La voiture
Il arrivait. C'était le jour J. Cela faisait des mois que j'attendais cet instant. Il m'avait appelé en catastrophe pour me prévenir de son arrivée une heure plus tôt. J'avais à peine eu le temps de me préparer, prévenir mes parents de mon départ et dévaler à grande vitesse la route sinueuse menant à notre point de rendez-vous. Le coeur battant, je guettais attentivement toutes les voitures que je croisais à bord de ma clio 2. Il n'était pas question d'être en retard. Il avait parcouru 250km pour atterir jusqu'à mon village, forcé de fuir sa situation familiale. Une urgence m'avait-il dit.
Garée devant la boulangerie, les yeux rivés sur mon téléphone, j'attendais. Les minutes passaient et je m'imaginais les différents scénarios possibles de notre rencontre. Soudain, un klaxon retentit de derrière. Je regardai instinctivement dans mon rétro intérieur et mon coeur s'arrêta. Il me regardait, affichait un sourire naturellement timide, les yeux brillants. Je crois que tout a commencé à cet instant.
Je descendis rapidement, feignant une vive assurance pour ne pas laisser mes émotions m'envahir. Il descendit sa vitre, nous nous dîmes maladroitement bonjour et il m'ouvra la porte de sa voiture. J'étais comme electrisée par sa présence, doutant de la réalité à laquelle j'assistais, je tentais d'alimenter la conversation en ignorant mes pensées déferlantes. Sa main, sur ma cuisse, me fit un éléctrochoc. Je ne savais quel sens donner à ce geste, ni comment l'interprêter. Cet imprévu était presque ressenti comme une agression ; jamais je ne l'aurais cru si entreprenant et je n'y étais absolument pas préparée. Il laissa malgré tout sa main posée là un bon moment. Je m'y habituais lentement. Épuisée par la route, et sans possibilité de dormir ni chez moi ni à l'hôtel, je pris la décision de l'emmener au centre commercial le plus proche ; le but étant de profiter des lampadaires encore allumés pour dormir plus en sécurité dans la voiture. Il me suivit. Il roulait doucement, cela me fit sourire. Il était si responsable, si raisonnable, imperturbable. Quant à moi, je redoublais d'effort pour lever le pied de l'accélérateur et me résoudre à l'attendre. Cet homme me cannalisait, m'éduquait, me changeait positivement simplement en me montrant l'exemple. Il était si doux, si calme, et si viril. L'illustration de la force tranquille. Il me rendait dingue, et l'idée de partir indéfiniment avec lui aussi. Je n'avais mis personne de mon entourage au courant, et je m'apprêtais à dormir dans une voiture avec l'homme de mes rêves. Cette idée m'excitait au plus haut point et m'offrait un sentiment de liberté inédit pour mon jeune âge. Seule, j'aurais été terrorisée, mais il veillait sur moi comme un mari responsable, et je me sentais plus qu'en sécurité. Il semblait parfaitement gérer la situation. Ni trop insouciant, ni dépassé par les événements. Non, il savait ce qu'il faisait et je n'avais qu'à placer en lui mon entière confiance.
Nous discutions dans ma voiture depuis des heures, allongés sur nos sièges respectifs, quand il me lança un regard de désir et d'une douceur indescriptible. «Viens sur moi...» comme s'il attendait cela depuis des heures. Un peu surprise mais flattée de sa demande, je m'exécutai sans tarder. Nos corps s'epousèrent parfaitement dans leurs courbes, et je me détendis instantanément lorsque ma tête plongea dans son cou. Ce fût comme un second souffle, un accomplissement. Enfin. Son odeur, la douceur de sa peau, et ses mains autour de ma taille m'envoyèrent en quelques secondes au paradis. La chaleur de son corps contrastait avec le froid de l'hiver naissant, et les vitres étaient déja toutes embuées créant une atmosphère encore plus intime. Mes yeux plongèrent dans les siens. J'aurais voulu figer cet instant pour l'éternité mais il glissa sa main dans mes cheveux et ramena tendrement ma tête vers la sienne. Nos lèvres se rencontrèrent pour la première fois. Il n'était plus nécessaire de parler. Nous étions enfin réunis.
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