D’abord le silence… par peur de te perdre.
Mais perdre quoi exactement ? Pour l’instant, tu n’es qu’une toute petite graine… et pourtant assez grosse pour me donner le mal de mer.
Nauséeuse pendant plus d’un trimestre, je reste muette. Et puis, de toute façon, ça ne se voit pas. J’ai même l’impression que ce n’est pas vraiment là.
Puis vient la libération, mais pas encore totale. « Ils » me parlent de leurs propres expériences, et, avec toute leur bienveillance, m’inondent de bons conseils. Je ne comprends pas tout. Pourtant, j’écoute, car finalement, je sais que je ne sais rien. Déjà, on me considère comme une autre personne. Pourtant, je suis encore là. Ou peut-être pas, après tout.
Les mois passent, et la fatigue ne me quitte plus. Elle s’intensifie. Je ne peux plus faire de sport. Je n’arrive plus à lire. Je peine à travailler.
Pourquoi est-ce que ça me dévore de l’intérieur ?
Je m’éteins peu à peu, et c’est réellement ce qu’il se passe.
J’arrête de travailler plus tôt que prévu. Je m’effondre sur mon canapé et reste là, longtemps. Trop longtemps. Dans ma tête, c’est simple : il ne se passe plus rien. Je ne suis ni triste ni bien. Juste… vidée.
Je ne suis plus là.
Mon téléphone reste en silencieux. Je n’ai même plus besoin de le charger. Malgré tout, j’essaie tant bien que mal de célébrer ta venue, mais je finis par le payer pendant des semaines. Le canapé prend la forme de mon corps. Il devient mon refuge pour des siestes interminables. Mes seuls alliés sont ceux qui, discrètement, m’accompagnent affectueusement.
Puis, un semblant de force revient. Pas mal, à un mois de la fin ! Juste le temps de préparer ta chambre et de réaménager la maison. Mais alors, il tombe malade. Je m’effondre. Chaque jour, je me lève en pleurant. Je suis tellement triste, je me prépare à son départ.
Et il nous quitte.
Comment vais-je vivre sans lui ?
Pas le temps d’y penser. Mon ventre se contracte. Sur ce gros ballon bleu, je me tords. La douleur s’accentue.
En fermant la porte de la maison, je sais que ma vie ne sera plus jamais la même.
La douleur, j’ai déjà oublié.
Tu es là. Et je suis fière.
C’est bête, mais… j’y suis arrivée.
Je ne dors plus. Tout ce que je veux, c’est m’occuper de toi. Je te trouve déjà si belle. On rentre à la maison. Tu pleures, et ça dure des mois. Je ne peux pas te poser. Tu es collée à moi.
Ma vie devient la tienne. Et malgré tout l’amour que je te porte, je souffre.
J’arrête l’allaitement. C’est un échec. Tes crises continuent. Je prie. Mais ça ne s’arrange pas. Je me demande : comment vais-je survivre ?
Parallèlement, tout le monde veut te voir. Ils insistent. Je sens leur pression. Mais le simple fait de recevoir est un supplice. Ce n’est pas que je ne veux pas : je ne peux pas. C’est trop. On m’en veut. Mais je m’en fiche. La priorité, c’est toi.
Heureusement, mamie est là. Elle me sauve.
Et d’un coup, peu avant de reprendre la vie active (parce qu’il le faut bien), tout se rétablit. Enfin… de ton côté. Peut-être que mes prières ont finalement été entendues.
À peine le temps de souffler que je reprends le travail. Le rythme est intense. La vie continue. Comme si avant, il n’y avait rien eu. Et encore une fois, je fais semblant.
Reprendre une vie normale, c’est dur. Mais le dire, c’est anormal. Alors je me tais. Je me concentre sur toi.
Finalement, on n’apprend pas à devenir parent. Mais une chose est sûre : on passe après. Il suffit de l’accepter. Quant au reste, on finit par s’en moquer. Parce que s’ils ne comprennent pas, c’est qu’ils ne savent pas.
Mon but, c’est de te donner le meilleur. Et progressivement, je renais. Je grandis avec toi.
Si on me demandait : « Alors toi, comment tu as vécu la naissance de ta fille ? »
Et que je répondais honnêtement… voici mon récit. Il n’est peut-être pas joyeux. Mais il est vrai.
En attendant, je ne raconte jamais la vérité. Pourquoi ? Parce que je n’ai jamais aimé les histoires tristes. Surtout quand elles me concernent.
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