Avant Mordeffroi il y avait Sanglen, un royaume belliqueux lui même excrété par l'empire. Sanglen avait été fondé par la duchesse Isabella Von Klarg qui s'était rebellée contre l'empereur et avait revendiqué son indépendance. Étant une province frontalière, tout à l'ouest, leur sortie de l'empire ne causa pas grand problème. La duchesse, surnommée duchesse pourpre par ses propres hommes, prit la tête des puissantes armées du duché, et non contente de défaire toutes les attaques impériales revendiquant son territoire, elle poussa le vice jusqu'à étendre celui-ci en envahissant des duchés voisins et en saccageant tout sur son passage. Elle lança la "chevauchée de sang". Une offensive terrible ayant pour seul but de dévaster tout ce qui était sur leur route et avec comme destination finale Aladraxa, alors capitale de l'empire. Elle rasa des villes, pilla des villages et assiégea un nombre impressionnant de forteresses en seulement quelques mois. L'empereur, qui était à cette époque en croisade par delà les mers, ne pouvait réagir. Il préféra donc signer un accord assurant à la duchesse Isabella Von Klarg l'indépendance totale des provinces entre ses mains avec la promesse de ne pas devoir craindre d'invasion impériale tant qu'elle respirerait. La chevauchée sanglante s'interrompit alors à cent vingt kilomètres de la capitale, faute de casus belli valide.
La nation indépendante ainsi fondée fut appelée Sanglen, et déjà avant l'apparition du Mordeffroi, c'était un lieu de chaos et un royaume sanglant où la noblesse vivait dans un état de dépravation absolue.
Un jour la duchesse pourpre reçut un visiteur étranger qui répondait au nom de Felbade. Ce Felbade était un missionnaire du culte d'Aderonn. Il murmura quelque chose à l'oreille de la duchesse qui aussitôt décida de se convertir. Elle effectua le rite de l'encensement avec l'aide de Felbade, et tenta d'imposer cette religion à ses vassaux. Ces derniers s'inquiétèrent de ce brusque changement dans le comportement de leur maîtresse. En effet, depuis qu'ils n'étaient plus assujettis à l'empire et à son clergé oppressant, la noblesse de Sanglen bénéficiait d'une liberté presque totale dans ses actes autant que dans ses pensées. Préférant ne pas prendre le risque de voir leurs libertés réduites, tous les vassaux de Von Klarg s'allièrent pour assassiner la duchesse pourpre.
On ne sait pas vraiment comment la chose se passa. Des hommes en armes prirent d'assaut le palais de Nagaïkas dans lequel demeurait la duchesse. Les défenseurs avaient tous déserté, abandonnant leur maîtresse à son sort. On dit qu'elle fut plus tard retrouvée noyée dans une baignoire remplie du sang de ses servantes. Aucune explication n'a jamais été trouvée à cela. On assuma que c'étaient les assaillants les responsables, mais certains émettent l'hypothèse qu'elle se serait suicidée, ou encore qu'elle aurait tenté de feindre la mort.
Ses vassaux, par respect pour elle, décidèrent de l'enterrer dignement en la coulant dans un cercueil en métal, de sorte que son corps soit à jamais préservé. On raconte qu'au moment de l'enterrement, personne ne parvenait à fermer ses yeux, ils se rouvraient sitôt qu'on les fermait. Un noble aurait alors saisi son poignard et lui aurait crevé les yeux pour s'assurer qu'elle était bien morte et ne faisait pas semblant. Puis elle fut coulée dans le métal et enterrée dans les sous sols de son palais.
Le missionnaire Felbade, lui, avait fui le palais mais fut rattrapé. On le mît sur un pal que l'on plaça dans la salle de réception du palais de Nagaïkas où il demeure encore aujourd'hui, quoi que d'une façon un peu différente.
La duchesse n'avait pas d'héritier légitime, mais ses innombrables enfants bâtards ne tardèrent pas à monter des armées et à s'entretuer pour le contrôle du pays. Lorsque tous ceux qui descendaient du sang d'Isabella Von Klarg furent morts dans ces guerres fratricides, la guerre ne prit pas fin pour autant, et aux luttes incessantes pour le pouvoir s'ajoutèrent les invasions venues de l'empire et la présence toujours plus importante de sorciers sur le territoire. Sanglen se retrouva alors plongé dans un état de guerre permanente où chaque individu luttait, combattait et trahissait sans aucune forme de morale ou de pitié à seule fin de s'élever dans la société et peut être de se placer à la tête du pays. Cet état dura trois siècles, largement assez longtemps pour que tous aient pu oublier à quoi ressemblait un pays en paix; jusqu'à l'arrivée du nécromancien.