. Un papier trouvé par terre.
Neghttris devint soupçonneux :
-Trouvé par terre ? Et tu le mets dans ta poche ?
Elférad devina où il voulait en venir et para :
-Il n'y a pas de poubelle dans le coin. J'allais pas le laisser traîner.
-Laisser traîner quoi ?
Matior arriva, passant son regard de l'un à l'autre :
-Hein ? Laissez traîner quoi ?
Elférad répondit :
-Un papier que j'ai trouvé.
-Ah ? Tu veux pas le jeter ?
Neghttris répondit en gardant les yeux sur Elférad :
-C'est toute la question.
L'héritier d'or s'énerva :
-Mais, vous pouvez me laisser deux minutes ? Que j'ai le temps de bouger ? Vous venez à peine d'arriver que vous me faites déjà chier.
Lyert les rejoignit à cet instant :
-Pourquoi il est pas content ?
Neghttris répondit :
-Une histoire de papier.
Lyert se tourna vers Elférad, inquiet :
-Quoi ? T'as encore reçu une note ?
Le visage de Neghttris changea soudain. Elférad le remarqua. Il a compris. Avant que son ami n'ouvre la bouche, il lança :
-Non, c'est un truc que j'ai trouvé par terre. C'est rien.
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