Chapitre 34

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Ce fut un réveil empreint de gênance pour les deux dormeurs. Lui comme elle n’avait à aucun moment envisagé de se retrouver ainsi sur un canapé. D’autant qu’à la faveur de la nuit, les deux avaient bougé durant leur sommeil, et certains automatismes avaient fait en sorte que Sarah se retrouva avec les deux mains de Loïc sous son tee-shirt, agrippées à son soutien-gorge, et elle, en train de l’enlacer au niveau des hanches, avec la bouche plaquée sur le renflement matinal de son entrejambe. Bien qu’elle ne fût pas très sensible à la chose, son cerveau reptilien ne put s’empêcher de considérer non sans un certain intérêt le phénomène.

« Monsieur ne manque pas de vigueur le matin, fit-elle d’une voix ensommeillée mais taquine. Qu’est-ce que ce doit être avec Maxine ! »

Loïc piqua un fard, ôta ses mains du tee-shirt de Sarah en le remontant encore plus haut en dévoilant un peu plus la naissance de ses seins.

« Déshabille-moi complètement maintenant, je ne te dirai rien, fit-elle d’un air narquois en pesant de tout son poids avec sa main sur la bosse du pantalon pour se redresser.

— Hey, ça fait mal ! »

Sarah plissa les yeux et lui fit un grand sourire. Elle reposa sa main un peu plus délicatement, en caressant la raideur au travers du tissu.

« Tu aimerais bien qu’on te soigne ça, n’est-ce pas ? affirma-t-elle. Eh bien, moi, je ne mange pas de ce pain-là. Tu vas te débrouiller tout seul sur ce coup-là ! »

Elle termina de se redresser, de s’éloigner de Loïc pour remettre correctement ses vêtements.

« Je t’interdis de dire à quiconque ce qu’il s’est passé, cette nuit ou ce matin. Sinon… »

Elle se mit à chercher quelque chose dont elle pourrait user en tant que contrepartie, mais elle ne trouva rien. Loïc la regarda avec l’air amusé.

« T’as un côté mignon en vérité quand t’essaies de faire chanter les gens avec des menaces que tu n’as pas préparées. »

Sarah se mit à rougir comme une tomate. Elle se leva et regarda en direction de la salle de bain.

« Tu m’apportes des affaires de bain propres que je puisse me doucher ? Je vais aller me chercher des sous-vêtements au centre commercial d’à côté après. Tu reprends le boulot à quelle heure ? Cela ne te dérange pas de me laisser tes clés ? J’ai la flemme de repasser par chez moi. Je te les rends à midi quand tu passeras au restaurant. »

Loïc regarda Sarah trottiner jusqu’à la salle de bain. Finalement, c’était le clone de Maxine avec l’option « j’aime les mecs » en moins, ou « j’aime les filles » en plus, en fonction du point de vue duquel on se plaçait.

*

Vu que Loïc se voyait mal refuser ce service à Sarah, il partit au boulot en lui laissant ses clés. Avant de se quitter, ils convinrent de se retrouver vers dix-sept heures trente, ce soir pour discuter de ce qu’il leur fallait faire, sauf si bien sûr, Maxine réapparaissait miraculeusement.

Loïc croyait peu à ce scénario et en attendant, il fallait trouver le moyen de ne pas tourner en boucle sur le sujet de Maxine. Mais bien entendu, ce fut très compliqué voire impossible. Cela ne s’arrangea pas quand, durant la pause du midi, Sarah, « l’autre serveuse », lui rendit ses clés en plein repas sous l’œil médusé de ses collègues et de l’équipe du restaurant. Elle qui l’avait le matin même pratiquement menacé de représailles s’il disait quelque chose à propos de leur nuit, fit preuve d’un manque de discrétion flagrant. Comment cette fille plutôt intelligente pouvait-elle être une catastrophe ambulante sur ce plan-là ?

Avant qu’il ne reparte au travail, au moment de quitter le restaurant, Sarah lui demanda de venir lui parler en privé sous des regards suspicieux. Elle lui fit part que c’était encore une fois la mère de Maxine qui avait prévenu le patron de son absence. Ce dernier s’était un peu emporté car depuis quelques temps, la présence de celle-ci était plutôt chaotique. Il s’était fait vertement recadrer en lui rappelant que la dernière absence de Maxine était un arrêt à cause d’un accident du travail dans son restaurant. En sus, Sarah avait réussi à connaître la nature de l’absence depuis samedi. Le patron avait fait attention à ne rien dire pour ne pas compromettre le « secret médical » en lieu et place de la confidentialité.

« Il ne s’est pas rendu compte de son erreur ?

— Peut-être, je ne sais pas. Ce qui est certain, c’est que je m’en fiche. Bon, en tout cas, on se retrouve à cinq heures trente. »

*

Ils se rejoignirent donc à l’heure convenue à l’appartement de Loïc, pour discuter d’un plan selon le terme consacré employé par Sarah.

« On pourrait enquêter à l’appartement de Max ? Non ? proposa-t-elle.

— Et tu veux faire ça comment ? Avec un pied-de-biche ?

— Tu n’as pas ses clés ? Elle, elle a tous les doubles de clés de ton appartement, de ton garage, de ta voiture et toi, tu as nada ?

— Bah oui, fit Loïc un peu gêné.

— Purée, je n’arrive pas à savoir si tu es gentil, naïf ou demeuré. Ou les trois à la fois. »

Ils se turent quelques minutes.

« Et si, on se plantait complètement et qu’elle est bien, je ne sais pas où, auprès de sa tante, pour ce fameux décès ?

— Je n’en reviens pas de ce que je vais te dire mais tu ne crois pas qu’avec ce que tu connais de Maxine, c’est justement à ces moments-là qu’il faudrait que tu sois là ? Au nom de quelle raison étrange, ce serait une bonne idée de l’éloigner d’une personne qui la fait rayonner ? Parce qu’il faut que je l’avoue, même si ça me révolte, je n’avais jamais vu Maxine comme ça, ces derniers temps. Comme d’hab, elle avait dix idées farfelues à la minute mais avant ça partait dans toutes les directions. Là non. Tout était centré autour d’elle et toi. Un truc que j’aurais bien voulu réussir avec elle et moi, depuis le temps que je la connais. »

Sarah posa un instant ses yeux sur un point vide devant elle puis revint sur Loïc.

« Je te jure que ça me bourre de ne pas savoir quoi faire. J’ai envie de foncer voir sa mère et de la forcer à me dire où elle est. Ce qui me tue, c’est de savoir qu’elle n’était pas bien toute la semaine. Elle essayait bien de faire bonne figure mais elle avait une mine de papier mâché et elle se planquait toutes les cinq minutes dans les toilettes. À croire qu’elle était devenue incontinente ou qu’elle se repoudrait le nez comme une junkie ! »

Sarah alla ouvrir les portes-fenêtres du salon. Elle avait besoin d’air.

« Bon, fit-elle en s’adossant à la rambarde. Partons de l’hypothèse qu’ils l’ont fait interner.

— Qui ça, ils ?

— On s’en fiche, t’as un ordi avec Internet ? Il ne doit pas y avoir cinquante établissements dans la région. »

Loïc ne voulait pas abandonner mais pour lui, ce que faisait Sarah ressemblait plus ou moins à agiter les bras pour essayer de s’envoler tout en étant debout sur le ponton du Titanic. Mais il préféra suivre son idée puisque de son côté, il n’en avait aucune. Sarah avait raison de rester active plutôt que de se laisser aller à la déprime. En agissant ainsi, elle évitait du moins d'avoir l'impression de rester les bras croisés. Il alluma l’ordinateur portable et le tendit à Sarah.

« Ah nan, je te laisse faire. Je ne sais pas faire fonctionner ces bêtes-là. En général, ça part en cacahuètes au bout de cinq minutes. »

Loïc secoua la tête en souriant.

« Je cherche donc les hôpitaux psy ? »

*

Il y avait au total treize établissements dans la région proche.

« Purée, je ne pensais pas qu’il y en aurait autant. Cela va être chanmé pour tous les inspecter.

— On va commencer par les établissements publics. Je doute que la mère de Maxine ait les moyens de lui payer des soins dans le privé ou alors je me méprends totalement sur ses capacités financières.

— Non, je pense que tu n’as pas tort.

— Donc ça réduit la liste à cinq. On ne va pas y aller ce soir, il est pratiquement dix-neuf heures. Je vais poser un congé et on ira demain. Cela te va ?

— Bah, moi je ne peux pas prendre des congés comme ça… Mais…

— Tu n’as qu’à dormir encore à la maison, cette nuit et on partira demain de bonne heure. Je te dépose au taf à onze heures et on continue après ton service. C’est bon pour toi ?

— Euh, mais, commença à bégayer Sarah. Mes vêtements et…

— Pour les vêtements, le centre commercial est encore ouvert. On va retourner t’en acheter et sinon, file-moi ton linge sale, je vais faire une machine. Et pour dormir, bah tu feras ce que tu veux. Tu peux prendre le canapé ou dormir dans le lit à côté de moi. On a déjà dormi ensemble la nuit dernière et je ne t’ai pas sauté dessus, non ? »

Sarah le regarda d’un air méfiant. Au début, elle s’était demandé s’il était sérieux ou s’il la faisait marcher. A priori, il ne plaisantait pas. Elle commença à fouiller au fond de son sac pour sortir la petite pochette où elle avait mis ses sous-vêtements de la veille.

« D’accord, mais c’est moi qui les mets dans la machine et si je dois mettre le reste, tu auras quelque chose de décent à me filer pour éviter que je me balade à poil dans ton appartement ?

— Y a le jogging et le sweat que Maxine met d’habitude ici, quand elle ne veut plus se balader à poil devant moi.

— Je n’ai pas dit devant toi, pervers ! »

Ils sourirent de leurs bêtises. Cela leur faisait du bien de plaisanter pour mettre un peu de côté leurs inquiétudes.

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