20.
Le souffre-douleur de Mansour n’avait omit aucun détail sur la description que son petit employé lui avait faite. Elle était détaillée et il était facile de savoir de qui il s’agissait. Abdoulaye était même surpris que ce cher Khadim n’ait pas deviné qui était-ce, surement-il ne l’avait jamais rencontré. Quelques heures après son départ la voiture d’Abdoulaye avait démarré et se dirigeait à toute vitesse à la recherche du maître chanteur suivit par une seconde voiture de la gendarmerie.
Ils avaient fait irruption dans son bureau sans prévenir, ils avaient presque fait voler la porte en éclats. Il était en plein milieu d’une négociation de contrat pour sa petite boite. Il ne comprenait pas pourquoi ils agissaient ainsi. Eliman était figé sur son siège. Les deux brigadiers était debout dans son bureau suivit par un employé confus qui essayait désespérément de les faire sortir. Eliman, après avoir réalisé la situation, se leva avec un air grave inscrit sur son visage.
- Qu’est-ce que vous faîtes là, demanda-t-il avec une voix tremblante de colère
- Nous sommes là pour discuter de l’enquête c’est assez urgent, dit Mansour sur un ton serein.
- Ne voyez-vous pas que je suis occupé.
Abdoulaye sortit des menottes de sa poche arrière.
- Nous devons discuter, maintenant, reprit Mansour sur un ton insistant
- Qu’est-ce que cela veut dire Eliman, demanda l’homme assis en face de celui-ci, vous avez des problèmes avec la police
- Non bien sûr. Je suis désolé Monsieur Diouf mais je pense qu’il va falloir reporter les négociations pour plus tard, le temps que je règle ce petit malentendu.
Eliman essayait de garder un sourire rassurant en s’adressant à son interlocuteur mais pour une raison qu’il voyait venir il savait que toute cette histoire allait mal se terminer pour lui.
Les deux enquêteurs et Eliman étant seuls dans la pièce, ils allaient pouvoir s’expliquer
- Bien maintenant qu’il n’y a plus personne qu’est-ce que vous vouliez me dire de si urgent ? demanda-t-il sur un ton un peu plus apaisé, je me rappel vous avoir tout dit
- Sauf le fait que vous étiez le meurtrier d’Abdou Karim, lâcha tout simplement Mansour
A ces mots le visage d’Eliman se liquéfia sur place.
- Moi !? vous êtes venus ici, dans mon bureau pendant un important rendez-vous pour m’accuser de meurtre, c’est inadmissible
- Vous ne dites pas le contraire
- C’est évident que ce n’est pas moi. J’ai un alibi et vous le savez pertinemment. J’étais chez moi avec ma famille ce soir-là !
- Ce que l’on peut faire c’est toujours demander au gamin que vous avez employé venir vous reconnaître à la Gendarmerie.
- Je ne vois pas de quoi vous parler, c’est de la diffamation, soyez en sur je vais porter plainte contre vous.
Abdoulaye jouait les observateurs encore une fois mais cette fois ci il ne devait pas se manquer. Lui et Mansour avait fait irruption dans le bureau et en ce moment son collègue portait des accusations qui n’avaient comme base que le simple témoignage d’un homme en détresse qui avait surement mentit sur toute la ligne. Mansour jouait la carte de la pression, cependant le jeune enquêteur savait que celle-ci avait ces limites. Il fallait être attentif. Son bureau était simple, modeste. Pas de décoration extravagante juste le minimum pour travailler. Sur le meuble ou était posé son ordinateur était aligné des photos de famille encadré. Abdoulaye s’approcha du bureau pour les examiner de plus prés. Personne ne faisait attention à lui. Elles étaient typiques et étaient plus des clichés individuels de ces enfants. Cependant un détail attira son attention, il savait que cet homme était marié et pourtant à aucun moment même sur la photo en arrière-plan sur son ordinateur on ne voyait la femme d’Eliman. Il se retourna vers ce dernier pour le considérer. Il était trop occupé à prouver son innocence. Il transpirait à grosses gouttes. Soudain Abdoulaye fronça les sourcils. Il remarqua quelque chose chez ce drôle de personnages qui pouvait complètement changer la situation.
- Pardon, Monsieur Guéye, mais je ne vois pas une seule photo de votre femme sur votre bureau, vous vous êtes disputés, demanda Abdoulaye sur un ton amicale.
- Je ne vois où est le rapport avec le fait que vous m’accusez d’être un meurtrier.
- Si vous niez être le meurtrier, vous ne pourrez pas vraiment nier le fait que c’est vous celui qui faisiez chanter votre « ami » je me trompe
- C’est complètement faux, rétorqua-t-il
Menteur, pensa-t-il immédiatement en entendant sa voix trembloter. Abdoulaye soupira en sortant de sa poche un paquet de cigarettes et des allumettes et après l’avoir allumé il regarda son interlocuteur dans les yeux avant de reprendre
- Comme vous ne vous décidez pas à parler je vais le faire à votre place. La fois où nous nous sommes rencontrés au salon de massage vous demandiez des nouvelles de votre ami, celui qui vous a fourni la vidéo qui vous a permis de faire chanter Abdou Karim, vous ne demandiez pas des nouvelles du propriétaire du salon comme la femme de l’accueil nous l’a dit.
- Je ne sais pas de qui vous parler, vous entrez ici sans aucune autorisation pour me raconter des histoires qui ne font aucun sens, c’est pour cela que l’on vous paye.
- Vous savez très bien de qui je parle, c’est la fille un peu idiote qui travaille là-bas et à qui vous avez demandé de nous mentir. La seule raison pour laquelle vous étiez là-bas ce jour-là c’était uniquement pour vous assurer que votre petit protégé n’est rien raconté et aussi en profiter pour mettre au point une petite histoire à nous sortir si nous devenions trop insistants.
Eliman ne disait rien il regardait le jeune enquêteur avec un air de dégout et de haine qui commençait à faire surface dans son expression faciale.
- Vous n’avez aucune preuve de ce que vous avancez, dit-il doucement tout en serrant les poings
- C’est totalement vrai. Tout ce que nous avons c’est le témoignage d’un homme qui avez des problèmes et qui nous as demandé son aide
Abdoulaye souriait, il comprenait qu’Eliman était en train de perdre pied et cela se voyait. Il pouvait même le voir trembler de là où il se tenait
- Mais pourquoi l’avoir fait chanter, c’est la seule et unique question que je me pose vous savez. Je ne comprends pas, je veux dire c’était votre ami n’est-ce pas ?
Il laissa planer un silence dans la pièce comme pour créer un semblant tension.
- Vous auriez dut divorcer, dit-il d’une voix basse presque inaudible, cela vous aurez moins compliqué la vie.
- Divorce ? mais de quoi tu parles, demanda Mansour qui ne participait plus à la scène
- Demandes lui, il sait ce que je veux dire, répliqua le jeune enquêteur en expirant un nuage de fumée
Eliman fixait à présent le sol. Ces poings tremblaient de rage, son visage s’était crispé, il se rendait compte que pas une seule fois il n’avait émis d’objections, il avait arrêté de se défendre. Les choses se sont passées si vite. Et maintenant il parlait de divorce. Il avait tout compris et avec une telle simplicité. Non, il ne savait pas tout sinon il ne parlerait pas de divorce, il n’oserait même pas. Ces poings se déliaient petit à petit et sa respiration revenait à la normale.
- Vous ne comprenez pas pourquoi j’ai fait ça, vous n’en avez aucune idée, j’ai raison ?
Il avait dit cela en relevant doucement la tête. Il découvrit un nouveau visage qui avait remplacé celui qu’il arborait d’habitude, naïf, timide, craintif par un autre beaucoup plus sombre. C’était comme une seconde nature qu’il n’avait pas cessé de réfréner durant plusieurs jours et qui maintenant pouvait s’exprimer librement. Même le ton de sa voix était différent. Eliman se dirigeait d’un pas certain vers son bureau. Il s’assit sur son fauteuil et regardait maintenant de ces yeux glacials les deux gendarmes. Abdoulaye lui ne semblait pas être secoué par ce changement soudain. Même s’il avait conscience que la personne qui était en face de lui était différente de celle qu’il avait eu à bousculer à plusieurs reprises tant elle était presque invisible il ne pouvait s’empêcher de toujours le voir du même œil.
- Vous savez, Abdou Karim n’était pas vraiment la personne que tout le monde décrivait. Qu’est-ce que je raconte, évidement que vous le savez, à force d’enquêter sur sa vie vous vous en êtes surement rendu compte.
- Vous êtes bien l’idiot dans cette histoire, dit soudainement Mansour. Pourquoi nous avoir parlé de l’existence d’un maître chanteur ?
Abdoulaye avait pris une grande bouffée de sa cigarette avant de la relâché dans la pièce, l’atmosphère avait subitement changé. Il croisa les bras et sans quitter Eliman des yeux il répondit à une question qui ne lui était même pas destinée
- il brouillait les pistes. Il savait que si nous étions arrivés jusque-là il était évident que nous allions découvrir toute cette histoire de chantage. Comme je l’ai dit, le jour où nous nous sommes rencontrés au salon il préparait le terrain. Tout ce qu’il avait à faire c’était de venir à l’audition en jouant le rôle du « bon ami qui mène son enquête » quand nous l’interrogions. Son objectif était d’être le moins suspicieux possible.
- C’était plutôt simple. En confirmant toute cette histoire de chantage c’est comme si je donnais un morceau de viande saignante à des chiens affamés, vous vous êtes empressaient de chercher ce « maître chanteur ». C’est vous qui m’avez exclus de la liste des suspects sans que je n’ai à vous fournir une quelconque preuve de ma non implication dans cette affaire. Je ne sais pas qui vous soupçonniez mais je plains presque cette personne.
Mansour voyait son collègue se figeait sur place. Il repensait surement à tout ce qui s’était passé et regrettait encore ce qu’il avait fait, à l’acharnement inutile qu’il fait contre cette femme qu’il détestait. De plus cet Eliman Guéye, avec ces deux visages, parlait avec un ton tellement cynique que s’en était agaçant.
- Vous avez raison, fit Abdoulaye, la personne que nous avions accusé, non, que j’ai accusé à tort à cause de vous ne le méritait pas. A cause de moi elle a même perdu son travail
Un large sourire respirant la joie s’était dessiné sur son visage
- Mais j’ai appris de mes erreurs et maintenant, grâce à vous je sais comment reconnaître les gens comme vous ; ceux qui jouent réellement un double jeux. Mais revenons-en à votre épouse, elle doit être sacrément jolie pour que vous accrochiez à elle de cette manière, même si comme je l’ai dit divorce aurait été une option beaucoup moins couteuse. Et en plus ne pensez-vous pas que la mort est un peu excessive pour le cas d’Abdou Karim
Il avait sauté de son siège
- Il méritait bien plus que la mort pour ce qu’il m'a fait, cria-t-il
Sa voix raisonnait dans toute la pièce, elle était tremblante de rage. Son cœur battait la chamade et ne voulait pas se stoppait
- Quelle joie qu’il soit mort, j’en avais marre de le voir respirer, c’était insupportable. Ce connard faisait semblant d’être mon meilleur ami de me supportait et dans mon dos je découvre que lui et ma femme s’envoyait en l’air. Ils m’ont pris pour un abruti tous les deux pendant plusieurs années, ils se sont foutus de moi et vous pensez réellement qu’un divorce allait me contenter ? Non ! Non, non, non je voulais qu’il souffre le plus longtemps possible, qu’il se sente épier, traquer, sur la corde raide. Je voulais qu’il comprenne ce que c’est le désespoir et le sentiment de trahison, ce salaud, comme moi. Se retrouver au fond d’un gouffre sans personne pour nous en sortir et se rendre compte plus tard que ce sont les personnes à qui on aurait confié notre vie qui ont creusé ce gouffre, c’est ça que je voulais qu’il ressente. De plus l’argent que je recevais pour garder le silence n’était qu’une compensation pour s’être foutu de moi pendant deux ans ! Deux putains d’années !!
Il avait dit ça en tapant du poing sur la table. Mansour voyait le vrai visage de cet homme qui aux premiers abords paraissaient sans problèmes mais qui se révélait être un tordu manipulateur. Eliman s’était rapprocher d’Abdoulaye et l’avait pris par le col de sa chemise, il boulonnait de colère.
- Un divorce, Monsieur Diop c’est beaucoup trop simple. J’avais prévu de lui faire payer à elle aussi, la pute qui me sert de femme, pour ce qu’elle m’a fait. Elle aussi va bientôt rejoindre son amant de l’autre côté.
Mansour s’approcha d’eux pas décidé. Il voulait mettre un terme à cette scène. Il sortit ces menottes
- Ça suffit, j’en ai assez entendu on l’embarque.
Eliman recula brusquement comme pour essayer de fuir
- Même si je suis content que ce connard soit sous terre en ce moment ce n’est pas moi qui l’ai tué.
Mansour était déstabilisait par ce qu’il venait de dire. Il ne savait pas quoi répondre à ça, il se retourna progressivement vers son collègue pour recueillir son avis, mais rien, lui aussi semblait ne pas tout comprendre
- Et puis quoi encore, vous venez d’avouer que la mort de Mr Niang vous réjouissez, et vous prévoyez clairement de tuer votre femme. Pour moi ça ne fait aucun doute.
- Je ne l’ai pas tué, protesta-t-il
Abdoulaye réfléchissait, il n’était plus question de faire des erreurs. « Ça n’a aucun sens » voilà les mots qui revenaient sans cesse après avoir reconsidéré la question. En effet plus il pensait et plus cette idée semblait s’implanter dans son esprit. Il considérait le drôle de personnage qu’était cet homme et en était venue à une simple conclusion en observant son visage
- Ce n’est pas lui le meurtrier dit-il en faisant tomber la cendre qui s’était accumulait sur sa cigarette
- Quoi ? tu ne vas pas te mettre à le défendre, répondit Mansour
- Pas du tout, mais regarde le il est complètement apeuré à l’idée de se retrouver en prison pour meurtre
En effet Abdoulaye avait remarqué sur le visage de ce dernier un tic nerveux qui réapparaissait à chaque fois qu’on l’accusé de meurtre.
- Tu penses réellement que quelqu’un comme lui aurez assez de cran pour assassiner quelqu’un, continua le jeune enquêteur, c’est un manipulateur certes mais pas un tueur. Au lieu de s’expliquer avec Abdou Karim Niang il a préféré monté une opération de chantage. Il n’est pas du genre à ce salir les mains et il évite toutes formes de confrontations c’est pour ça qu’il ne s’est pas séparé de sa femme, si tu veux mon avis le meurtrier et lui sont deux personnes tellement différentes que on les enfermait dans la même pièce ils se disputeraient tout le temps
Mansour comprenait là où il voulait en venir et ce qu’il disait faisait tout son sens. Abdoulaye s’était retourné et était sur le point de s’en aller
- Il est juste faible, minable et manque de courage. Il dit vouloir assassiner sa femme mais je parie qu’il a juste prévu de l’empoisonner, pas de sauvagement la poignardé ou autre chose. Si elle est mariée à quelqu’un comme lui je comprends pourquoi elle est allée voir ailleurs
Sans crier gare il sentit la main d’Eliman agrippait et vit son poing se lançait contre son visage. Le coup fut violent. Mansour les sépara. Des gouttes de sang tachaient le sol, elle tombait du nez d’Abdoulaye. Il releva la tête et sortit de la pièce avec un grand sourire. Il avait l’impression d’avoir pris une certaine revanche sur les erreurs qu’il avait faite en voyant Eliman à terre et s’attrapait la main. Il s’était rattrapé et maintenant, il ne reviendrait plus jamais sur ce qui appartenait au passé.
- Tu vois ce que je te disais Mansour, tellement faible qu’il s’est cassé le poing sur mon visage.
…
Abdoulaye sortait de l’infirmerie de la Caserne Samba Diery Diallo avec un pansement sur le nez et un bout de coton rougit par le sang lui sortant de la narine. Il se sentait horriblement bien. Mansour l’attendait devant la porte de celle-ci en tripotant son téléphone.
- Tu l’as bien mérité celui-là dit-il en l’apercevant
- Je sais, répondit-il tout simplement
Mansour ne voulait pas lui faire la leçon, c’est tout de même grâce à lui qu’il avait pu éclaircir toute cette histoire de chantage. Il avait vu des choses que lui-même n’avait pas comprises. Un petit sourire avait élu domicile et illuminait son visage. Il n’avait jamais vu son collègue aussi heureux et priait pour que cela soit permanant. Puis comme se rappelant soudainement de quelques choses il se retourna vers le jeune enquêteur et dit
- Prends ton téléphone et note un numéro
Abdoulaye s’exécuta et saisie le numéro qu’on lui dicta.
- C’est le numéro de qui ?
- Malika Ndiaye. Elle me l’a donné quand je suis passé chez elle quand j’étais à ta recherche. Elle a insisté pour que je te le donne au cas où je te retrouvais.
- Je ne pense pas que ça soit une bonne idée, dit Abdoulaye, je …
- Gardes-le, avait tout simplement répondu Mansour en mettant sa main sur son épaule
Mansour s’en alla en le laissant derrière, seul son téléphone dans les mains, le numéro sous les yeux. Il aurait tant voulu appuyait sur la touche appel, mais il savait que c’était inutile car il ne savait pas quoi lui dire. Il avait passé ses cinq dernières années à nourrir sa colère et sa haine contre elle et maintenant que les choses avaient changé entre eux, maintenant il ne savait plus quoi lui dire.
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