Chapitre 1 :

23 minutes de lecture

L’automne se faisait ressentir toujours un peu plus chaque jour. Que ce soit au niveau des températures, ou juste en observant les arbres se dégarnirent. Il le remarquait lorsqu’il était dans les villes éloignées de la capitale se situant dans le sud. Dans la capitale, on ressentait juste la chaleur qui se dissipait et qui allait bientôt laisser place à la fraîcheur de l’hiver. Dans les villes du sud, on voyait les arbres sans une feuille, et les paysages se figer par le froid. Dans la capitale, les choses semblaient toujours être les mêmes, répéter machinalement, quelle que soit la saison. Au fil des jours qu’il y avait passés, le jeune homme avait noté ses différences dans son esprit. Il savait que son pays avait deux facettes. Il se demandait s’il devait en avoir peur. Le jeune homme ne s’était jamais retrouvé dans une grande foule à l’ordinaire, juste lorsqu’il avait été avec les autres adolescents dans les bâtiments.

Il marchait comme certaine autre personne à contre-sens. Une foule plus dense se dirigeait d’où il venait. Il serra les dents lorsqu’il s’immobilisa, trop las pour sentir les coups d’épaules des personnes qui l’esquivaient de peu comme s’ils voulaient l’entraîner dans leur sens. En faites, la plupart voulaient l’entraîné en arrière et il se penchait en avant en serrant les dents. Il jeta un rapide coup d’œil sur l’autre trottoirs. La foule partait dans le même sens. Un événement devait être organisé à un endroit bien spécifique et avait le mérite d’attiser la curiosité de beaucoup de personnes. Cela n’arrangeait pas forcément ses affaires. Une des choses qu’il devait bien éviter, c’était de se montrer suspect. Le jeune homme soupira et s’assura que sa sacoche soit bien fermée et toujours avec lui. Il sentit ses ongles s’enfoncer dans sa paume et il reprit sa marche rapide, comprenant que s’il ne manifestait pas sa présence, il n’aurait aucune chance d’arriver là où il voulait. Malheureusement, il allait devoir faire de plus en plus attention. Il faisait tâche à être le seul à partir dans le sens contraire. Il ne pouvait pas se permettre de se faire attraper : il comptait pour beaucoup de personne et il avait une mission à remplir et n’avait aucune idée de quand il devait arrêter de l’accomplir. Il réussit à se frayer un passage, tel un roi, il remontait la rue pendant que les autres s’écartaient à son passage pour ne pas lui rentrer dedans. Il serait obligé de le rapporter à Amanda pour savoir s’il devait rester aux aguets pour assurer sa protection.

Lorsqu’il s’extirpa enfin, il inspira lorsqu’il peut sentir à nouveau l’air froid lui fouetter le visage. Cet air, bloqué auparavant par les personnes. Il espéra qu’il n’y ait pas de caméras, sinon ses excursions suivantes allaient lui être de plus en plus compliquées. Le jeune homme se libéra enfin du troupeau humain qui le ralentissait et reprit le chemin d’une cadence plus accélérée. Il s’enfonça dans une rue moins large et bifurqua avant de frapper trois coups secs à une petite maison à la porte bleue. Une femme légèrement plus petite que lui, d’une soixantaine d’années lui ouvrit et le laissa entrer. Le jeune homme n’enleva pas son manteau, ne pensant pas rester très longtemps dans cette minuscule demeure. Il salua l’homme assis sur le canapé du salon, âgé de seulement quelques années de plus que sa femme. Ce dernier se leva pour le saluer d’une poignée de main. L’adolescent restait toujours gêné en présence de personnes qu’il ne connaissait pas vraiment, ce n’était pas des proches à lui. Il s’assura toujours inquiet que sa sacoche était bel et bien toujours là, sur sa hanche. Il en sortit une enveloppe et la tendit à la femme. Elle le remercia et s’en empara pour ouvrir et lire la lettre qu’elle contenait. Le jeune homme embrassa le salon du regard : une petite télévision sur une table basse, un canapé acheté il n’y a pas si longtemps ainsi que des plantes en guis de décorations visiblement entretenus régulièrement. Amanda avait grandi, ici. L’homme avait rejoint sa femme et lisait le papier silencieusement. L’adolescent bougea son bras droit, depuis sa sortie de l’hôpital, il ne cessait de lui faire mal lorsqu’il effectuait des mouvements. D’après le médecin qui l’avait pris en charge, s’il avait réagi encore plus tard, il aurait dû le faire amputer. Le jeune homme grimaça à cette pensée. Cela ne lui aurait vraiment pas plus.

— Je te remercie Samuel pour tout ce que tu fais, souffla la dame.

Que lui dire ? Je ne fais pas cela pour vous mais parce que j’ai un contrat à remplir auprès de votre fille car je connais une chose qu’idéalement je ne devrais pas savoir mais aussi car elle ne devrait pas se faire. Rien ne s’était encore passé sauf qu’elle se déroulerait bientôt. Le surdoué finit par répondre qu’il était présent pour cela, et qu’il comprenait parfaitement qu’ils aient besoin d’un contact avec leur fille et inversement. Il le vivait, et grâce au marché qu’il avait conclu avec Amanda, il pouvait, tout en restant avec Iris et les autres surdoués, mais aussi téléphoner à ses parents une fois par semaine. La personne qu’il voudrait vraiment avoir des nouvelles c’était son grand-frère. Hélas, c’était impossible. Son frère avait été envoyé à la guerre avec d’autres hommes du peuple Opartiskain. L’adolescent se demandait souvent si c’était volontaire ou obligatoire. Il lui manquait terriblement et le beau brun n’arrivait pas à s’empêcher de l’imaginer assassiné, comme beaucoup de personnes dans les attaques. S’il était mort, sa famille aurait été avertie. Samuel craignait qu’il soit porté disparu. Dans ces cas-là, l’armée ne signalait rien à la famille pour ne pas les effrayer ou leur faire de faux espoir.

— Notre fils nous a prévenus que nous ne devrions plus écrire de notre main au cas où tu perdrais la lettre.

Ou que je me fasse attraper par l’État, pensa Samuel. Il n’évoqua pas cette éventualité, pour qu’ils ne soient pas effrayés. Il ne prit pas la peine de se dévêtir de sa veste et tira une chaise alors que la femme posa un style et une feuille devant lui sur la table. Sa main serra le stylo et faisait danser l’objet contre la feuille alors que l’encre noire se déversait, retranscrivant le mouvement. Il se concentra sur ses gestes pour ne pas se ressentir intrus dans l’intimité de la famille. Il ne voulait pas voir Amanda autrement de ce qu’il connaissait d’elle. Il fut donc soulagé de voir la lettre se terminer lorsque la mère de l’agente de l’association ait terminé de dicter. Il plia le papier en deux et la glissa précieusement dans la pochette avant de se lever. Il offrit un sourire aux parents de la scientifique mais lorsqu’il s’apprêta à partir l’homme farfouilla dans une pile de magazines et tendit une autre enveloppe à Samuel qui fronçait déjà les sourcils, devant de plus en plus méfiant avec le temps qu’il passait.

— Mon fils m’a confié cette lettre et m’a dit de la donner à sa sœur. À toi donc, et, je pense que tu peux la lire car cela n’a rien de personnel. Mais tu feras comme tu veux mon garçon.

Samuel hocha la tête et s’apaisa en espérant que cela ne soit pas un cadeau empoisonné. Il vérifierait cela plus tard, il n’avait, franchement pas le temps. La vieille dame lui confia aussi un objet à remettre aux mains d’Amanda pour une raison inconnue. Le jeune homme partit enfin de la maison. Il n’y avait plus personne dans les rues et le jeune homme avait envie de courir jusqu’au QG installé dans la capitale. C’était le moment idéal si on voulait l’enlever. Il ne se laisserait pas faire, mais rien ne lui disait qu’il serait capable de ressortir vainqueur d’une nouvelle bataille. Il ne remarqua pas immédiatement que le téléphone portable jetable qu’il possédait pour cette excursion vibrait dans sa poche. Il décrocha et attendit que la personne à l’autre bout de fil prenne la parole. Il pensait tout d’abord que c’était Amanda qui n’en pouvait plus d’attendre qu’il rentre au quartier général, mais ce n’était pas elle mais Lilian. Son ami avait frôlé la mort de près lors de leur précédente mission.

— Je sors de l’hôpital demain ! informa-t-il joyeusement.

— Lilian, c’est génial. On a de la chance que l’association ait aussi des contacts avec un hôpital sinon cela aurait compliqué encore plus les choses.

— Eh bien, à la place d’être dans le coma pendant quelques semaines je serais mort. Mais tout va mieux maintenant ! Toujours en mission quand vous passez me voir c’est dommage. Il paraît que c’est top secret, mais cela ne doit pas plaire à tout le monde.

— Je ne peux rien dire à Iris, et, il faut bien avouer qu’elle aimerait bien savoir.

— Elle n’a pas encore fouillé tes affaires pour trouver une réponse qui lui convient !

— Elle a trop de respect pour moi pour en venir à faire cela, s’esclaffa le brun en tournant dans une rue.

— Je sais, elle doit comprendre que si tu ne lui dis rien, soit elle serait mal, soit cela ne lui plairait pas.

— Cela serait les deux. Je me sens déjà coupable d’avance, mais c’était soit cela, soit je serais déjà retourné dans mon village, près de mes parents à les rassurer sur ce qu’advient mon frère.

La discussion ne fut pas très longue, mais Samuel parvient déjà à un bâtiment normal lorsqu’elle se termina. Il fut accueilli par des agents qu’il commençait de plus en plus à connaître et il se dirigea lui-même jusqu’à une petite pièce qui lui servait de bureau lorsqu’il montait à la capitale chaque week-end. Il posa sa sacoche sur la table et s’effondra sur le siège roulant. Son visage s’assombrit lorsque son regard fixa une photographie qu’il n’aurait jamais dû ramener. Une image de lui et Peter.


Son ami était mort de la maladie, en Dheas lors d’une mission qui avait plutôt mal tourné puisqu’au final il y avait eu deux désastres dans leur camp : Peter, son meilleur ami qui s’était suicidé en sautant de plusieurs étages et Loan, un des meilleurs agents où l’état préoccupant semblait s’être amélioré avant qu’il ne se dégrade un peu plus. La mort l’emporterait peut-être au bout d’un moment mais tout le monde souhaitait qu’il se réveille de son coma. Samuel fut submergé par une vague de tristesse qu’il tenta de contenir. Il avait connu pire moment où il ne devait pas sombrer, mais il devait arrêter de ressasser le passé continuellement au risque de se faire sombrer par lui-même. Peter était mort, il n’avait rien pu y faire, et il ne le reverrait plus jamais. C’était fini. Un goût de bile monta dans sa bouche et il soupira en appuyant ses mains au bureau. Il passa une main dans ses cheveux et sortit la lettre qu’il avait le droit de lire. Malgré tout, il demanderait l’autorisation à Amanda, au cas où elle ne voudrait pas. Il extirpa aussi l’objet, comptant le montrer à Amanda, et il se fit un plaisir de jeter le téléphone jetable contre le mur. Habituellement, Samuel n’était pas un jeune homme violent qui perdait très rapidement le contrôle de ses nerfs. Sauf que depuis quelques mois, ils commençaient déjà à s’user et tous ce qu’il vivait et savait ne l’aidait pas à contenir le surplus de ce qu’il ressentait.

Son pays déraillait totalement. En réalité, le monde déraillait tout court. Depuis l’attaque de la Kuyinto, cette attaque visant les conseillers et leur bâtiment où leur mission se déroulait, l’Opartisk et la Dheas avaient répliqué très violemment avec des armes, et des explosions. L’alliance étant rompue, il y avait des batailles aux frontières de la Kuyinto, et la Siar n’hésiterait sûrement pas à bientôt mettre son grain de sel dans une guerre qui prenait de plus en plus d’ampleur. C’était à la fois exaspérant et effrayant. La guerre durait depuis une éternité, mais cela n’avait jamais pris une proportion aussi grave dans le monde entier. La situation deviendrait vite incontrôlable et il ne pouvait pas y faire grand-chose. Et la maladie qui tuait tous ses jeunes… Samuel en était conscient plus que jamais, et il souhaitait réaliser quelque chose contre la maladie. La guerre, c’était le domaine d’Iris qui ferait tout ce qu’elle pouvait réaliser pour que tout le calvaire du monde entier se termine enfin. Lui, ce serait la maladie.

Il alluma l’ordinateur puis bougea la sourie pour se connecter à une application de communication. Habituellement, il ne l’utilisait pas, mais Amanda lui avait intimé de la joindre par ce biais si jamais des révélations ne devaient pas se faire attendre. Pour une fois depuis quelques semaines, c’était le cas. Il tambourina légèrement avec ses doigts sur la table avant de se décider à cliquer sur l’icône lui permettant de lui relater tout ce qui s’était passé et tout ce qu’il venait d’apprendre. L’attente ne dura pas très longtemps puisque dans le quasi immédiat le visage d’Amanda apparut sur l’écran. La jeune femme paraissait tendue et stressée. Samuel savait ce qui se tramait, et il comprenait pourquoi elle se mettait dans un état pareil. Toutefois, il n’en parla pas et la jeune femme lui était reconnaissante.

— Que s’est-il passé ? s’enquit la scientifique en se massant la nuque.

— Disons que, comme tous les passants allaient dans unique même direction et que je me suis retrouvé seul dans un sens, je pensais que c’était important de t’avertir car ce n’est pas habituel et cela semble louche.

— Oui… ils doivent faire le rapprochement. Je te remercie pour ton investissement dans cette mission Samuel, mais je ne veux pas te mettre en danger donc je vais envoyer une autre personne.

— Et pour…

— Tu as déjà suffisamment fait en contrepartie de notre secret. Je ne serais pas là quand il y aura une réaction immédiate de l’ensemble des personnes, ni face à Iris. Vous serez tous à la capitale. Trouve Marianne avant tout cela. Elle te préparera pour qu’elle ne se rende pas compte que tu savais.

— Mais de toute manière, elle finira par savoir.

— Oui, mais tu verras que le meilleur moment de lui avouer tout cela, cela ne sera pas immédiatement après, Samuel.

Samuel secoua la tête avant de lui expliquer qu’il y avait une lettre qu’il avait le droit de lire, qui venait de son frère. Si Amanda sembla réfléchir un moment, il ne s’en rendit pas compte. Il regardait l’écran, en bas à droite pour voir passer les minutes qui défilaient lentement à son goût.

— Ouvre-la, lis-la, et tu me diras tout quand tu feras ton rapport en rentrant, ou si tu me croises à la capitale. Ce qui m’étonnerait puisque je ne dois en aucun cas être vu hors du QG. As-tu autre chose à me dire ?

Il y eut un moment de silence, et Samuel était tenté de répondre que non, mais le regard de son amie l’en dissuadait car Amanda voyait bien que quelque chose chiffonnait Samuel profondément et même si elle avait beaucoup de respect envers lui, elle voulait se montrer un peu sévère pour qu’il comprenne qu’il n’était pas seul et qu’il pouvait se confier sans crainte. Samuel tripota nerveusement le bout de son t-shirt puis releva le regard.

— J’aimerais faire quelque chose contre la maladie. Sauf que je ne peux rien faire. J’ai tellement l’impression qu’il n’y a rien à faire et je me sens tellement impuissant !

— Tu repenses encore à Peter ?

— Oui, souffla Samuel.

— Écoute, je ne peux pas faire grand-chose, mais si jamais j’arrive à te dégoter quelques choses pour t’occuper en rapport avec la maladie, je te confie cette tâche.

— Merci, Amanda.

— Bien. Les autres vont sûrement arriver dans ce quartier d’ici une heure puisque Mme. Keys les a conviés pour son grand discours. Je compte sur toi pour rester muet Samuel. À bientôt.

La scientifique coupa la communication et Samuel resta un moment immobile avant de fermer les yeux. Il n’était pas rentré dans la ville d’Iris pour le moment. Quelque chose approchait à la capitale, et il devait y être. Ses amis savaient qu’il le retrouverait là-bas. Le jeune homme prit la lettre et l’ouvrit, prêt à la lire.


Amanda,

Je ne sais pas si c’est toi qui liras cette lettre ou quelqu’un d’autre, mais peu importe finalement. Je suppose, que la révolutionnaire que tu es a gravi les échelons de ta chère association qui a fini par se faire connaître. Lorsque j’ai eu vent de cette nouvelle, j’ai immédiatement pensé à toi. La jeune femme que tu étais qui ne supportait pas l’autorité. Je me demande toujours si avec le temps tu as fini par t’assagir. Dans une association rebelle comme la tienne, cela m’étonnerait. En réalité, si je t’écris cette lettre, c’est parce que j’ai eu vent d’une assemblée de rébellion dans l’armée et j’en sais suffisamment pour savoir que le chef n’aurait aucun problème pour rencontrer ton chef. Je t’aiguille juste, je ne t’influence pas, mais je pense que ton avis aura une certaine importance, donc réfléchis bien petite sœur. Je crois qu’une rencontre peut être favorable à ton clan comme à l’autre. Je ne peux pas t’en dire plus sur cette association par sécurité car si la lettre n’atteint jamais le destinataire, je vais sûrement me retrouver dans un sale pétrin. Je ne peux que te dire d’avoir confiance même si je comprends totalement que tu ne me fasses pas confiance. J’espère te voir bientôt. Décide bien, Amanda.


La lettre n’était pas signée, mais Samuel n’avait pas besoin d’une signature pour comprendre que cette lettre provenait du frère d’Amanda, en toute part. Et il saisissait ce qui se tramait, du moins l’essentiel. Il se questionna pour savoir s’il devait reprendre contact avec Amanda mais la scientifique était déjà assez surmenée comme cela et elle serait sûrement agacée de perdre son temps. Elle voulait son rapport, alors il lui révélerait tout lors de ce rapport. Néanmoins, il restait dubitatif car il avait peur que cette lettre soit un piège des conseillers pour les inciter à venir à un point précis pour capturer plusieurs agents, et si possible, des personnages forts de l’association. Cela ne devrait pas arriver, et il espérait qu’Amanda sache exactement quoi faire de bon pour que l’organisation ne s’effondre pas. Préférant donc gérer cela maintenant, le jeune homme tapa son rapport avant que les autres n’arrivent et le surprennent. Cela pourrait lui causer des ennuis. Mais au bout d’une heure il acheva et le transféra sur sa clé USB personnelle avant de l’effacer de l’ordinateur. On toqua à la porte et il sursauta avant de lancer un entrer d’une voix un peu tendue.

— Amanda m’a dit de te coacher. Détends-toi un peu sinon t’auras du mal à mentir à tout le monde. Déjà que tu n’es pas le meilleur des menteurs, ce que je comprends bien. Heureusement qu’Iris ne fait plus pression pour savoir ce que tu caches.

— Et qu’est-ce que je dois faire ?

— Rien. Du moins, ne pas craquer, et t’éloigner des autres si tu sens que tu risques de tout déballer. Même si j’avoue, qu’après le grand événement, cela ne me gênerait pas que tu révèles tout, mais je comprends Amanda. Je sais que ce n’est pas une situation très agréable, mais nous n’avons pas le choix. C’est pour rétablir la paix dans l’association. C’est nécessaire.

Samuel secoua la tête et se leva.

— Comment vont les parents de Peter ? s’enquit l’ancienne militaire.

— Il surmonte, même si c’est dur. D’après ma mère il ne sorte plus beaucoup, tu sais. La nouvelle s’est répandue dans tout le village et ils ne veulent pas voir les regards désolés des autres et leur mine compatissante.

Marianne murmura un normal. La blonde, ancienne militaire avait elle aussi était attristée par la mort de Peter, et elle l’était toujours. Sauf qu’elle n’était pas du genre à se plaindre et à montrer toutes ses émotions au public. Lorsque tout le monde se trouvait rassemblé, elle semblait dure comme la pierre, insensible à tous. Samuel et Iris l’avaient déjà vu désemparé.


La jeune femme sortit et le jeune homme prit un téléphone et des écouteurs avant de le brancher et d’augmenter précautionneusement le son pour s’assurer qu’il ne soit pas nocif pour ses oreilles. Puis, il n’eut pas à déverrouiller le téléphone et il alla dans enregistrement.

Sam, j’espère que tôt au tard, tu auras réussi à commencer ces enregistrements. Tu te dis que c’est sûrement un cadeau empoisonné. Peut-être au final, sauf que ce n’était pas mon but. Si je t’enregistre tous ça, c’est pour que tu aies un dernier souvenir de moi, et t’expliquer un peu les effets de la maladie. Comment nous, les malades, on le ressent, et pas comme les scientifiques l’annonce. Je ne veux pas que cela te détruise, je veux que cela te rende plus fort. Et, je ne sais pas ce qu’il est en train de se passer en ce moment, mais surtout, reste fort car je sais que tu en es capable. Je ne t’oblige pas à écouter mes enregistrements, ni a gardé. Tu pourrais très bien les supprimer à jamais, cela me fait rien car je serais mort d’ici là.

Ce premier enregistrement n’était pas terminé, mais Samuel ne pouvait pas continuer plus loin pour le moment tellement que cela lui était insupportable. Il revoyait dans sa tête le corps de son meilleur ami, immobile, sans vie. Pourtant il ne l’avait pas vu, s’étant enfui avant de pouvoir le voir, et il le voyait quand même. Il sursauta en attendant la porte claquer contre le mur et souffla pour ne pas montrer son désemparement et releva la tête. C’était Iris. La jeune surdouée avait dû demander à Marianne où le trouver. Elle paraissait fatiguée et inquiète. L’adolescente était consciente que le choix de Mme. Keys n’était pas juste, pas le bon et qu’il causerait sûrement à la perte de l’association. Mais elle n’osait pas lui dire car elle avait beaucoup trop de respect pour elle.

— Tu as écouté les enregistrements de Peter ? questionna-t-elle en fermant la porte.

— J’essaye. Je n’arrive jamais à continuer…

La jeune femme se pinça la lèvre, ne sachant pas trop quoi dire. Elle n’avait jamais perdu quelqu’un qui lui était très cher dans le sens de la mort. Par abandon, oui. Elle s’approcha du bureau mais le contourna pour encadrer le visage de Samuel de ses mains, posant son front contre celui de son petit-ami.

— Écoute, ce n’est pas grave, d’accord ? Je te dis ça, parce qu’au fond de toi, tu t’en veux, et je le sais. Et tu n’as pas à t’en vouloir, parce que tu souhaites vraiment écouter ces enregistrements, il te faut juste du temps. Et cela prendra le temps qu’il faudra.

— J’ai l’impression de l’ignorer en faisant cela…

— Sauf que ce n’est pas le cas car tu essayes et tu y penses.

Elle l’embrassa et le jeune homme la serra contre lui. Elle s’appuya contre le bureau et pencha la tête.

— Quand s’arrête ta mission ? finit-elle par demander.

— Là, normalement. Amanda a dit que c’était mieux pour ma sécurité. Sauf que cela ne change rien Iris, je ne peux rien te dire.

— Je sais… et vous n’avez cessé de me dire que je ne devais pas le savoir car cela ne me plairait pas. Je sais tout cela Sam. C’est juste que cela me frustre d’être mise à l’écart comme cela. Je n’ai pas besoin d’être préservée. Je ne suis pas une petite chose frêle, faible et fragile.

— Ce n’est pas moi qui décide, trancha Samuel.

Iris s’abstint de répondre un autre je sais. Elle l’avait beaucoup trop dit pour aujourd’hui. Les mains derrière le dos et appuyée sur la table, elle regardait dans le vide. La raison pour laquelle elle se retrouvait ici ne lui plaisait pas énormément. De toute manière, la capitale de son pays ne lui rappelait pas vraiment de bon souvenir : son départ de l’Opartisk pour le désert, dans les bâtiments. La surdouée n’aimait pas la capitale. Cela lui rappelait ses aux revoirs avec ses parents, mais aussi avec Marin. Elle n’avait pas eu l’occasion de lui faire ses adieux, il était mort avant. Ses parents aussi l’étaient, et aucun des trois n’avaient eu le droit, à une tombe, à une urne vide. Leur corps avait sûrement été détruit. Ses parents par les conseillers, le jeune homme à cause de l’effondrement des bâtiments des conseillers.

— Est-ce que tu penses toujours à partir ? s’informa Samuel.

— Je ne sais pas. J’ai tellement de personnes qui me retiennent ici, auxquels je tiens. Mais en même temps, je n’ai plus l’impression d’être chez moi nulle part, encore moins en Opartisk. Et, je ne peux rien faire pour arrêter la guerre, alors je veux au moins savoir d’où elle vient.

— Tu comptes en parler à Kilian ?

— Oui, après, je comprendrais qu’il ne puisse pas vraiment faire ses recherches. Il est conseiller maintenant, et cela pourrait le mettre dans une mauvaise posture s’il fouine.

Comme tout le monde, mais sa position dans la société de l’Opartisk changeait tout. Kilian n’était plus le jeune homme sans défense de la partie pauvre, il était une personne qui prenait les décisions désormais. Peu de pauvre arrivait au pouvoir en Opartisk, dans le monde entier aussi. Au final, la jeune fille était quand même fière de son ancien meilleur ami.

— Vous faites ressentir la déprime dès que l’on ouvre la porte, fit remarquer une personne qui entrait.

Une grande blonde mince, aux yeux rouges et à la voix légère et un peu aiguë. Maryline se remettait du temps où elle était captive par l’État dans les cellules souterraines. La mort de Théo l’avait beaucoup plus marquée. Le gardien de prison qui l’avait aidé à s’échapper avait péri dans le même effondrement que Marin. La jolie surdouée était très proche de lui. Elle vivait mal tout ce qui s’était passé depuis la fuite des autres surdoués. Maryline avait refusé d’expliquer ce qui s’était passé de son côté, ce qu’elle avait vécu. Elle ne voulait pas en parler. La jeune femme rejoint ses amis qui la fixait.

— On s’ennuie, y a rien à faire en ce moment. Tu n’aurais pas une information que tu pourrais donner sans problème ?

— Depuis quand as-tu besoin d’action pour vivre ?

Maryline ne répondit pas, mais Samuel comprit très bien que c’était pour oublier, et non par soif de savoir ou de changement. Il tergiversa un moment mais pensa que tôt ou tard, après le rapport qu’il aurait fait à Amanda, le reste de l’association finirait par apprendre ce qu’il était le seul à savoir pour le moment.

— Amanda n’est pas encore au courant, alors jurez-moi que cela ne sortira pas de cette salle. D’accord ?

Maryline plia son bras droit, montrant la paume de sa main ouverte, les doigts serrés et la leva un peu avant de lui promettre qu’elle ne dirait rien, sous le regard amusé d’Iris. Samuel ferma la porte à clé et consulta sa montre.

— Eh bien, avec ma mission, et les sources sûres de lesquelles l’information provient, je peux vous assurer qu’au sein de l’armée, une sorte de mini-association est en train de se monter. Je ne sais ni qui, ni comment, ni pourquoi, mais j’ai une lettre qui m’est parvenue qui confirme tout cela. Du moins, on ne peut pas l’ignorer.

Les deux adolescentes s’échangèrent un regard alors qu’Iris bondissait de la chaise où elle avait pris place. Elle paraissait ahurie.

— Tu fais le facteur pour Amanda et ses parents !

Samuel la prit par les épaules et tenta de la calmer alors qu’elle commençait à s’énerver. Maryline, elle, resta dans son coin, à les observer tristement.

— Iris, je ne te dirais rien de plus d’accord. Je ne pensais même pas que tu en savais autant sur Amanda pour comprendre que c’est pour elle que je fais des échanges. Maintenant, je ne peux plus rien te dire.

La surdouée hocha la tête, comprenant très bien qu’elle ne devait plus du tout insister sinon son petit-ami allait finir par se faire réprimander par Amanda.


Marianne vient chercher la rouquine pour lui parler, laissant Maryline et Samuel seuls. Le brun s’assit sur un endroit où rien ne reposait sur son bureau alors que la blonde avait pris place sur la chaise occupée auparavant par Iris, et encore avant par Samuel.

— Cela va mieux ? voulut savoir le surdoué.

— Tu pourras, essayer de convaincre Amanda de me laisser l’accompagner si elle veut faire une rencontre avec cette association ?

— Ne deviens pas suicidaire, vraiment. Ce n’est pas ça la solution. Il faut aller de l’avant, pas s’enfoncer encore plus ou prendre des risques insensés. Réfléchi un peu, Théo n’aurait pas voulu cela.

— Tu ne sais pas ce qu’il aurait voulu ! rétorqua-t-elle sur la défensive.

— Bien sûr que je ne le sais pas, car je ne le connaissais pas. Mais quand quelqu’un aime une autre personne, il ne veut pas la voir sombrer comme tu es en train de faire. Tu es en train de commettre des erreurs.

— Et on en parle de toi ?

— Quoi de moi ? Ce n’est pas à cause de Peter que j’ai accepté cette mission à risque, mais pour rester avec vous et Iris. Puis, ce n’est pas comparable non plus. Peter était mon meilleur ami, pas mon petit ami.

Maryline ne répondit pas immédiatement. Samuel remarquait que ses yeux brillaient de larmes et qu’elle s’efforçait de garder le contrôle face à lui.

— Tu penses toujours à lui ?

— Bien sûr, je ne pourrais jamais l’oublier. Mais c’est beaucoup trop récent pour que je n’y pense pas constamment. C’est une partie de moi qui est partie. Ce n’est même pas un manque, c’est un bout de moi et de ma vie qui s’est désintégré.

— Comment tu fais pour tenir ?

— Mes parents comptent sur moi, Iris compte sur moi, si mon frère doit mourir au combat, je veux le savoir avant de me laisser aller. Et je ne veux pas paraître faible.

— Théo m’a tellement soutenue avec ce que j’ai vécu dans les cellules… je n’ai plus rien. Mes parents ont été évacués des bâtiments avant les bombardements, mais je ne sais pas où ils sont et je ne peux pas entrer en contact avec eux.

— Tes parents étaient dans les bâtiments ?

— Je n’ai pas envie d’en parler. Mais bref, cela fait tellement un vide de savoir que Théo est mort alors qu’il a toujours été là pour me soutenir dans la cellule.

— Si tu veux en parler, je suis là. Iris aussi, et les autres aussi.

— Je sais… avec Iris, tu vas réussir à gérer ? Je pense savoir ce qui est le principal élément de ton deal avec Amanda, et, je pense que tu es au courant, que cela va vraiment la faire souffrir, par rapport à ce qu’y va arriver. Tu n’as pas peur de risquer votre couple avec cela ? Iris aura vraiment du mal à le digérer.

— Je verrais bien ce qui va se passer. Oui, Iris va le prendre mal. Peut-être qu’elle me hurlera dessus, qu’elle me rejettera, et j’en passe. Mais pour le moment, je réfléchis à commencer annoncer cela. Et la crise, on verra si on arrive à la gérer.

— Et si vous n’y arrivez pas ?

— Je ne sais pas… Tu sais, je fais cela pour rester avec vous, pas pour trahir. On est tous dans le même camp.

— Moi je comprends, les autres comprendront. Iris, je n’en sais rien.

Samuel se leva. Bien sûr que cela rajoutait de la tension entre lui et Iris, mais il pensait qu’ils seraient suffisamment forts pour surmonter tout cela. Du moins, il l’espérait et il n’osait pas imaginer le contraire. Et le fait que Maryline lui dise l’opposer le dérangeait, mais elle avait raison : il ne pouvait pas savoir ce qui allait se passer et vers quoi cela allait s’orienter. Il espérait juste, avoir fait le bon choix.

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