Chapitre 16 : Snoog

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J'avais décidé d'aller voir Loren. Maintenant que nous étions rassurés autant que possible pour Jenna et le bébé, que Lynn avait un peu relâché la pression - juste un peu, je savais qu'il allait demeurer inquiet et tendu jusqu'à la naissance -, j'avais moi aussi ressenti le besoin de faire un mini-break avant de reprendre la tournée. Je n'avais que trois jours devant moi, mais c'était assez pour aller m'aérer l'esprit. Lorsque j'avais annoncé la bonne nouvelle à Loren, je lui avais dit aussi que j'aimerais bien la revoir et me changer un peu les idées. Elle avait accepté sans hésitation, même si elle avait du boulot. Comme je viendrais sur le temps d'un week-end, arrivant le vendredi midi et repartant le lundi en fin de matinée, ça lui allait tout à fait. Elle allait essayer de s'organiser pour ne pas avoir à travailler le vendredi après-midi, mais ne pouvait rien me promettre. Je lui avais dit de ne pas se soucier, de penser à son taf' d'abord, que j'irais faire un tour dans la ville avant qu'on se revoie.

Je me retrouvai donc, après une bonne balade, à l'attendre dans un pub du centre-ville. Elle m'avait dit qu'elle pourrait être là vers 17h. Je patientais, une bière devant moi, tout en compulsant sur mon téléphone les trucs à faire ou à voir dans les alentours. Sans savoir encore que je n'allais rien voir du tout de Newcastle, par contre l'appartement de Loren, j'allais bien le visiter.

Elle arriva un peu plus tard que prévu, ayant voulu boucler certaines choses avant de me rejoindre : après tout, je débarquais au dernier moment, et je me rendais bien compte que son job était très prenant. Elle avait le sourire, je la sentais pleine d'énergie. Ca voulait dire que le moral était bon et que tout se passait bien pour elle. Tant mieux.

- Ca va ? me demanda-t-elle en s'installant à table face à moi, après m'avoir fait la bise alors que moi, je lui aurais bien roulé un patin direct tant je la trouvais jolie.

- Ouaip, fis-je. Ca va. Je décompresse un peu.

- Comment se porte Jenna ? s'inquiéta-t-elle d'emblée.

- Passe ta commande et j'te raconte.

- Ok.

Elle se dirigea vers le bar et revint avec une demi-pinte.

- Alors ?

- Alors, ça va. Mais bon, Jenna, là, on dirait une serpillière. Ou une loque. Elle est vidée, elle pleure encore tout le temps. Paraît qu'c'est la faute aux hormones. J'pense qu'elle est surtout très soulagée et qu'elle a été tellement inquiète que là, y'a plus d'freins. Elle relâche tout.

- Et Lynn ?

- Il tient le coup. Faut bien qu'y'en ait un qui soit solide, dans ces cas-là. On a passé un moment avec lui, Stair, Treddy et moi, y'a deux jours. Jenna dormait et on était resté un peu. Il a quand même les nerfs à fleur de peau. Mais ça va l'faire.

- Vous repartez quand pour la tournée ?

- Dès mardi. Prochains concerts en fin de semaine, deux soirs à Dublin. On part en Irlande d'abord, puis on revient en Ecosse, Edimbourg et Glasgow, et ensuite l'Angleterre. Pas trop de dates en tout, ça va le faire. Et Lynn pourra revenir à Glasgow assez facilement entre deux dates, à plusieurs reprises. Gordon est déjà en train de lui caler des vols ou de lui réserver des billets de train.

- Bon, ça s'arrange assez bien alors...

- Ouaip...

Nous bûmes quelques gorgées. Loren était un peu pensive. Puis elle eut un léger sourire et me dit :

- Tu crois que les cuisiniers qu'on a rencontrés à Fort William seront dans le public à Glasgow ?

- Ce serait cool. Tu m'fais penser... J'leur f'rai un mot avant. Puis s'ils veulent des places, j'leur en envoie...

- Je suis certaine que ça leur ferait plaisir.

- Ouaip, t'as raison. J'y pensais pas. Et j'aurai p'têt' droit à une dégustation d'autres whiskys la prochaine fois que je passerai chez eux.

- Tu penses repartir sur les routes ?

- A la fin de la tournée, certainement. Enfin, j'irai pas trop loin, car Jenna accouchera en juin et j'veux être là avec eux.

- C'est normal, me fit-elle.

A cet instant, elle glissa sa main vers moi et prit la mienne, enlaçant tendrement ses doigts aux miens. C'était déjà toute une promesse. Je lui souris.

- Et toi ? Alors, ça va ?

- Oui, bien. Le projet que je mène actuellement est vraiment intéressant. J'ai pu faire un petit break à l'automne et partir avec deux copines dans le Devon. On a fait de la randonnée, c'était chouette. Les couleurs automnales étaient là, il a fait assez beau en plus, on a eu de la chance. Depuis, je suis à fond sur ce projet, mais ça se passe bien.

- Chuis content qu'on puisse se voir ce week-end, fis-je. Moi aussi j'avais besoin d'un break. Ca te dit qu'on se mange un morceau ? J'ai juste grignoté à midi et je commence à avoir faim...

On quitta alors le pub pour se rendre dans un autre que Loren connaissait bien et qui n'était pas trop loin de chez elle. On y mangea dans une ambiance un peu feutrée, calme. Presque trop calme pour moi. J'avais perdu l'habitude des pubs anglais policés et je préférais nettement l'ambiance en Irlande ou en Ecosse, avec des musiciens, des familles. C'était plus convivial, plus chaleureux. On ne s'attarda pas et on gagna son appartement en début de soirée. La nuit était tombée, on eut même droit à un petit crachin. Il faisait moins froid qu'à Glasgow, mais beaucoup plus qu'en Australie. Pas grave, j'allais faire remonter les températures dans l'appart' de Loren.

**

Et pour les faire bien remonter, je les fis bien remonter. A peine nous franchîmes la porte de son appartement - vraiment sympa, au demeurant, mais ce n'était pas du tout ce qui m'intéressait de prime abord -, à peine mon sac posé à terre, que je l'enlaçai et l'embrassai avec ardeur. Elle me répondit aussitôt, sur le même ton, mais fut plus rapide que moi pour attaquer notre déshabillage, ouvrant d'un geste sûr la fermeture éclair de mon blouson et glissant directement ses mains sous mon t-shirt.

Bon dieu que c'était bon ! Même si elles étaient encore un peu fraîches, elles étaient douces et comme un baume sur ma peau brûlante. Je la plaquai contre moi, posant une main sur sa nuque et l'autre sur ses reins pour prolonger encore notre baiser. Puis nos vêtements volèrent à travers la pièce et elle me poussa vers le canapé.

Déjà presque à bout de souffle, elle s'assit sur moi. Nos visages étaient très proches, ses yeux, magnifiques, brillaient d'un feu animal. Mes mains redécouvraient la douceur de sa peau et mon corps redécouvrait le sien. Je gémis son prénom alors que ses caresses me faisaient chavirer. Mais j'avais bien l'intention de la faire chavirer elle aussi, et, voulant à peine calmer le rythme déjà fou que notre désir nous imposait, je plongeai vers sa poitrine aux pointes tendues. Sa plainte fut un chant doux à mes oreilles et ses cris me mirent au supplice. Même si nous ne nous étions pas vus depuis des mois, nous n'avions besoin d'aucun moment pour nous réhabituer l'un à l'autre. Et c'était tout simplement divin, presque magique.

Son plaisir m'inonda et je la serrai fort contre moi pour la rejoindre. Nous demeurâmes, là, les yeux fermés, le souffle court, reprenant pas à pas, seconde après seconde, conscience de la réalité. Puis elle s'écarta légèrement de moi, juste pour me fixer, et sourit. D'un sourire simple et lumineux, pas du tout aguicheur, comme tous ceux auxquels j'avais eu droit au cours de la tournée.

- Bienvenue à Newcastle, Snoog, me dit-elle avec autant de simplicité dans la voix que dans le sourire.

J'en éclatai alors de rire. Et ce fut comme si les inquiétudes des derniers jours se trouvaient ainsi balayées par un vent léger et frais, presque printanier. Oui, vraiment, j'avais bien fait de venir la voir.

**

Je repartis ce lundi-là, en fin de matinée. Loren me raccompagna à la gare, me souhaitant de bien profiter de la fin de la tournée, me demandant de lui donner des nouvelles régulièrement. Je lui promis de lui faire parvenir son billet VIP pour Wembley. Dans le train qui me ramenait à Glasgow, je me fis la réflexion que j'avais bien fait de venir à Newcastle, même si je n'avais rien vu de la ville alors que j'avais pensé profiter de cette escapade pour que Loren puisse me la faire découvrir. Après tout, c'était la ville où elle avait grandi, elle la connaissait bien et je savais qu'elle serait capable d'étancher ma soif de curiosité et de répondre à nombre de mes questions sur son histoire, son architecture, etc...

Mais nous avions étanché d'autres soifs, d'autres faims aussi. Si je n'avais pas visité la ville, en revanche, nous avions baptisé les quatre pièces de son appartement. Je ne pensais pas avoir oublié grand-chose comme endroits propices. Que ce soit son petit sofa, la table basse du coin salon, le mini plan de travail de sa cuisine, la salle de bain (plusieurs fois, la salle de bain). Et sa chambre, bien entendu. Un peu plus et on aurait pu tenter de mettre en pratique le kama-sutrâ sur deux jours. Ca aurait été un beau défi et, à mon avis, elle aurait pas dit non.

Moi, en tout cas, je repartais, chargé à bloc. Les inquiétudes pour Jenna et Lynn avaient repris une place normale. Loren m'avait remis les idées en ordre. Et je me sentais plein d'énergie et d'envies pour la fin de la tournée. On allait dépasser cette épreuve comme on avait finalement réussi à le faire pour l'accident de Ruggy : avec volonté, rage et puissance. On allait allumer le feu.

Et Wembley serait l'apogée.

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