Chapitre 19 :
Fred n’avait compris ce qu’il se passait que lorsqu’on lui avait dit qu’il n’était plus malade. Un jour, Liam avait débarqué avec un grand sourire, lui avait fait une tape dans le dos et l’avait entraîné avec lui pour voir un scientifique. Le jeune homme ne savait pas qui il devait remercier pour ce miracle, mais il le retrouverait bien car il n’allait pas laisser Kilian seul. Il ne croyait pas à une rechute, il continuerait d’aller bien.
Plus tard, Liam lui avait expliqué que c’était grâce à Kilian, qui avait pu contacter Iris grâce à Maryline lui permettant de joindre Samuel qui venait de faire des miracles en Thuath. Si Fred ne s’était pas senti mieux, il aurait bien eu du mal à croire son ami. Mais il avait raison.
Fred s’inquiétait aussi. Si les autres conseillers lui reprochaient d’avoir été complice du départ de Kilian, Ethan et Camille en Siar, Fred ne se sentait guère menacé. Le jeune homme savait que c’était la chose à faire pour le bien de tout le monde. Ce qui l’inquiétait plus, c’était de ne plus avoir de nouvelles du trio depuis le dernier appel de Kilian pour le sauver. Le jeune homme ne savait pas ce qui se passait actuellement Siar, mais apparemment, toutes communications ne semblaient plus possibles
Pour la plus grande hantise de Liam, mais pas pour la sienne, ils décidèrent de retourner dans les bâtiments du désert. Pas pour revenir pour surprendre leurs camarades, recevoir plein de questions mais pour aider à les soigner car beaucoup d’entre eux avaient fini par contracter la maladie au fil du temps. À croire que la Siar et la Dheas arrivaient à importer la maladie, partout sur la planète. Cela en devenait vraiment effrayant. Néanmoins, ce n’était pas la seule chose dont Fred souhaitait s’occuper. Il avait convaincu Christian puis les autres conseillers d’organiser une rencontre avec ceux de Kuyinto pour mettre un coup de pression. Le pays voisin n’était peut-être plus leur allié, mais ils avaient des informations compromettantes. Fred comptait bien les utiliser. Ils devaient absolument tenter une manœuvre pour qu’une bataille n’éclate pas à la frontière. Cette bataille pouvait être évitée. En parallèle, il essayait aussi de forcer l’annonce de la maladie mais les conseillers étaient beaucoup plus réticents. En effet, ils ne voulaient pas que le peuple commence à paniquer encore plus, mais Fred songeait qu’il aurait préféré que leurs dirigeants soient honnêtes plutôt que leur dissimuler la gravité de la situation. Bien évidemment que les peuples pouvaient être idiots et oublier la conscience collective, mais ils pouvaient aussi réagir mieux, surtout en sachant qu’un remède était trouvé. Ce n’était pas comme s’ils révélaient qu’il n’y avait pas de solutions.
Fred retrouva Liam après une journée à aider à synthétiser et administrer la solution concoctée par Samuel. Ces journées-là pouvaient être épuisantes, et malgré tout, il y avait quand même des morts à déplorer. La maladie restait coriace sur certains organismes ou alors il était tout simplement trop tard. Heureusement, le nombre de personnes sauvées progressait de plus en plus et la propagation de la maladie pourrait elle aussi finir par diminuer même si le pique n’avait pas encore été atteint dans les bâtiments.
— Cela va ? demanda Fred en tenant une tasse de café à Liam avant de s’asseoir à ses côtés. C’est les morts qui te touchent autant ? Si tu penses ne pas tenir le coup, tu devrais le dire pour qu’on te rapatrie près des autres.
— Ce n’est pas cela, affirma Liam en hochant la tête qui commençait à être habitué à connaître des gens qui mouraient quelques mois après. Je suis juste hyper frustré Fred… je me dis, si cela avait été trouvé avant ! Si Cassandra et Charles avaient tenu plus longtemps ! Peut-être qu’ils auraient été encore là avec nous, plein de vies et souriant et qu’on aurait pu continuer nos vies tranquillement comme si rien ne nous impactait.
— La vie prend souvent les trajectoires auxquelles on s’attend le moins, murmura Fred qui se reconnaissait lui-même dans ce qu’il était en train de confier à son ami. Ils nous ont quittés, bien sur que c’est dur, surtout pour toi… mais c’est la vie. Te triturer l’esprit sûr le passé et les autres possibilités qu’il y aurait pu avoir ne te mènera à rien. Liam ! La vie continue malgré tout, et elle aurait voulu que tu la vives.
— Oui… mais je me demande toujours… est-ce que si on avait forcé les surdoués à nous suivre on aurait pu les sauver plus tôt ?
— Sûrement, reconnut Fred qui ne voulait pas remuer le couteau dans la plaie de Liam mais qui souhaitait surtout rester lucide sur la situation. Dans le cas où tout les pays se seraient réunis pour chercher. Et cela n’a pas été le cas. Et je vois mal comment tous les pays pourraient réussir à s’unir alors qu’ils se font la guerre comme cela. Liam, ses pensées que tu as ne sont pas du tous bonnes. Bien-sûr tu peux venir me parler si ça va mal, mais tu dois tourner la page. Ce chapitre-là de notre vie se tourne, tu dois les laisser dans ces chapitres-là à tous jamais. Même si tu les aimais énormément.
Liam hocha la tête, bien évidemment que Fred avait raison. Sauf que c’était toujours dur. Il le savait. Il savait que cela serait compliqué de surmonter tout cela. Il décida d’accompagner Fred qui comptait assister à la rencontre avec les conseillers de Kuyinto, aussi, car les autres préféraient que ce soit lui qui parle comme si les retombées pouvaient être moins graves. Les collègues de Kilian s’attendaient à des conséquences particulièrement terribles mais ils avaient décidé qu’en parler directement ne coûterait pas grand-chose puisque des batailles seraient bientôt lancées aux frontières, pour une conquête de territoires sans fin sous les ordres de Jean-François II. Le dictateur dirigeait les deux côtés en réalité, les conseillers n’étaient que des pantins, et Fred allait bien essayer d’être l’intrus pour qu’ils décident de faire machine arrière. Les deux jeunes hommes sortirent du bâtiment pour retourner dans leur ancienne base en cours de reconstruction qui avait été détruite par la Kuyinto. Fred en avait conscience, les dirigeants n’avaient pas pris cet endroit au hasard. Il comprit immédiatement pourquoi ce choix : tout avait été reconstruit exactement comme dans le passé. Cela était même presque douloureux à voir avec les souvenirs de Cassandra et de Charles qui remontaient ainsi que celui du bombardement. Ils n’avaient pas improvisé pour cet entretien, c’était une véritable stratégie qu’ils venaient de mettre en place. Et la première chose semblait de défier les opposants politiques et de leur montrer que leur attaque n’avait eu aucun effet. Fred, ne pouvait s’empêcher de penser que cela partait mal. Et Liam partageait bien son avis.
— Je crois que ce sont les bâtiments les plus vites reconstruits après la construction des bâtiments dans le désert, constata le jeune homme qui paraissait trouver cela pitoyable et Fred ne pouvait que le comprendre : des hôpitaux seraient sûrement plus judicieux à construire, ou des nouvelles habitations après la destruction des habits bombardés.
Un militaire qu’ils ne connaissaient pas leur annonça qu’il les mènerait jusqu’à la salle de la réunion et les deux adolescents trouvaient cela usant de devoir enchaîner directement cette rencontre après une journée aussi chargée et dominée par la pression de vouloir bien faire et sauver des vies. Fred se rappelait bien l’endroit dans lequel ils se trouvaient. L’homme le menait à la salle de réunion où il avait été quand Kilian avait caché Iris, le jour de l’effondrement. Ce choix non plus n’était sûrement pas dû au hasard.
Lorsqu’ils pénétrèrent dans la salle, tout le monde s’y trouvait déjà. Ils étaient les derniers attendus. Le roi et la reine n’étaient pas présents, mais les trois conseillers oui. Une femme et deux hommes et ils semblaient assez froids et les amis des adolescents aussi. La conseillère avait un regard bleu glaçant, un des conseillers était très imposant et l’autre prenait une mine sombre. L’accueil n’était franchement pas la meilleure qu’ils avaient reçue. Les deux adolescents prirent place avec les dirigeants de leur pays et firent face à ses conseillers qui n’inspiraient rien de bon pour Fred. Le blanc perdura pendant un moment.
— Bon… faudrait peut-être bien que ce blanc se finisse un jour, soupira Liam qui ne paraissait pas si enthousiasme. On a tous autre chose à faire dans la vie.
— Ce jeune homme a raison et je ne demanderais pas encore une fois les dingueries qui se passent dans vos têtes pour ramener des adolescents en pleine réunion, reprocha la conseillère Laura qui repoussa ses cheveux d’une manière arrogante. Au vu de nos relations en ce moment, je me demande pourquoi nous nous retrouvons aussi.
— Nous venons nous dire que nous savons beaucoup de choses sur votre pays, déclara tout d’abord Christian qui, comme les autres, n’était vraiment pas rassuré à l’idée d’entrer en conflit encore plus avec la Kuyinto.
Bien évidemment, les conseillers du pays voisin ne semblaient pas vraiment convaincus et ne prenaient pas au sérieux la menace du conseiller Opartiskain et si ses collègues restaient muets, il n’en était pas de même pour Liam et Fred qui devaient continuer sur la lancer de Kilian, Camille et Ethan.
— On sait que vous possédez une arme si puissante qu’elle devrait être interdite par un vieux traité, lâcha Fred avec un sourire alors que les trois Kuyintains devinrent tendus. Je sais aussi que vous faites des choses sous les ordres de Jean-François II.
Le silence flotta et cela en devenait presque insupportable. Le trio restait figé, comme si le temps, leur monde venait de s’arrêter et les autres conseillers n’étaient pas plus à l’aise non plus. Christian finit par lâcher qu’eux aussi subissaient la tyrannie du dictateur de Siar.
— Et que voulez-vous qu’on fasse ? S’unir ? Il est trop tard, affirma le conseiller Laurent tristement. On a donné l’arme à Jean-François II, il pourrait l’utiliser contre nous s’il remarque une rébellion de notre part. Nous ne pouvons pas risquer cela, surtout avec la maladie qui gagne de plus en plus de terrain elle aussi. On a tout à perdre.
— Sauf qu’on a appris quelques trucs sur la maladie en plus de trouver un remède, lança Liam comme si de rien n’était.
Sa révélation eut l’effet d’une bombe. En effet, Kilian avait eu vent d’informations qu’il avait partagées à ses amis et la réalité sur la réelle origine de la maladie n’était pas encore connue par les autres dirigeants politiques. Jusqu’à ce moment-là. Les explications des adolescents les mirent dans une telle fureur que les trois conseillers Kuyintains voulaient déjà raser toute la Siar entière avec leurs armes. Heureusement, les autres étaient là pour les raisonner et leur affirmer que ce n’était pas le bon moment. Cette révélation les aida donc à redevenir allier avec leur pays voisin et à éviter des batailles à la frontière. Lorsque le trio partit, ce fut les deux adolescents qui furent assenés de questions et de reproches. Les autres conseillers commençaient à être fortement agacés de ne pas être au courant de certains plans mais pour les deux jeunes hommes, ce n’était que le revers de la médaille. Leur position les arrangeait un peu plus puisqu’ils n’étaient pas conseillers, mais il était sans dire qu’au retour de Camille, Kilian et Ethan, cela se passerait assez mal pour eux. Christian interpella Fred avant que chacun retourne dans ses appartements. Ces deux-là s’entendaient plutôt bien depuis leur séjour en Kuyinto et Christian avait été là lorsque Fred s’était senti sombrer encore plus gravement quelques jours avant que le remède lui soit administré.
— Il y a quelqu’un qui t’attend dans ta chambre, lui dit-il avec un sourire sans donner un peu plus de précision.
— D’accord… répondit Fred assez surpris par cela. Juste, pour l’annonce de la maladie au peuple ? Y avez-vous un peu plus réfléchi ?
— Maintenant qu’on a des informations importantes mais qu’on ne peut pas dire, c’est envisageable, approuva Christian en continuant de marcher avec Fred. Cela sera dur de convaincre les autres, mais je peux essayer. Mais je te préviens, que si une annonce devait avoir lieu, cela serait à toi de la faire.
— Pourquoi ?
— Tu es le premier malade guéri de notre pays.
Logique et implacable. Fred avait déjà envie de se baffer d’avoir contracté la maladie : passer à la télévision demeurait synonyme d’horreur pour lui. Les recherches sur lui, les personnes auxquelles il devrait faire attention. Rien ne le mettait en confiance mais il n’avait guère le choix si c’était le seul moyen d’être honnête avec le reste des Opartiskains. Il ne posa d’ailleurs pas plus de questions et remonta rapidement dans ses quartiers, pressé de s’endormir. Il rentra précipitamment dans sa chambre puis sursauta lorsqu’il vit quelqu’un assit sur son lit.
Il s’agissait d’une femme qui se retourna lorsque Fred demanda à qui il avait à faire. C’était une femme d’une quarantaine d’années. Son regard fatigué et usé dissonait avec ses lèvres charnues qui formaient un sourire que Fred n’avait pas vu depuis très longtemps. Le jeune homme tenta de ne pas montrer son choc, mais c’était compliqué.
— Maman ?
Fred ne remarquait même pas qu’il pleurait. Sa mère s’approcha et il se jeta dans ses bras en laissant échapper ses sanglots et sa vue se recouvrait par les cheveux foncés de sa génitrice. Il ne l’avait pas vu depuis le départ pour les bâtiments. Et son état des dernières semaines n’avait pas pu lui permettre de passer la voir sans le risque de la mettre en danger. Elle allait mieux, du moins, elle en avait l’air. Fred savait bien qu’elle pouvait s’en donner l’apparence mais comme elle commençait à être suivie, il osait espérer que ce soit juste l’effet escompté. Il se posa et sa mère voulut tout savoir. Ce n’était pas simple pour Fred de tout lui expliquer, surtout au vu de sa fragilité, mais elle insistait tellement qu’il s’y voyait obligé. Elle était soulagée de le voir en bonne santé et lui avoua qu’elle avait eu très peur lorsqu’on lui avait dit qu’elle pouvait le retrouver ici. Personne ne lui avait expliqué quelque chose, donc forcément elle n’avait pas pu s’imaginer tout cela.
— Je suppose que tu vas rester avec eux après ta majorité ? fit sa mère avec un petit sourire crispé et triste à la fois.
— Il faut que tu te soignes avant que je puisse vivre avec toi, affirma Fred car il savait que tous les deux étaient pertinemment au courant qu’il avait raison. Puis, je ne laisserais pas Kilian seul avec eux. Lui aussi il a besoin de quelqu’un.
Sa mère hocha la tête
— Je suis fière que tu aies pris le bon chemin malgré tout ce qui s’est passé, murmura-t-elle en le serrant un peu plus fort.
Cela rendit Fred assez mal à l’aise, car même sa mère devait sûrement connaître son passé de caïd des cités à faire peur aux habitants de l’immeuble. Néanmoins elle avait raison : il n’était plus cette personne. Le désert l’avait changé, la situation l’avait changé. La porte s’ouvrit violemment sur Liam qui débarquait en trombe, tout angoissé.
— Camille nous a contactés pendant une minute, commença-t-il.
— Comment va Kilian ? Enfin… je veux dire, comment vont-ils ?
— La situation est compliquée en Siar, le peuple se rebelle sans arrêt et ils n’ont pas encore pu parler. Mais elle pense qu’ils sont sur écoute et sous surveillance. Elle ne veut plus nous contacter. Elle pense que Jean-François II mijote quelque chose. avant de le prendre dans ses bras alors qu’ils s’allongeaient tous les deux dans le lit.
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