9.
Il venait enfin de sortir de la maison de son défunt ami. Il était venu, en compagnie de son épouse, rendre visite à la veuve d’Abdou Karim. La pauvre Alice, dévastée, n’était plus que l’ombre d’elle-même, Eliman ne savait pas quoi lui dire pour la consoler.
Ils étaient tous les deux montés dans la voiture. Eliman avait introduit la clé dans la fente et resta un long moment sans bouger. Un silence pesant s’était rapidement installé. Tous deux avaient le visage grave et personne ne semblait vouloir parler à l’autre. Ils ne savaient pas pourquoi ils étaient si silencieux, eux qui aimaient discuter et commenter.
- La pauvre ! finit par dire Aïssata, l’épouse d’Eliman, je suis vraiment désolée pour elle.
- Moi aussi, répondit-il après quelque secondes de silence.
Ils ne dirent plus rien.
Ils étaient maintenant engagés sur le chemin qui les menèrent jusqu’à chez eux.
- Qu’y a-t-il, Eliman ? demanda Aïssata, en regardant le visage de son mari, qui ne changeait pas.
- Rien, je pense à beaucoup de choses.
- Des soucis avec le travail ?
- Non, rien de bien grave. Quelques ennuis, rien de plus. C’est pour cela que je suis venu si tard te chercher pour qu’on aille présenter nos condoléances.
Il avait menti. Il avait passé toute la journée dans les rues de la ville de Dakar. Il cherchait celui qui avait mis un terme à la vie de vieil son ami, Abdou Karim. Il n’était pas angoissé à l’idée de mettre sa vie en danger, mais plus par le fait qu’il ne savait pas encore ce qu’il allait faire quand il serait en face du meurtrier. Ses mains se resserraient sur le volant au fur et à mesure qu’il y pensait. Personne ne devait savoir qu’il menait sa propre enquête ; la personne qu’il cherchait se trouvait peut-être dans son entourage. De plus, il avait rencontré deux fois l’équipe qui était chargée des investigations. Heureusement qu’aujourd’hui, j’ai pu vite m’éclipser, pensa-t-il. De toutes façons, il savait qu’il allait bientôt être convoqué par ces derniers ; son nom avait surement été mentionné plusieurs fois. Il serait lui aussi, interrogé à son tour. Il savait ce qu’il devait dire.
L’ambiance dans la voiture n’avait pas changé, toujours aussi lourde et pesante. Il ne faisait même plus attention à celle qui était assise à ses côtés, car dans sa tête, il se remémorait sans cesse tous les scénarios possibles. Il savait quoi dire, comment le dire. Parler peu et leur révéler toutes les informations nécessaires sans aller dans les détails. Il fallait être simple et naturel, comme d’habitude.
- Je suis prêt, dit-il finalement.
- Pardon ?
Il n’avait pas remarqué qu’il pensait à haute voix. Il baissa la tête, puis répondit avec un large sourire, plein de chaleur.
- Ce n’est rien, ma chérie, c’est juste ton fou de mari qui se met à parler seul.
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