7 octobre 1989

Une minute de lecture

Ils ne sont toujours pas venus me chercher dans ma cellule. Ca se sent que nous sommes passés à l’automne, la température s’est bien rafraîchie et il pleut depuis plusieurs jours. J’arrive un peu à voir la cour de la prison qui est devenue complètement boueuse et où les soldats ramassent les corps des opposants ou de tous ceux qui se sont rebellés contre le pouvoir. Je suis rassuré, car je n’ai pas vu mon père ou mon frère sur le poteau. Parfois, ces soldats sont aidés par d’autres prisonniers pour mettre sur des brouettes des corps criblés de balles.

Je peux m’estimer chanceux de ne pas avoir à faire cette sinistre besogne. Mais jusqu’à quand ? A chacune de mes sorties pour un interrogatoire, j’essaie de voir par où je pourrais potentiellement m’enfuir, mais ça me paraît très périlleux comme plan. Il y a une bouche d’aération au niveau de chaque plafond, mais le conduit paraît étroit et il n’y a pas d’interstice entre les murs. En face de ma cellule, il y a deux miradors avec des mitrailleuses et des projecteurs qui balaient la façade donc je ne peux pas passer par la cour de la prison. La seule façon que je vois de m’évader, c’est de tuer un garde, de porter son uniforme et de m’enfuir, mais ça aussi, c’est risqué.

Je me demande ce que fait le reste de ma famille à Lebedian. J’ai même peur de voir comment ça sera quand je reviendrais.

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