23.
Elle avait travaillé pendant pratiquement une année, comme domestique dans la maison de sa chanteuse préférée, et aujourd’hui, c’était son dernier jour. Elle se sentait un peu triste, car dans d’autres circonstances, elle serait probablement restée un peu plus longtemps. En effet, depuis que son principal employeur, Mr Niang, avait tragiquement disparu, plus rien n’était pareil. L’ambiance dans la maison avait naturellement changé, comme si quelque chose était mort avec lui. Elle se rappela avoir fondu en larmes à l’annonce de son décès tragique, comme si c’était un membre de sa propre famille qui avait trépassé. « Quel dommage ! », pensait-elle en rassemblant ses affaires. Sa patronne, la dame Alice, avait renvoyé tout le monde, et pour cause : elle s’en allait hors du Sénégal pour quelque temps, elle avait pour destination les Etats Unis d’Amérique. C’était une bonne initiative, même si elle aurait dû partir depuis un bout de temps déjà.
La domestique n’avait pourtant pas à se plaindre. Certes, elle perdait son travail, mais comme à ses deux autres collègues, la maîtresse de maison avait fait don de plusieurs pièces de sa garde-robe. Ce fut tout d’abord un moment gênant quand elle les lui donna. Son premier réflexe avait tout d’abord été de refuser ces cadeaux, car cette décision, comme celle du voyage, était à vrai dire un peu soudaine. En effet, ces derniers jours, depuis l’enterrement de son compagnon, son comportement avait commencé à changer peu à peu. Elle semblait de moins en moins triste et passait moins de temps enfermée dans sa chambre. Elle souriait même, et était de meilleure humeur. C’était comme si elle venait d’être libérée d’un poids pesant qui l’empêchait d’avancer et de faire sa vie. La domestique semblait l’avoir compris, et cela était tout à fait naturel, quand on y repensait. Mais, tout cela avait brusquement changé un soir, lorsqu’elle servait à boire à son idole. Alice était assise dans le jardin, sous une véranda, et profitait de la nuit fraîche, quand la sonnerie de son téléphone troubla sa quiétude. En répondant à ce coup de fil, la bonne humeur qui l’avait habitée ces derniers jours, s’était volatilisée. Le temps d’une seconde, son visage s’était assombri puis était revenu à la normale. Elle n’avait rien dit et s’était juste contenté d’écouter, puis de raccrocher. Pour cette domestique, qui avait assisté à toute la scène, c’était tout ce qu’il y avait de plus étrange. Mais, elle n’avait pas voulu se mêler de tout cela, « on lui annonçait peut-être une mauvaise nouvelle », pensa-t-elle, et c’était surement sa façon de réagir. Ce n’est qu’après cela qu’elle décida d’entreprendre son voyage.
Elle quittait cette maison dans laquelle elle avait passé beaucoup de temps en compagnie d’employeurs irréprochables, qui la payaient grassement pour toutes les tâches ménagères qu’elle avait effectuées avec acharnement. Peut-être était-ce mieux ainsi. En s’en allant de la maison, elle se retourna et regarda la fenêtre de la chambre de son ancienne patronne, avant de partir. Si elle avait été plus attentive, elle aurait surement remarqué qu’elle était observée aussi par cette dernière, qui s’était arrêtée un moment dans la préparation de ses valises, pour regarder à l’extérieur. Elle se mordait la lèvre inferieure. Son voyage allait être retardé, car des imprévus faisaient irruption et mettaient en péril ses projets.
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