Mais le plaisir et ses jeux n'eurent qu'un temps et le sommeil nous emporta, unis étroitement, imbriqués l'un à l'autre, dans une vague bienfaisante. Quand je rouvris les yeux, il faisait encore nuit noire, mais j'aurais été incapable de dire quelle heure il était. Snoog avait roulé sur le côté et dormait, les traits apaisés, sur le dos, un bras plié au-dessus de son visage. Ses cheveux d'or coulaient sur ses épaules. Durant un moment, je m'amusai à suivre du regard le dessin de ses muscles et ceux imprimés dans sa peau, ces tatouages aux motifs étranges qui lui formaient comme deux grands bracelets enserrant ses avant-bras. Et celui, un peu spécial, il fallait bien le reconnaître, de l'araignée tissant sa toile sur son flanc. Un tout aussi étrange sourire éclairait ses traits. Il était vraiment beau et je pouvais comprendre son succès auprès des filles.

Je glissai mes mains sous l'oreiller, fermai les yeux et tentai de me rendormir. Mon corps était alangui d'une bien agréable torpeur et comme habité d'une douce chaleur. Néanmoins, et bien que belles, les heures précédentes ne pouvaient durablement me faire oublier Dylan, mon cœur blessé et le deuil qu'il me fallait faire désormais.

Le sommeil me fuyait, comme toutes les nuits depuis des semaines. Je me tournai, cherchant une meilleure position, mais rien n'y fit. Sans bruit, je me glissai alors hors du lit et gagnai la salle de bain. J'y bus un verre d'eau, contemplant, songeuse, tout à la fois le reflet de mon visage dans la glace et le tas de vêtements, gisant en vrac sur le sol. Puis je reposai le verre et retournai dans la chambre. Snoog n'avait pas bougé, ni remarqué ma courte absence et je repris place sous les draps, en lui tournant le dos.

Je fixai alors le cadre à peine éclairé de la fenêtre, et, sans que je puisse l'arrêter, le film des derniers moments avec Dylan se déroula dans mon esprit, comme une revanche pour l'avoir laissé de côté pour quelques heures. Je ne pus empêcher une larme de rouler sur ma joue et Snoog m'arracha un petit hoquet de surprise en l'effleurant d'un doigt pour la cueillir.

- Pourquoi tu pleures, Loren ? me demanda-t-il d'une voix douce. Tu ne devrais pas pleurer pour ton anniversaire.

- Je me suis fait plaquer il y a deux mois et j'ai encore très mal au cœur. Et... Et j'avais pas encore... redormi avec quelqu'un depuis.

- Et ça te fait pleurer ?

- C'est bête, hein ? dis-je un peu amère.

- Ce qui est bête, ce n'est pas toi. Ni ce que tu ressens. C'est ce gars qui t'a laissée tomber. C'est lui l'imbécile.

- Il avait de bonnes raisons. Enfin, surtout une autre. Bien mieux que moi.

- Alors, il est doublement idiot. Mais c'est surtout que tu mérites mieux.

Je ne répondis pas. Je n'avais pas bougé de tout notre échange. Mais cette conversation était bizarre. Parler avec un mec d'un soir de son ex... C'était pitoyable, non ?

Snoog respecta un temps de silence, puis il dit :

- Fais-moi une promesse, Loren. A partir d'aujourd'hui.

Un peu étonnée, je tournai mon visage vers lui. Ma larme avait séché, mais mes yeux devaient être encore humides, je le sentais.

- Oui, reprit-il en me fixant toujours. A partir d'aujourd'hui, tu fais au moins un sourire. Chaque jour. Un vrai sourire.

Je baissai les yeux sans répondre. Le silence me semblait un refuge. Mais il en décida autrement et ses lèvres recommencèrent à parcourir mes épaules, mon dos, mes flancs, jusqu'à s'arrêter dans le creux de mes reins. Ses mains enlacèrent mes jambes, mon ventre, remontèrent jusqu'à ma poitrine, faisant pointer une fois encore mes seins. Le silence n'était plus un refuge et il parvint bien vite à m'arracher une nouvelle plainte. L'image du visage de Dylan s'effaça et je ne fus bientôt plus que feu ardent, brûlant plus encore de me perdre à son feu dévorant.