Chapitre 5 :

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Kilian avait passé une nuit reposante. Il avait beau avoir beaucoup de pensées de choses auxquelles il devait réfléchir, la journée de l'annonce l'avait épuisée. Rien ne s'était passé comme prévu. Elle avait été vraiment sanglante. La mort de Mme. Keys aurait pu aider l'association à liguer le peuple contre les conseillers, pour le moment, ce n'était pas le cas. Le peuple était étrangement compréhensif avec les conseillers, et pour les autres, cela signifiait que la nomination de Kilian avait fait son effet. Avant d'aller se coucher, il avait eu un bref aperçu des réactions du peuple mais n'avait pas vérifié par lui-même. Et ce n'était pas non plus à son réveil qu'il allait le faire. Certes, il était devenu quelqu'un d'important, mais sa réaction face au regard des gens ne changeait pas.

Kilian était resté un moment en état de choc après que l'adrénaline se soit dissipée. Il s'en étonnait lui-même : Mme. Keys avait été sa nourrice fut un temps, mais il lui nourrissait tout de même certaines rancœurs. Ces dernières étaient sûrement mal placées aujourd'hui, surtout depuis sa mort, sauf qu'il les ressentait encore vivement. Elles se calmeraient avec le temps, mais ce n'était pas pour tout de suite. Kilian entretenait peut-être involontairement ses rancœurs en ne cherchant pas à les laisser dans un coin de sa tête. Il s'en fichait royalement. Il retourna à la réalité lorsqu'il sentit un baiser sur son front.

— Sans vouloir te vexer chéri, tu es flippant quand tu es en train de penser, affirma doucement Fred en enfouissant la tête dans le cou de Kilian.

— Le pire c'est que je ne songeais même pas à ce que nous a révélé Camille même si c'est pour du moins inquiétant.

— Tu ne pensais pas à moi j'imagine...

— Tu restes toujours dans un coin de ma tête, affirma Kilian en redressant le visage de Fred pour qu'il le regarde. Ce n'est pas parce que j'ai beaucoup de choses à faire que je ne pense pas à toi. J'aimerais bien que tu sois ma pensée principale mais cela ne peut pas toujours être le cas. Encore moins avec le poste que j'occupe.

— Je sais bien, sourit Fred contre sa joue. Je te taquine. Tu sais bien que je te comprends même si je ne suis pas à ta place.

Kilian confirma en secouant la tête et en laissant s'échapper un bruit de sa bouche en tripotant les cheveux de Fred qui avait sa tête sur son torse. Cinq grands coups cognèrent contre la porte et les deux jeunes hommes soufflèrent, certains de ne pas se rendormir cette fois-ci. Malheureusement pour eux, Kilian avait commis l'erreur d'oublier de fermer à clé la porte de sa chambre. Camille débarqua brusquement dans la chambre, les cheveux ébouriffés avec plusieurs mèches folles et vêtue d'une robe de chambre. Elle était peut-être levée mais paraissait plus endormie que les deux amoureux qui restaient allongés dans le lit. Kilian remonta un peu la couverture, sans enfouir la tête de Fred dedans, à cause de l'air frais provenant du couloir qui infiltrait sa chambre. Il sentit ses joues devenir cramoisie et il observait Fred qui se retrouvait dans le même état que lui. Kilian n'avait pas l'habitude qu'on débarque sans prévenir dans sa chambre sans l'agresser directement, et encore moins lorsqu'il avait de la compagnie.

— Vous voilà vous deux ! Il faut se lever, dans une heure nous avons une réunion, et même si tu n'es pas conseiller et que tu n'es pas en essaie, tu es aussi convié Fred. D'ailleurs Christian m'a fait penser qu'il voudra te parler. Il ne le peut pas aujourd'hui avec le travail qu'il doit faire, mais il voudra te parler seul à seul dans la semaine à venir.

— Me parler de quoi ? s'enquit le jeune homme en se redressant.

— Tu verras bien ! Kilian, nous allons faire un petit débriefing de l'annonce d'hier pendant la réunion. J'espère pour toi que tu es remis de tes émotions car nous allons lire quelques commentaires à notre égard et surtout revoir la vidéo du meurtre de ta nourrice.

— Et à propos du dictateur Jean-François II ?

Camille perdit son sourire d'un coup et se rapprocha doucement du lit pour s'asseoir sur un côté et être proche de Kilian. La jeune femme pouvait être très amicale mais aussi très sérieuse quand la situation s’y prêtait. L'expression de leur amie conseillère leur afficha la réponse sans même avoir besoin de réfléchir. Fred roula les yeux alors que Kilian soupira pendant que Camille posait sa main sur la sienne se trouvant sur son genou, par-dessus la couette.

— Écoutez... je sais que vous aimeriez en débattre avec les autres, mais ce ne serait pas bien d'aborder ce sujet de discussion. Personne ne doit savoir que vous êtes au courant, et je dis cela pour votre propre bien. Les informations que je vous ai transmises ne doivent pas être abordés et doivent absolument demeurer confidentielles. Personne ne doit l'apprendre. Je compte sur vous, termina la jeune conseillère.

— D'accord... On n'en parlera que quand il n’y aura personne, voire pas du tout, assura Kilian

— Et pas un seul mot à personne hors des conseillers à qui tu fais confiance.

— Merci, cela fait plaisir ! s'exclama Fred en s'allongeant dans sa partie du lit.

— Je ne parlais pas vraiment de toi, Fred, puisque tu es au courant. De toute manière, même si je ne l'avais dit qu'à Kilian, j'aurais fini par remarquer que tu aurais été étrangement mis au courant, reprocha la jeune femme.

— Trouve-toi quelqu'un et on en reparlera, rétorqua Kilian avec un petit sourire.

— Ce que je voulais dire, reprit Camille. N'en parler pas à Cassandra et Liam, ni à Ethan, il n'est qu'en période d'essai et il a du mal à gérer donc nous ne devons pas lui rajouter un fardeau de plus.

— Oh t'as vu chéri, je suis un privilégié ! s'extasia faussement Fred alors que Kilian rigolait du ton et de l'attitude qu'il venait de prendre.

Même Camille souriait sous les airs sévères qu'elle essayait de prendre pour leur faire comprendre que ce qu'elle leur avait dit était très important.

— Effectivement, comme tu es le petit-ami de Kilian et que de toute manière tu es proche des autres conseillers et que tu es inclus dans nos groupes secrets, tu es au courant de beaucoup de choses qu'un simple adolescent n'est pas censé savoir. Fred... cela veut aussi dire que tu as des responsabilités. Tu ne pourras pas nous quitter du jour au lendemain, ni dire tout ce qui te passe par la tête. Tu devras réfléchir.

— Je ne compte partir nulle part, j'ai un encrage ici, répondit Fred.

Camille partit en leur rappelant de ne pas être en retard pour la réunion. Le jeune homme qui se rendormait déjà fut boosté par Kilian qui repoussa la couette avant de lui mettre de la musique dans les oreilles pour le maintenir éveiller. Le blond grogna avant d'ouvrir les yeux. Apparemment, la musique n'avait pas l'air d'être à son goût. Il n'avait pas l'air non plus d'avoir plus envie de se lever qu'avant l'apparition de Camille dans la chambre.

— Je te laisse la salle de bain, je ferais rapidement après, susurra-t-il à l'adresse de Kilian.

— OK, répondit simplement ce dernier en lui déposant un baiser sur la joue.

Le jeune conseiller trouva enfin le courage de se lever de son lit pour affronter la journée. Il laissa la musique de son téléphone portable pour que Fred ne se rendorme pas et sélectionna des vêtements qu'il embarqua avec lui dans la salle de bain. Il régla le jet du pommeau de douche à une intensité moyenne et l'eau assez chaude. Il ferma les yeux et laissa l'eau couler sur lui. Cela n'allait pas être la meilleure journée de sa vie, mais il se disait que ce n'était pas la pire non plus pour essayer de s'encourager. Il ne voulait pas connaître toutes les répercussions de l'événement d'hier mais il allait devoir aider ses collègues à remédier aux mauvaises.

Sauf qu'il avait aussi d'autres choses en tête comme il l'avait confié à Fred. En effet, les révélations de Camille étaient de taille. Kilian n'avait pas d'autre choix que de se taire, il le savait, et dans un sens il comprenait pourquoi Camille le leur avait demandé. D'ailleurs, il allait devoir se programmer un rendez-vous dans le centre psychiatrique de l'ancien conseiller Bertrand pour lui rendre une petite visite très courtoise. Le vieil homme qui avait tenté de le tuer lui faisait ressentir de la pitié au début, désormais, il n'y avait plus rien de compatissant à son égard. Tout était de sa faute, et même s'il ne pouvait pas en payer les conséquences, Kilian comptait vraiment le lui redonner la pareille. Ce n'était pas pour sa tentative d'assassinat, mais parce qu'il était la cause de l'entrée en guerre de l'Opartisk. Camille lui avait tout expliqué. Elle et les autres conseillers ne connaissaient pas tous les détails, mais ils en savaient suffisamment. À cause de sa folie, Bertrand avait passé un pacte avec Jean-François II de Siar. Ils s'étaient alliés pour devenir les chefs du monde et se séparer le monde en deux. Il n'y avait pas l'un pour rattraper l'autre et Kilian venait à se demander si le dictateur de Siar n'avait pas lui non plus un problème mental, ou s'il était juste vicieux et inconscient. Et c'était à lui et aux autres de tenter de rattraper les erreurs de ce vieux fou.

Kilian ne resta pas trop longtemps sous la douche ne voulant pas que Fred n'ait pas le temps de se doucher. Il enfila rapidement ses vêtements et humidifia ses mains avant de les passer dans ses cheveux pour tenter de les dresser comme il le fallait. Kilian ne se satisfaisait jamais de la coiffure que ses cheveux voulaient bien prendre, il laissait donc très vite tomber pour ne pas s'agacer tout seul. Il passa une lingette sur son visage, histoire d'enlever les particules accumulées durant la nuit et sortit de la salle de bain pour prévenir Fred qu'il pouvait y aller. Il resta pétrifié lorsqu'il découvrit son petit-ami avec une lettre au prénom de Kilian entre les mains. Le jeune conseiller n'ouvrit même pas la bouche sachant pertinemment qu'il risquait de se ridiculiser en bégayant. Ce n'était que Fred, mais cette lettre, il aurait de la brûler, la déchirer, la jeter à la poubelle dès qu'il était rentré. Sauf qu'il ne l'avait pas fait, et il ressentait du regret amer dans la bouche.

— Hey du calme, ce n'est qu'une lettre. Je ne vais pas te faire la misère comme cela, le rassura Fred en la tournant dans ses mains avant d'y reporter son attention.

— Ouais, mais je n'en veux à moi-même. J'aurais dû la jeter ou la brûler depuis longtemps et t'en parler après, conclut Kilian en le rejoignant sur le lit.

— Pour te donner mon avis, je crois que cela aurait été une mauvaise idée de la jeter sans la lire. Je vais la garder sans l'ouvrir, OK ? Et quand tu te sentiras prêt, genre vraiment prêt pour la lire, je te la rendrais.

— Alors, tu penses que je devrais la lire ? Et pas seulement parce qu'elle vient de Mme. Keys ? Cela compte quand même...

— Kilian... C'est justement parce qu'elle vient de Mme. Keys que tu devrais la lire. Tu lui en veux parce qu'elle aurait été la seule adulte qui aurait pu t'aider lorsque tu étais jeune, mais je ne pense pas qu'elle ait écrit cette lettre pour rien. En plus de cela... elle est morte. C''est sûrement important pour vous deux ce qu'elle t'a écrit. Tu n'es peut-être pas encore apte à le lire pour le moment, mais un jour tu seras prêt à le lire. Et je suis quasiment certain qu'un jour, si tu l'avais jeté ou brûlé, tu aurais regretté. C'est aussi pour cela qu'on est présent l'un pour l'autre.

— C'est juste que... elle est morte et... Je crois quand réalité, même si j'avais la haine contre elle, j'aurais aimé lui dire tous à la figure ce que je ressentais pour elle ainsi que toute la rancœur même si c'est dur. Peut-être qu'elle aurait compris...

— Si elle a écrit cela pour toi, c'est qu'elle en était aussi consciente de ce qui passait ou de ce que tu ressentais.

— Elle était au courant de ce qui m'arrivait. Du moins, même si elle ne pouvait pas forcément voir à travers la façade de mes parents, elle était ma nourrice, elle voyait forcément les bleus que j'avais sur le corps. Je crois que je me souviendrais toujours de son regard le jour ou mon chien est mort. Elle était venue me ramener à mes parents, et elle sentait que y avait quelque chose par-dessus cela. Elle n'a jamais cherché à savoir ou à faire quelque chose.

— Tu penses qu'elle savait ? Vous n'en aviez jamais parlé tous les deux, n'est-ce pas ?

— À l'époque, j'étais beaucoup trop sous l'emprise de mes parents pour pouvoir imaginer qu'une personne extérieure, ou une personne tout court pouvait m'aider. Elle n'a jamais tenté de mon parler, et vice-versa. Mais je me souviens son regard. Puis l'allusion qu'elle a fait en me parlant devant tout le peuple, cela démontrait clairement qu'elle savait.

— C'est logique que tu lui en veuilles, c'est humain même. Malgré tout, il va falloir que tu passes au-dessus de cela. Cette lettre, elle fait partie des dernières choses qui reste d'elle. Elle espérait sûrement que tu la lises. Et, je pense que cela permettrait de t'apaiser. Mais en attendant, je la garde.

Fred partie dans la salle de bain avec la lettre en main.

— Si tu l'emmènes dans la salle de bain, tu risques de la mouiller et elle deviendrait illisible, fit remarquer Kilian.

Fred se mordit la lèvre en se retournant et fit demi-tour. Il semblait réfléchir et Kilian réalisa qu'il n'avait plus beaucoup de temps pour se préparer.

— De toute manière, si tu lui fais quelque chose, je finirais par m'en rendre compte. Alors je trouverais bien à un moyen de te le faire payer si tu la réduis à néant. Je le fais pour toi.

— Vas-y, soupira Kilian en s'allongeant en position étoile. Je te promets que je n'y toucherais pas. En tout cas je ne me débrouillerais pas pour la faire disparaître, termina le jeune homme.

— T'auras promis, le prévint Fred en posant l'enveloppe sur la table de chevet.

Kilian lui fit un clin d'œil alors qu'il se retournait pour sortir de la pièce. Le jeune conseiller n'avait plus qu'à attendre son petit-ami avant de rejoindre ses collègues. Il se redressa vivement et prit l'enveloppe dans ses mains. Il ne comptait pas la détruire, il l'avait promis à Fred, mais il ne comptait pas la lire non plus. Néanmoins, il examina chaque recoin de l'enveloppe comme si elle avait de l'importance. Il ne trouvait rien, elle était tellement banale. Juste l'écriture de son prénom. Il remarqua rapidement que l'écriture semblait hésitante ou tremblotante ce qui lui fit froncer les sourcils. Il en parlerait à Iris la prochaine fois qu'elle l'appellerait. Le jeune homme se passa la main sur le visage en reposant la lettre. Il ne comprenait pas vraiment pourquoi la vieille dame lui avait laissé une lettre. Une lettre à lui. Kilian se demandait si un jour il allait pouvoir calmer sa rancœur contre eux. On toqua à sa porte et Kilian sauta presque de son lit pour aller lui ouvrit. Il se retrouva face à Ethan que semblait tendu et inquiet. Kilian ne savait pas ce qui se passait, mais cela le perturbait un chouïa.

— Je peux entrer ? demanda-t-il rapidement.

— Ouais bien-sûr, y a pas de problème.

Kilian se décala pour le laisser entrer et referma la porte directement en espérant pouvoir l'aider. Il resta coller au mur alors que Ethan s'avança jusqu'au lit pour se retourner face à lui. Il se laissa traîner par la gravité et s'assit lourdement sur le lit du jeune conseiller.

— Tu ne vas pas bien, affirma Kilian en faisant quelques pas vers lui.

— Je ne peux pas faire cela, sanglota Ethan.

— Faire quoi ?

— Devenir conseiller ! Je ne sais pas comment tu fais Kilian pour tenir. C'est tellement stressant, oppressant et compliqué... je... je pensais en être capable. Je pensais que je pouvais remplir cette tâche comme mon père, mon grand-père, mon arrière-grand-père et j'en passe. Sauf que c'est au-dessus de mes forces.

— Pourquoi cela te rend si mal à ce point-là ? s'inquiéta Kilian en s'agenouillant pour se baisser à un meilleur niveau d’Ethan pour essayer de le regarder dans les yeux.

Il y avait plusieurs choses qui échappaient à Kilian. Cela faisait deux fois, deux personnes qu'ils connaissaient et qui ne supportaient pas la charge de conseiller. Néanmoins, il n'arrivait pas à comprendre réellement pourquoi. Cela lui avait semblé tellement simple pour lui. En effet, il se sentait extrêmement bien à ce poste, libre, comme s'il avait été taillé pour lui. Certes, au début, il ne pensait pas être vraiment capable de gérer ce poste, mais désormais, il ne le laisserait tomber pour rien au monde. Il y avait tellement de choses à faire, de plus, il représentait aussi la partie minoritaire. Il ne pouvait et ne souhaitait pas laisser tomber tout cela. C'était une victoire dans sa vie, une des rares. Et celle-là faisait partie des plus importantes. Le jeune homme savait pertinemment que chaque personne réagissait de manière différente, sauf que cela faisait déjà deux personnes. Il trouvait cela suspect, d'autant plus qu'il avait étudié les registres, et cela se passait souvent de cette manière. Finalement, c'était sûrement lui l'exception. Pourtant, une intuition le poussait à croire qu'il y avait autre chose : c'était suspect.

— Ethan, si jamais une personne du conseil ou proche du conseil ferait tout pour t'empêcher de rejoindre le conseille ou te poussait à bout, tu le signalerais à quelqu'un ?

— Non, ce n'est pas cela. Bien sûr que qu'ils sont un peu durs, c'est normal. Comment crois-tu qu'il y ait beaucoup de changements avant qu'ils trouvent le bon ? Ils sont durs et exigeants, c'est parfaitement normal.

— Non cela ne l'est pas, le contredit Kilian en se redressant rapidement. Ils n'ont jamais été sévères avec moi, ils ont été plutôt compréhensifs même.

— Ce n'est pas la même chose Kilian, commença Ethan en secouant la tête. Tu ne viens pas de ma classe sociale, tu ne viens pas de la classe sociale la plus élevée de notre pays !

— Même, je crois que cela je l'avais légèrement remarqué depuis très, très longtemps, marmonna l'adolescent en croisant ses bras contre sa poitrine.

— Je ne disais pas cela pour te dénigrer toi et les classes les plus pauvres. Ce que je veux dire, c'est que la plupart du temps, les conseillers en poste ne prennent pas le temps de faire passer le test au élu. Ils t'ont fait passer le test car tu faisais partie de ceux qui composaient les groupes, et qu'ils avaient envie de ressortir cela car cela faisait des décennies, et ils ont remarqué que tes résultats reflétaient le potentiel attendu. C'est rare de desceller des futurs conseillers comme cela. Vraiment très rare. Avant, les conseillers se concentraient essentiellement sur la classe sociale et ne faisaient pas passer le test, du coup, plusieurs passaient avant de finir par trouver le bon. Ton arrivée a dû les consolider sur le fait qu'à cause du test n'importe qui ne faisait pas partie de la partie nord pouvait accéder au pouvoir. Cela a effrayé certains comme cela a ravi la plupart. Ils tergiversent sur le fait de rendre le test obligatoire.

— Quel est le rapport avec le test ? s'étonna Kilian.

— Tout pourtant ! Plus le test est passé, plus le futur conseiller à des chances de faire du bon boulot et du coup moins de stress, et les collègues n'ont pas vraiment besoin de le tester pour savoir s'il est apte. Moins les tests sont passés, plus la personne sélectionnée est susceptible de ne pas être le bon choix et de laisser tomber pour diverses raisons, et notamment à cause des autres conseillers qui se sentiront eux-mêmes obliger de bien tester la nouvelle recrue.

— C'est déroutant tout cela, soupira Kilian en enfilant une montre sur son poignet droit. Il y a tout de même un truc qui m'intrigue : en quoi le test est aussi important et décisif ? Je veux, il y a une partie en questionnaire à choix multiples avec justifications si on en avait et une partie en question tout court où tu dois répondre. C'était digne d'un examen pour accéder aux études supérieures.

— Pour cela, je n'en sais rien. Je pense que les autres conseillers le savent, du moins, les plus vieux qui sont en retraite, comme Bernard. Juste... rassure-moi, ne me dit pas que tu as répondu à ce questionnaire comme si bon te semblait ? s'assura Ethan qui paraissait s'être assez remis de ses émotions.

— Bien sûr que non. J'ai répondu sérieusement. Christian nous avait bourré le crâne là-dessus et n'a cessé de nous répéter qu'il fallait faire cela très sérieusement car cela déterminerait beaucoup de choses. Même s'il nous avait promis un avenir libre en dehors des bâtiments, je n'avais pas totalement confiance en eux. J'avais peur qu'il m'enferme en prison, ou je ne sais quoi d'autre.

— Est-ce que tu te souviens des questions ?

— Non, plus vraiment, c'est le black-out. Je crois qu’y en avait une sur les autres pays, une sur la guerre et une autre sur le peuple. Je me souviens juste être resté le dernier et avoir beaucoup écrit. Je ne me souviens plus exactement du nombre de questions, peut-être une trentaine...

La porte de la salle de bain s'ouvrit sur Fred, torse-nue, qui essayait d'enfiler un t-shirt. Kilian garda un œil sur Ethan qui en pinçait pour son copain fut un temps. Ce dernier demeurait plus gêné qu'autre chose et Kilian pouvait le comprendre. Il devait avoir l'impression de s'immiscer dans la vie d'un couple alors que ce n'était pas le cas : c'était juste un ami qui rendait visite à un couple.

— Besoin d'aide ? interpella Kilian en s'avançant alors que Fred était concentré.

Le blond aida l'aîné en tirant le t-shirt rouge vers le bas. Fred avait les cheveux encore mouillés mais cela lui donnait un certain style que Kilian aimait bien. Le jeune homme sourit et continua même s'il se renfrogna un peu en voyant Ethan près de leur lit. Peut-être que Kilian n'était pas la seule personne jalouse dans la pièce. Il consulta sa montre pour vérifier l'heure et se mordit légèrement la lèvre.

— Bon, on sera trois en retard, cela passera je pense, mais il va falloir courir un peu ! informa-t-il.

— Du sport dès le matin ! Heureusement que l'on s'est échauffé, plaisanta Fred.

Kilian haussa un sourcil alors que Ethan devint livide. Peut-être que le mal aise s'installait peu à peu dans la pièce. Ils n'étaient pas vraiment certains de s'en rendre compte de toute manière.

— En se dépêchant de prendre nos douches, justifia Fred à l'adresse d'Ethan alors que Kilian comprenait parfaitement ce sous-entendu.

— Bon, allons-y !

Kilian ouvrit la porte de sa chambre et commença à partir mais après quelques pas Ethan s'arrêta pour dire :

— Attends, comment vais-je faire avec mon père ? s'enquit-il avec une voix qui portait toute sa peur et sa détresse. Parce qu'il va m'en vouloir, je le sais qu'il va m'en vouloir et il va être dur avec moi. Mon avenir était déjà tout tracé pour lui ! Et pour moi aussi je croyais, mais je ne peux pas, je n'y arrive et je vais le décevoir, et décevoir ma mère et je ne veux pas les perdre parce que c'est ma famille ! C'est les seuls en qui je peux vraiment compter.

Fred lança un regard interloqué à son petit-ami, ne comprenant pas vraiment de quoi parlait Ethan. L'adolescent pensait qu’Ethan commençait peut-être à montrer des signes de maladies, mais ce n'était pas le cas. Kilian se retourna gêné et s'avança un peu vers Ethan pour poser sa main sur son épaule en guise de réconfort.

— Ce n'est pas parce que ton père avait déjà tracé ton avenir que tu n'as pas le droit de le dévier et de faire tes propres choix. La plupart du temps, aucun enfant est sur la même longueur d'onde que ses parents lorsqu'ils tracent son avenir. Tu n'es pas le premier dans ce cas et sûrement pas le dernier. Ton père et ta mère t'aiment. Et ce n'est pas parce que tu ne te sens pas capable de prendre le poste qu'ils souhaitaient que tout d'un coup ils ne t'aimeront plus. La déception dans leur regard ne sera qu'une courte épreuve. L'épreuve la plus dure et la plus longue serait le fait que tu te voiles la face et continues pour leur faire plaisir. Tu dois avant tout penser à toi et à ton épanouissement, et tes parents ne veulent que ton bien. S'ils ne comprennent pas dans l'immédiat, ils finiront tôt ou tard par comprendre.

Ethan hocha légèrement la tête alors que Kilian lui fit une petite tape sur l'épaule. Il ne pouvait pas vraiment comprendre ce que ressentait réellement le fils du conseiller Baptiste puisqu'il n'avait jamais eu de liens affectifs avec ses parents, mais dans un sens, il savait que cela pouvait être dur. Surtout dans le milieu dans lequel il venait : un milieu plus compétitif que dans la partie sud de l'Opartisk. Un milieu où les enfants étaient sûrement oppressés par le devoir de réussir et d'être aussi parfait que possible. Un milieu, qui était loin de correspondre à tout le monde. Les trois adolescents reprirent leur chemin et durent courir pour ne pas aggraver leur retard. Seul Baptiste et Sophia étaient présents dans la salle de réunion, Kilian ne trouva donc pas cela obligatoire de s'excuser auprès d'eux pour son retard. Le retard de Camille et Christian éveillait la curiosité de Fred et Kilian. Aucun conseiller n’était souvent en retard. Kilian prit place au côté de Sophia et Ethan se plaça juste en face de lui alors que Fred se retrouva encore une fois seul sur le côté gauche.

Un vidéo projecteur se situait à côté du seul non-conseiller de la salle qui permettrait sûrement de montrer des informations visuelles importantes sur le mur blanc de la salle qu'aucune fenêtre ne ornait. Il n'y en avait que deux : une à chaque largeur et Kilian s'occupa de fermer les rideaux pour rendre meilleure la visibilité. Le jeune conseiller se renseigna auprès de Sophia sur l'absence de Camille et Christian mais la vieille dame n'en savait pas plus que lui. Kilian jugeait cela étonnant. Sophia, étant la doyenne, connaissait sensiblement plus d'informations que n'importe qui d'autre à part Bertrand et d'autres vieux conseillers s'ils étaient encore en vie. Après plus d'un quart d'heure, la doyenne prit donc une décision :

— Bien, nous ne sommes pas au complet mais il va falloir commencer pour ne pas éterniser tout cela. Nous accueillerons avec joie la conseillère Camille et le conseiller Christian s'ils finissent par arriver pendant la réunion. Des questions ?

— Pourquoi est-ce que je suis ici ? demanda Fred.

— Cela aura un rapport avec ce que Christian doit te dire, avoua le conseiller Baptiste en faisant pianoter ses doigts contre la table.

— Et on ne peut pas me le dire maintenant ? Histoire d'expédier la chose !

— Ne t'affole pas mais ce n'est pas une chose qui s'expédie. Ce n'est pas contre toi non plus, mais c'est quelque chose d'important qui ne doit pas être pris à la légère, expliqua brièvement Sophia en prenant le dossier entre ses mains pour le déposer devant son voisin. Bien... Kilian, je te laisse faire l'annonce de ce que l'on va traiter lors de la réunion d'aujourd'hui.

Lorsqu'il ouvrit le dossier, le jeune homme fut bien content de réaliser qu'il n'avait pas été écrit à la main mais taper à l'ordinateur. Le jeune homme avait la fâcheuse tendance à ne pas réussir à déchiffrer l'écriture des autres. Ce n'était pas très handicapant, mais cela pouvait être un peu embêtant et le faire passer pour quelqu'un de ridicule lors des réunions. Si les points sur "la mort de la vieille dame" et sur "la réaction du peuple" ne l'étonnèrent guère, il fut plus surpris par le point "maladie". Depuis quelqu'un temps, les conseillers n'en avaient pas reparlé, et il doutait fortement qu'elle soit remise sur le tapis à cause d'un remède. Néanmoins, il prononça les trois points d'un ton confiant et affirmatif et d'une voix bien forte. Il remarquait bien dans les yeux des deux autres adolescents de la salle une lueur d'inquiétude, et il ne pouvait que la partager. Sophia demanda à Fred d'allumer le vidéo projecteur mais de ne pas lancer la vidéo directement.

— Avant de revenir sur ce qui s'est passé. J'aimerais parler de la réaction du peuple. Sur les réseaux sociaux, une grande majorité du peuple a affiché son enthousiasme face à cette révélation. Les manifestations se sont heureusement calmées et nous pouvons donc conclure que c'est un bon début, commença Sophia.

— En effet, je suis d'accord avec toi, renchérit Baptiste. Nous venons de créer un lien avec les pauvres de notre pays, ce qui ne semblait pas facile à faire même si j'ai des doutes sur l'utilité de cette démarche. Malgré tout, le pays à retrouver une certaine sérénité. Je pense que dans les mois à venir, il va falloir mettre en avant Kilian dans les annonces faites au peuple pour prouver que nous sommes là pour les soutenir.

— Tout à fait. Du côté de nos compatriotes provenant du sud, la pilule à plus de mal à passer. Néanmoins, ils ont confiance en nous et nous supportent. Nous n'aurons aucun problème à récupérer leur faveur, ajouta Sophia.

— Pour ce qui en est du mystère sur ta famille, que nous-même ne savons pas, cela ne risque pas de poser de problèmes pour le peuple à part pour les riches. Par contre Kilian, je crois qu'il va vraiment falloir que tu nous dises tout ce qu'ils se passent avec eux, pour que l'on puisse prendre des mesures pour que les médias ne l'apprennent pas. Nous ne voulons pas te brusquer, mais nous te demandons juste ce qu'ils se passent avec eux.

— On attendra le temps qu'il faut, mais évite de mettre un an voir plus, car à ce niveau-là, les journalistes réussiront sans peine à accéder à tes parents, conseilla Sophia.

Kilian n'imaginait pas que cela pouvait arriver. Il pensait qu'il n'avait qu'à le dire à Fred, Iris et Cassandra. Sauf qu'il avait oublié une chose : il était officiellement une personnalité publique depuis la réunion. Il fixa Fred qui l'encourageait du regard, lui faisant bien comprendre que cela était mieux de ne pas laisser traîner cela et de le faire maintenant pour s'en débarrasser. Le jeune homme se passa une main sur le visage avant de balayer du regard ses collègues.

— C'est la fameuse chose qu'évoquait Mme. Keys lorsqu'elle me parlait de ma vie, débuta-t-il.

— Comment la connais-tu ? l'interrogea Ethan qui ne paraissait pas être le seul à se poser la question puisque les deux autres conseillers opinèrent du chef.

— C'était ma nourrice pendant mon enfance, révéla Kilian. Bref... et du coup, elle connaissait un peu mes parents. Je ne sais pas si elle savait réellement qui ils étaient. Pour faire plus clair, il y a quelques semaines, quand je vous ai dit que mon vœu était de contrôler les personnes atteintes de troubles psychologiques, c'était parce que mes parents eux-mêmes en sont atteints.

Le jeune homme sentit l'atmosphère changer, et il aurait presque préféré voir les conseillers absents débarquer affolés plutôt que de la rendre encore plus pesante avec la suite de sa réplique. Une conversation sur ses parents n'était pas la chose qu'il préférait le plus au monde, loin de là. Il savait que Fred le soutenait quoi qu'il arrive, mais à ce moment-là, il aurait voulu qu'il soit à côté de lui pour sentir vraiment sa présence toute proche.

— Qu'est-ce qu'ils ont ? se renseigna Baptiste d'une voix monotone.

— Psychopathie sûrement, insinua le jeune conseiller en soulevant sa manche.

Le silence retomba et Baptiste hocha la tête comme si cette discussion-là était désormais close. Le jeune homme espérait juste que cela ne reviendrait pas sur le tapis à chaque fois que le suivi des malades mentaux apparaîtrait ou qu'un nouveau conseiller prenait la place de certain autre. La deuxième option lui semblait peu probable puisqu'il ne connaissait que très peu d'informations sur ses collègues à part Camille. Kilian sortit de ses réflexions lorsque Sophia demanda à Fred de lancer la vidéo. Il ferma les yeux car il n'avait pas besoin de la revoir pour se rafraîchir la mémoire. Malheureusement, il allait encore devoir se remémorer la scène pendant un bon bout de temps. Il frémit en écoutant le coup de feu qui allait mener une balle à une trajectoire parfaitement meurtrière.

— Les policiers de la capitale ont fait leur rapport, et la personne ayant tiré n'a ni été vue, ni été filmée. L'enquête est maintenue malgré les difficultés qu'ils vont rencontrer. Cela m'étonnerait fortement qu'ils arrivent à trouver le coupable, annonça Baptiste d'une voix

— Maintenant, la question n'est pas si le coupable sera un jour trouvé, mais si nous devons rendre publique l'affaire ou nous, exposa la conseillère Sophia.

— Je pense que cela dépend de la tournure des événements, observa Kilian. Si le peuple oublie cela d'ici une ou deux semaines, on peut ne pas prendre la peine de divulguer aux yeux de tous l'affaire. Au contraire, si les commentaires fusent toujours, on dévoile les informations que l'on nous a rapportées sur l'enquête.

— Cela me paraît être un bon compromis, confirma la doyenne en inscrivant quelques mots sur son propre dossier. Nous pouvons passer au cas le plus épineux de cette réunion.

Kilian commençait à être un peu nerveux alors que ses muscles se tendaient. Les trois adolescents se redressèrent et restèrent très concentrés. Cela les concernait tout de même. Ils n'étaient pas surdoués, et à n'importe quel moment ils pouvaient contracter la maladie. Chaque matin, ils se réveillaient avec une parcelle de peur en eux de réaliser qu'ils souffraient de symptômes de la maladie. Depuis que Cassandra était malade, tout semblait possible aux yeux de Kilian. Une mort vite comme une mort lente. Une mort douce comme une mort atroce. Rien que d'y penser, un frisson parcourut l'échine de Kilian. Et au moment où Sophia allait commencer à parler, Christian débarqua dans la salle, tout essoufflé et en sueur. Il ferma la porte et reprit son souffle comme si tout allait bien et était normal. Kilian et Fred se demandaient justes pourquoi Camille ne venait pas avec lui ?

— Mille excuses, souffla-t-il entre deux respirations. Je vous expliquerais à la fin la cause de mon retard pour ne pas déranger la réunion. Camille ne pourra pas venir. En tout cas, pas pour le moment.

Cela paraissait tellement suspect que Kilian avait envie de lui dire qu'ils avaient le droit de savoir les raisons immédiatement. Il ne comprenait d'ailleurs pas pourquoi ils obéissaient à cela. Les absents n'avaient-ils pas toujours tort ? Christian avait été suffisamment absent de la réunion pour appliquer cette règle. Néanmoins, les deux autres conseillers ne s'en inquiétaient pas. Cela l'agaçait, mais ses questions attendraient pour plus tard. Sophia fit un débriefing à Christian avant de reprendre sur la lancée qu'elle allait suivre.

— Fred, peux-tu démarrer les diapositives, je te prie ?

Ce dernier s'exécuta et bientôt, en plein écran plusieurs diapositives passèrent sous leurs yeux à une vitesse normale. Kilian fronça les sourcils. Il y avait comme des sortes de scanners du cerveau, du cœur et des poumons, des résultats des prises de sang et la photo d'intérieur d'un bâtiment du désert que Kilian n'avait jamais vu auparavant même s'il n'était pas beaucoup sorti de son bâtiment et qu'il n'était pas retourné dans le désert depuis un bon bout de temps.

— Étant la conseillère traitant particulièrement le dossier sur la maladie, je suis donc souvent au courant à la minute près des nouvelles informations sur son avancé, constata Sophia. Mais aujourd'hui, je dois vous en parler car je suis au regret de vous annoncer qu'elle gagne du terrain. Nous sommes le pays le moins touché par cette maladie, mais malgré tout, nous commençons à être touché. Nous avons déjà pu le voir avec Cassandra qui se porte très mal, ainsi que Charles qui s'est suicidé. Et peut-être que des adolescents qui ont réussi à éviter le regroupement en sont touchés ou mort.

Kilian ferma les yeux. Il pensa immédiatement à l'ami d'Iris et Samuel. Il fut tenté de leur révélé ce qu'il savait à son sujet, mais il ne pouvait pas. Cela prouverait qu'il avait encore des liens avec eux, et les autres conseillers n'avaient pas à le découvrir. Même s'il était désormais conseiller à part entière, tant qu'il n'y avait pas un nouveau après lui, il ne pouvait pas faire cela. Et quelque chose lui disait, qu'il n'était pas encore prêt à ne plus être le dernier conseiller prenant le poste. Avec Ethan qui se désistait... Charles aussi apparut dans un coin de son esprit. Ils avaient séparé ses cendres en deux : une boîte pour ses amis, une autre pour ses parents. Et ils avaient une nouvelle fois séparé entre Cassandra, Liam et lui.

— Les chiffres sont conséquents ? s'enquit Christian avec un visage livide.

— Pour le moment, le bilan n'est pas désastreux mais alarmant. Cinq adolescents se trouvant dans le désert sont malades et ont été placés en quarantaine. Ils vont être placés dans le bâtiment qu'il vous a été montré. Mais nous devons faire un choix...

— L'annoncer au peuple ou non, coupa Ethan effaré.

C'était une décision plutôt délicate et personne n'osait prendre la parole.

— Nous ne sommes pas en situation de l'annoncer au peuple, dit Kilian.

— Nous devons au moins le dire aux classes de ses enfants malades sinon l'incompréhension régnera, ajouta Baptiste.

— Sauf que le bouche-à-oreille existe, objecta Kilian. Il faudrait l'annoncer dans le bâtiment de tout les malades.

— Les cinq malades sont concentrés dans deux bâtiments, informa Sophia.

— Alors il faudra l'annoncer à ses deux bâtiments, conclut Christian.

Il y eut un silence gêné mais le débat était clos et la décision prise sans contradiction ou objection. Les trois points avaient été abordés, le conseil pouvait être directement terminé. Sophia demanda alors si quelqu'un avait quelque chose d'autre à ajouter sur un autre sujet qui n'avait pas été abordé. Kilian et Fred fixèrent Ethan qui rassemblaient son courage à deux mains pour annoncer sa décision à tout le monde, et plus particulièrement à son père. Néanmoins, lorsqu'il prononça une syllabe de sa phrase Camille débarqua toute essoufflée, essayant tout de même de parler malgré la difficulté qu'elle rencontrait. Kilian et Fred comprirent dès le début :

— C'est la fin.


Jamais Kilian n’aurait pu penser que Camille et Christian avaient été absents pour se relayer au chevet de leur amie. Jamais il n'aurait pu imaginer qu'ils ne l'aient pas prévenu alors qu'ils étaient les personnes les plus proches qu'elles. Pourtant, il comprit directement la signification de la phrase de Camille. Les autres conseillers finirent par comprendre au moment au Kilian et Fred disparurent dans le couloir. La conseillère Camille était bien trop essoufflée pour les suivre. La chambre dans laquelle Cassandra se trouvait ne se situait pas dans ce bâtiment mais dans celui d'à côté. Kilian et Fred se précipitèrent à toute allure sans s'arrêter. Si c'était les dernières minutes de leur amie, autant être présent le plus vite possible et l'être tout court pour ses dernières minutes de vies. En profiter pour être avec elle, et parler. Kilian savait que cela allait être difficile, mais il savait aussi que les personnes qui souffriraient le plus seraient Liam avec qui elle filait le parfait amour malgré la maladie ainsi que ses parents.


Quand ils arrivèrent dans la salle, Fred poussa si violemment la porte qu'il fit tomber par terre un des médecins qui assistaient à tout cela. Cela fit rire la mourante malgré son état. Les autres individus dans la salle se décomposaient seconde par seconde. Liam se trouvait juste à côté d'elle, lui serrant la main alors que ses parents pleuraient sur le côté. Ils connaissaient très bien Kilian et il les salua avant de prendre un tabouret pour s'asseoir à côté de Cassandra. Fred se trouvait juste à côté de lui, ses mains posées sur les épaules du jeune conseiller mais regardait pour une des dernières fois le visage de sa meilleure amie encore vivante. Il avait une mèche de cheveux qui lui tombait sur le front et lui cachait un œil mais elle la replaça en arrière après une quinte de toux. Kilian prit sa main dans la sienne et la serra très fort.

— Vous avez pu venir, fit-elle difficilement avec un sourire. Dis à Iris que je ne lui en veux pas pour tout ce qui s'est passé, souffla-t-elle en regardant Kilian dans les yeux. Et fait la promettre de trouver un remède contre cette fichue maladie qui fait déjà beaucoup trop dégât dans le monde.

— Je te le promets, murmura Kilian d'une voix plus étouffée qu'il ne l'aurait voulu.

Les yeux de Cassandra brillaient. Ceux de Kilian l'étaient tout autant. La jeune femme devait reprendre une grande inspiration après chacun de ses mots. L'aide respiratoire ne l'aidait plus désormais, et Kilian se forçait à s'y faire face même si c'était dur à se l'avouer.

— Prends soin de lui, conseilla Cassandra à l'adresse de Fred à propos de Kilian. Et toi ne baisse jamais les bras, et je te connais suffisamment pour savoir que cela ne sera pas le cas et... je crois que c'est tout.

Elle aussi avait eu des pertes de mémoire suite à la maladie. Kilian connaissait cela mais il espérait que quelques souvenirs restaient encrés dans son esprit pour s'en rappeler avant de s'éteindre. Il voulait la faire rire une dernière fois, pour qu'elle ne pense pas à son sort. Peut-être qu'il y arriverait.

— Tu te souviens de la fête foraine ? demanda Kilian d'une voix émue alors que Cassandra sourit en hochant légèrement la tête. On était tous les quatre : Iris, Marin, toi et moi. Et toi, moi et Iris, on voulait toujours, toujours faire les attractions les plus sensationnelles et à chaque fois on entraînait Marin !

— Il avait tellement peur qu'il fermait les yeux en criant et après il prenait Iris dans ses bras tellement qu'il avait besoin de réconfort ! rigola Cassandra en toussant.

— Et souvent on jouait aussi à cache-cache quand on n'avait pas d'argent ! Et on faisait même par team et c'était toujours...

— La Team Calian qui triomphait !

Kilian et Cassandra rigolèrent alors que des larmes dévalaient de leur joue. Puis il sentit Cassandra serrer sa main très fort et ses yeux se fermer. Il comprit très bien qu'elle venait de mourir, sa poitrine était immobilisée. La seule victoire qu'il ressentait, c'était juste le sourire qui flottait toujours sur le visage de la jeune fille. Il embrassa la main de la défunte et sécha ses larmes alors qu'il se rappela de ce qu'elle avait dit. Il n'allait pas baisser les bras, et il allait forcer pour faire avancer les recherches du remède, mais pas que. Il forcerait aussi, pour régler le problème de la guerre, car c'était une des raisons de la maladie, et donc, indirectement, de la mort de Cassandra.

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