Chapitre 23 : Loren et Snoog
Loren
- Elle est magnifique ! C'est la plus belle du monde !, s'exclama Jim.
J'étais épuisée, mais heureuse comme jamais je ne l'avais été. Contre mon flanc reposait ma fille, April. Nous lui avions choisi ce prénom car nous l'avions conçue au printemps, à mon retour de Glasgow. Sans doute que mon escapade là-bas m'avait permis de dénouer certaines tensions, peut-être aussi de faire sauter certains blocages psychologiques, toujours était-il que j'avais eu très vite confirmation que j'étais enceinte, quelques semaines après. Le médecin qui me suivait m'avait dit que cela arrivait. Les futures mamans se mettaient inconsciemment tellement de pression que cela pouvait empêcher l'ovulation ou même la fécondation.
Elle avait déjà un fin duvet blond, comme Jim. Je songeai qu'elle ne serait certainement pas brune comme moi, mais il était encore bien trop tôt pour savoir si elle hériterait de mes yeux verts ou des yeux bleus de Jim.
Ma grossesse n'avait pas été facile, j'étais soulagée d'avoir pu la mener à terme. Jim avait été aux petits soins. J'avais tenu bon, car c'était quand même inespéré, et je songeai que j'allais pouvoir oublier bien vite les longs mois de traitement et toutes les conséquences, sauf une, ce bébé endormi contre mon sein.
Snoog
Je refermai soigneusement l'enveloppe. A l'intérieur, notre dernier album, Dreams for ever, que j'envoyais à Loren avec une dédicace spéciale. L'album était sorti pile le jour de la naissance de sa fille, je trouvais que c'était un heureux hasard. Elle m'avait annoncé la nouvelle à son retour de la clinique, j'étais franchement content pour elle. Elle méritait bien d'avoir ce joli petit bébé.
Après la création du label, on s'était plongé dans le travail, pour écrire ce nouveau disque. On était tous très enthousiastes. Ecrire les textes avait coulé de source pour Lynn et moi. Treddy et Stair avaient été des plus créatifs pour les mélodies et les arrangements. On avait fait un vrai travail de groupe et j'en étais très heureux.
Sur cet album se trouvait, entre autres, la chanson que j'avais écrite pour Thilia et qui avait bien ému Jenna. Lynn m'avait simplement dit qu'il n'y avait que moi pour écrire ce genre de conneries. N'empêche qu'il n'avait pas été le dernier à vouloir la mettre en boîte et à la graver sur le disque. Elle avait même été la première que nous avions enregistrée dans sa version définitive.
Rien n'm'a jamais mis à genoux
Petite, tu réussis cet exploit,
Quand j'te r'garde, qu'j'te vois,
Mon coeur d'pirate se noue
Mais qu'une larme coule sur ta joue
Je perds alors tout mon pouvoir
Mais ton sourire se fait si doux
Qu'il me redonne de l'espoir
Dans tes yeux noirs
Tant d'espérance
Dans tes yeux noirs
Aucun silence
T'es la seule fille qui m'emprisonne
Sacrée gamine ! Et me sermonne
Je peux rien dire, tu as raison
Car dans la vie, chuis polisson
Tes p'tites menottes autour de mes poignets
C'est pas une breloque, c'est bien serré
Un seul de tes regards me met à terre
Te v'là au centre d'mon univers
Dans tes yeux noirs
Tant d'espérance
Dans tes yeux noirs
Aucun silence
Tu chantes déjà comme le vent
Comme une caresse sur un printemps
Toutes les saisons s'offrent à ta vie
Toutes les couleurs pour toi aussi
Tu tiens le monde entre tes mains
Et d'un regard, tu nous étreins
Tu sais déjà qu'la vraie richesse
C'est celle du cœur, jolie princesse
Dans tes yeux noirs
Tant d'espérance
Dans tes yeux noirs
Aucun silence
Et si jamais t'es en danger
Je serai là, moi, ton chevalier
Des poings, du r'gard, des mots
Je pourfendrai tous les salauds
Qui t'f'ront du mal, qui t'f'ront pleurer
Pas de ces larmes pour toi, bébé
J'veux t'voir sourire, j'veux t'voir grandir
Pour embellir notre avenir
Dans tes yeux noirs
Tant d'espérance
Dans tes yeux noirs
Aucun silence
Un jour, c'est sûr, tu partiras
Un cœur d'grand nigaud tu aim'ras
L'a pas intérêt à t'faire souffrir
Sinon, ch'rai là pour le punir
T'as un père et puis trois crétins
Qui veillent sur toi, petite princesse
Mais c'est sûr qu'le plus zinzin
C'est moi pour toi, Enchanteresse
Dans tes yeux noirs
Tant d'espérance
Dans tes yeux noirs
Aucun silence
Je jetai un regard à la photo sur l'écran de mon téléphone. Loren et April étaient attendrissantes au possible toutes les deux et je revoyais encore Jenna et Thilia, ou Ally et Steve, quelques jours après la naissance, quand on avait pu leur rendre une petite visite sans les déranger. April était un magnifique prénom qui sentait bon le printemps et quand je pensais à elle, j'avais à l'esprit les couleurs éclatantes de cette saison sur les bords du Loch Lomond. Peut-être qu'un jour, je m'inspirerais d'April pour écrire une autre chanson pour une petite fille. Ma foi, cette idée n'était pas déplaisante.
Ce disque, c'était mon petit cadeau pour la naissance. J'aurais été bien incapable de lui envoyer autre chose. Je l'avais dédicacé d'un "Pour Loren et April, qu'il y ait des sourires tous les jours de votre vie".
J'ignorais à quelle occasion je les verrais et ferais connaissance avec la petite. Maintenant que Loren avait une vraie vie de famille, de toute façon, ça deviendrait beaucoup plus compliqué... Mais au mieux, pas avant plusieurs mois puisque nous allions repartir en tournée. Une mondiale, forcément, un peu similaire à la précédente, même si nous ne passerions pas par les mêmes endroits, les mêmes villes. L'organisation de cette tournée était très différente aussi : déjà, nous avions quitté la maison de disques, embarquant Gordon avec nous pour monter notre propre staff. Il avait fallu recruter toute une équipe. Cela avait pris du temps, sans compter les semaines passées à l'enregistrement et à la promotion de l'album. C'était beaucoup plus de travail pour nous tous désormais. Mais nous étions aussi plus maîtres de ce que nous voulions faire.
Ensuite, nous voyagerions "en famille". Mes trois comparses venaient avec femmes et enfants, sauf Treddy qui ne pourrait pas emmener sa fille avec lui, évidemment. Mais Edna serait là. Elle me faisait bien rire, elle. Son innocence, sa capacité d'émerveillement étaient à la fois touchantes et amusantes. Moi, bien entendu, je partais en solo. Mais je serais très certainement bien occupé et peut-être plus que mes copains.
Partir ainsi avec deux tout jeunes enfants changeait un peu les choses. Il fallait être vigilant sur certaines questions et notamment, dans certains pays, par rapport à des vaccins ou des autorisations de séjour, les visas, la paperasse, quoi. Heureusement que dans l'équipe, Gordon avait recruté des gens très efficaces. Et même si cela avait parfois pris un peu de temps, tout était quasiment bouclé.
Nous allions pouvoir reprendre la route, remonter sur scène. J'en étais vraiment impatient.
Je devrais même dire que j'étais très impatient de repartir en tournée.
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