Mon cœur n'apprend jamais
Quelles que soient les saisons,
Quelles que soient les douleurs,
Mon cœur n’apprend jamais.
Il s’emballe, croit bien faire.
Qu’importent les trahisons,
Qu’importent les erreurs,
Mon cœur n’apprend jamais.
Il s’entête et s’affaire.
Quelles que soient les amies,
Quels que soient les patrons,
Mon cœur n’apprend jamais,
Il s’épuise et s’immole.
Quels que soient les amants,
Quels que soient les poisons,
Mon cœur n’apprend jamais.
Il s’oublie, les console.
Et qu’importe ma peine,
Qu’importe la leçon,
Mon cœur n’apprend jamais,
La mesure, la défiance.
Qu’importent l’irrespect
Et la crucifixion,
Mon cœur n’apprend jamais
La plus dure des sciences.
Celle de l’ingratitude
Qui prend plus qu’elle ne donne,
Celle de la solitude
Aussi crainte que bonne,
Celle de l’épuisement
Nourris d’artifices,
Celle qui toujours ment,
Exige des sacrifices.
Mon cœur n’apprend jamais
À prévoir le danger,
Alors que chaque jour naît
L’espoir de se protéger
Enfin des malhonnêtes manœuvres.
Tombe goutte à goutte la culpabilité
De n’être pas un chef-d’œuvre
Face à la vétusté
Moisie des corruptions pratiques,
De ces « Moi, je », du manque de partage,
Des mêmes rouages égocentriques
Et enfin vient la rage
De s’être laissée berner.
Mon cœur n’apprend jamais,
Et jamais aviné,
Il se contente des mets
D’une cuisine infâme
Et des promesses non tenues,
Car il croit voir une âme
Et ose se mettre à nu
Devant son frère, sa sœur homo sapiens sapiens.
Mon cœur n’apprend jamais
De quelle eau on le rince
Et il finit défait,
Exsangue et sans couleur.
Il se saigne. Ses quatre veines
Se vident de leur chaleur
En confiance et sans haine.
Mon cœur n’apprend jamais
Et ne cesse de comprendre,
Et leurs souhaits, et leurs « mais »,
Leurs mensonges à se pendre,
Toute leur mauvaise foi,
Leurs œillères, leurs cris,
Leurs prétentions de rois
Et au fond il en rit
Avec trop d’indulgence.
Mon cœur n’apprend jamais
Et il n’y a pas d’engeance
Dont il croit le fond mauvais.
Les déceptions s’amoncellent
Et l’amertume chevrote
Que dans son escarcelle
Le vide s’étend et trotte
Jusqu’à éteindre la flamme
Qu’allume toujours mon cœur,
Transpercé des vieilles lames
Qui chantent l’hymne en chœur
De son trépas prochain
Qu’encore il repoussait
Par entêtement vain.
Mon cœur n’apprend jamais.
Mon cœur n’apprend jamais
Car chaque personne est neuve
Et ne saurait porter
Les orphelines et veuves
Laissées pour compte encore
Au prix de l’amitié.
Chaque soir il s’endort
Et forme de la pitié.
Il n’ose rien dire
De crainte de vexer,
Il se laisse frire
De peur d’excéder
La si maigre patience
D’un pacha en délire.
Il le voit en transe
Et il joue sur sa lyre
Son plus joli morceau.
Mon cœur n’apprend jamais
Et à chaque soubresaut
Craint que les jeux soient faits.
Mon cœur est imparfait
Et face au vent glacial
Ma tête est impartiale
Comme un masque de craie.
Qui croire et que poursuivre ?
Chaque fois qu’il recommence à vivre
L’esprit dit : « Souviens-toi
De cette nuit sans toit
Où le ciel pleurait. »
Bien sûr qu’il se souvient
De n’avoir valu rien.
Mon cœur n’oublie jamais.
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