Chapitre 3
Malgré la tentation, Maxine et Loïc refrénèrent leurs désirs charnels tout au long de la nuit. Du moins, c'est ainsi que Loïc le perçut. Il pouvait clairement sentir que Maxine oscillait entre vouloir franchir le pas et se rétracter à chaque instant. Les raisons profondes de ses hésitations lui échappaient, mais Loïc se persuada qu'il ne fallait rien précipiter. Pas le premier soir, se répéta-t-il. Ce n'était pas une règle inébranlable, mais il y avait quelque chose en cela qui relevait à la fois de la sagesse et d'un certain respect. L’aurore pointant, ils finirent par s’endormir soudés l’un à l’autre.
*
Quand Loïc ouvrit un œil, le lendemain, il sentit la douce chaleur de Maxine dont la tête était posée contre son cœur. Elle dormait profondément, la respiration lente et paisible. Comment faisait-elle ? Pauline n’avait jamais pu faire cela car le palpitant de Loïc battait trop fort d’après elle. Il jeta un œil sur le radio-réveil posé sur la table de chevet : il était presque neuf heures et demie. Il tenta une manœuvre pour essayer d’attraper la bouteille d’eau qu’il avait posée à côté du lit. Il ne l’oubliait jamais, surtout quand il avait bu un peu trop la veille. C’était la meilleure option pour éviter le mal de tête carabiné typique, livré classiquement dans ce genre de situation. Cependant il bougea un peu trop, et Maxine ouvrit lentement les yeux. Elle se mit alors à ronronner comme un chat. Elle arrondit son dos pour étirer chaque muscle. Elle marmonna :
« Tu me secoues quand il est dix heures moins le quart ? Faudra que je prenne une douche avant de filer au boulot. »
Elle se rendormit immédiatement après. Cette fille était définitivement un OVNI. Qu’allait-il se passer désormais ? Maxine allait-elle vouloir continuer cette relation pour voir où cela pouvait l’emmener ? Loïc lui-même ne réalisait pas encore les choses. Que voulait-il ? Maxine n’était-elle qu’une réaction à sa rupture ? Lui qui, la veille au soir, se voyait entrer dans une période dépressive, à se poser mille questions, à remettre en cause chaque action qu’il avait fait ces derniers mois, était couché tranquillement dans son lit avec la plus extraordinaire et improbable créature qui lui avait été donné de rencontrer, heureux et plein de désir.
Il regarda l’heure : dix heures quarante-cinq.
« Max… fit-il en remontant sa main au creux de la nuque de sa partenaire d’une nuit. Il va falloir te réveiller.
— Mmm… Pas envie d’y aller. Tu ne veux pas y aller à ma place ? Moi, je reste là, fit-elle en tentant de fourrer son nez sous l’aisselle de Loïc, comme pour se planquer.
— Je ne suis pas certain que cela puisse marcher. Tu travailles aussi ce soir ? »
Maxine se redressa un peu en collant sa mince poitrine contre lui.
« Non, pas ce soir, mais dimanche, oui. Ce soir, on peut faire ce qu’on veut. »
Donc, Maxine, elle, ne s’était même pas posée de questions. Pour elle, ils étaient déjà en couple, et pas question de second rendez-vous, ou autre chose du même genre. Ils allaient passer le week-end ensemble. Loïc ne répondit rien car il ne savait pas quoi dire.
« Tu peux m’emmener au boulot et revenir me chercher vers quinze heures. On verra ce qu’on fait après. Ça te va ? »
Comment faisait-elle ça ?
« Oui, mais dans ce cas, faut que je file aussi à la douche. »
Maxine rétrécit ses yeux.
« On va y aller tous les deux, ensemble. »
*
L'idée de la douche en commun ne fut pas celle du siècle pour faire vite, mais ils arrivèrent tout de même à se préparer et à avaler un mug de café chacun.
« Ce n’est pas gênant que je laisse ma voiture ici ? demanda Maxine en traversant le parking pour suivre Loïc à son box.
— Non, ces places sont réservées aux visiteurs et pour être honnête, tous les apparts n’ont pas encore trouvé preneur. Donc il y a de la place. »
Loïc ouvrit la porte de son garage.
« Attends à l’extérieur, le garage n’est pas large et avec une trois portes, je suis obligé de me coller côté droit pour éviter d’érafler la portière à chaque fois que je sors.
— Oui, chef ! » fit Maxine en souriant.
*
Le fait qu’il déposa Maxine à l’angle de la rue où se trouvait le restaurant, couplé à celui qu’il revint quatre heures plus tard pour la chercher n’échappa pas à ses collègues.
« Cela ne va pas te poser de problème, j’espère ? demanda Loïc
— Je ne sais pas. Je ne pense pas. Et je m’en fous. Moi, ça me plaît et c’est l’essentiel. Alors ? On fait quoi ? »
Loïc ferma les yeux en souriant. C’était ça, Maxine. Une espèce de bulldozer d’une quarantaine de kilos qui traversait la vie en se fichant éperdument des normes et des convenances, et surtout du regard des autres.
« Dans ton papier, t’avais parlé ciné. Alors je me dis pourquoi pas.
— Waouh ! Bonne idée ! En plus, y a Cars qui est sorti et j’avais envie de le voir. »
Cars, vraiment ? Cela convenait aussi à Loïc car il aimait les longs métrages d’animation. Il avait tenté de travailler dans ce domaine sans succès malheureusement. Ce choix de la part de Maxine était somme toute cohérent avec le reste.
« Mais avant, fit-elle en levant le doigt comme une maîtresse d’école, on va faire les boutiques car faut que je change de vêtements. »
Dit comme cela, Loïc aurait pu entonner le couplet habituel et sexiste, des filles et l’indéfectible lien qui les rendaient victime de la mode mais, bien entendu, avec Maxine, cela ne fonctionnait pas du tout. Quand elle disait qu’il fallait qu’elle change de vêtements, c’était au premier degré. Désapage et resapage intégral dans la cabine d’essayage, avec Loïc en spectateur et la vendeuse en mode panique.
Et sur ces entrefaites, ils se rendirent au cinéma. Loïc insista pour payer les places et après un moment de rébellion miniature, Maxine rendit les armes. Elle était plus intéressée à voir le film qu’à se chamailler sur qui paierait la place.
Loïc qui ne savait pas comment une séance allait pouvoir se passer avec un phénomène cyclonique comme Maxine, fut surpris de voir qu’il ne se passa rien d’extraordinaire. Le paquet de pop-corn dans une main et l’autre alimentant une bouche restée béante durant toute la projection, Maxine fut sage, comme une image.
« Alors ? Tu as aimé ? demanda Loïc devant le silence dans lequel était plongée Maxine depuis qu’ils étaient sortis de la séance.
— Oui, mais c’est Martin qui m’a énervée.
— Ah bon ? Pourquoi ?
— Je ne sais pas mais il ne me fait pas rire. »
Loïc ne sut pas trop quoi répondre. Maxine semblait subitement avoir éteint les lumières et la boule à facettes qu’elle avait au fond des yeux d’ordinaire.
« Tu veux rentrer ? T’as l’air vraiment fatiguée d’un coup. On va commander un truc et manger à la maison. Tranquillement. »
Maxine hocha la tête et suivit docilement Loïc toujours en silence. Une fois, arrivés à l’appartement, Maxine passa une bonne demi-heure dans la salle de bain et lorsqu’elle sortit pour le rejoindre vêtue d’une simple serviette, elle lui demanda s’il n’avait pas un pyjama à lui prêter. La requête était insolite mais Loïc ne chercha pas midi à quatorze heures et il lui dégota un vieux bas de jogging, un peu trop grand, mais qu’elle pouvait ajuster à sa taille en nouant une petite ceinture de tissus. Pour le haut, il lui trouva un ancien sweat à capuche qu’il avait fait rétrécir au lavage récemment et qui s’accorda plutôt bien aux formes de Maxine.
Après cela, elle mangea deux parts de pizza, puis en se calant aux côtés de Loïc qui avait allumé la télé, elle s’endormit en l’espace de quelques minutes. Loïc n’avait pas trop l’habitude de rester longtemps devant le petit écran. Il n’aimait pas les émissions et le principe qui consistait à rester des heures et des heures, passif derrière un écran, n’était clairement pas sa tasse de thé. Mais avec le corps chaud de Maxine calé tout contre lui, il aurait pu rester ainsi toute la nuit.
Cependant vers minuit, voyant que Maxine continuait à dormir profondément, il prit l’initiative de la prendre dans ses bras et l’emmener dans le lit. Il éteignit les lumières, se coucha à côté d’elle, puis s’endormit lui aussi jusqu’au petit matin.
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