Chapitre 42 : Snoog
Le taxi s'arrêta devant la porte du terminal 2 de l'aéroport de Dublin. Un autre suivait avec deux gardes du corps. On était arrivé le matin-même, avec les bus de la tournée. Cet après-midi, je devais récupérer mes deux perles, venues me rejoindre pour quelques jours dans la capitale irlandaise. Nous donnerions deux concerts à Dublin et avions prévu de rester cinq jours ici. Puis ce serait le retour en Angleterre pour achever vraiment la tournée.
Il me tardait d'en arriver au bout et je n'étais pas le seul : pour nous tous, ça commençait à faire très long d'être ainsi tout le temps en déplacement. Les gamins avaient besoin de se poser aussi. Cette deuxième tournée mondiale était encore plus longue que la première, plus d'un an et demi. Ce serait une expérience profitable : à l'avenir, on essayerait de faire au moins un break d'un bon mois entre les dates en Europe et celles dans le reste du monde, c'était ce que nous en avions conclu.
Je n'étais pas fâché non plus de terminer les concerts irlandais à Dublin. J'adorais cette ville, ce pays. Je m'y sentais aussi bien qu'en Ecosse. La première date, à Belfast, avait été difficile. J'avais encore en tête l'atmosphère plus que tendue qui régnait dans la capitale nord-irlandaise et je n'aurais pas voulu que Loren et April m'y rejoignent. C'était d'ailleurs le seul concert auquel aucune des filles n'avait assisté : elles étaient restées toutes les trois à l'hôtel, avec les galoupiots. Ni Lynn, ni Stair, ni Treddy n'avaient voulu qu'elles risquent de se retrouver prises à partie. Et Gordon et moi étions bien du même avis.
J'aimais les Irlandais, c'étaient des gens accueillants, chaleureux. Ils aimaient la musique, ils avaient du courage, aussi. J'aurais aimé la paix, enfin, pour eux tous. Mais les cartes étaient à nouveau brouillées et je me demandais bien ce qu'il sortirait de tout cela. En tant qu'artistes, nous ne pouvions qu'encourager certaines décisions, certains choix et rappeler certaines réalités. Pas faire à la place des gens.
Suivi des deux gardes du corps, j'entrai dans le hall. Il n'y avait pas trop de monde et j'espérais ne pas être assailli par des hordes de groupies. Mais personne ne se doutait que je me rendrais cet après-midi-là à l'aéroport et nous avions pu quitter l'hôtel très discrètement. Nous avions calculé, le chauffeur de taxi et moi, pour arriver juste au moment de l'atterrissage afin de ne pas demeurer dans le hall plus que nécessaire. Loren, de toute façon, n'avait pas de bagages en soute, elle s'était débrouillée pour tout emporter en cabine. D'autant que, comme nous avions envisagé qu'elles me rejoindraient ponctuellement, j'avais mis dans mes propres bagages quelques affaires pour elle et la louloute, histoire de leur faciliter les déplacements.
Je jetai un œil aux panneaux lumineux. L'avion en provenance d'Edimbourg était annoncé pour dans moins de cinq minutes. Impeccable. Nous étions bien raccord. Je jetai un regard à la ronde, quelques passagers s'engageaient vers l'enregistrement sur la droite, deux files se formaient. Sur ma gauche, mais bien plus loin, se trouvaient les tapis roulants des bagages. Du coin de l'œil, je vis quatre jeunes d'environ vingt-cinq ans qui discutaient de façon assez enthousiaste. L'un tapa l'épaule de l'autre, un deuxième donna un coup de coude. Puis ils regardèrent dans ma direction, deux fois de suite. Ok, j'étais repéré. Mais bon, des fans, ça allait. Néanmoins, je ne bougeai pas, même si j'avais compris leur petit manège.
Ils se décidèrent finalement à venir vers moi et l'un des plus audacieux prit la parole :
- Dites... Vous seriez pas Snoog, le chanteur des Dark Angels ?
- Bien vu, les gars. Vous êtes des fans ?
- Ouais. On peut vous demander un autographe ?
- Ca marche... Vous êtes Irlandais ?
- Yep. Dublinois et Conors, là, il est de Galway.
- Chouette ville que Galway.
- J'aurais pu vous voir là-bas, mais je préférais venir à Dublin, avec mes potes.
Je pris les papiers qu'ils me tendaient, les uns après les autres et signai, tout en discutant. J'aimais ces rencontres un peu imprévues, simples.
- Vous assisterez à quel concert ?
- Le deuxième, répondit celui qui avait parlé en premier.
- La fosse ou les gradins ? fis-je un peu pour les provoquer.
- La fosse, bien sûr ! lancèrent-ils tous en chœur.
Je souris. Puis je vis les premiers passagers du vol d'Edimbourg se diriger vers les tapis roulants. Loren n'allait pas tarder, d'autant que je lui avais pris un billet en classe de luxe, qu'elle soit bien installée avec la petite. Alors que je signais le dernier autographe, mon attention fut captée par la belle brune portant ma perle blonde qui franchissait le dernier point de contrôle.
- Salut les gars, fis-je en leur rendant papiers et stylo. Profitez bien du concert et du séjour à Dublin ! Y'a des pubs sympas...
- Ouais, merci !
Et je me détachai du petit groupe pour m'avancer vers Loren. Je sentis leurs regards, un peu curieux. Le visage de Loren s'éclaira d'un sourire en me voyant m'approcher et elle murmura quelques mots à l'oreille d'April. Celle-ci tourna la tête, tendit aussitôt les bras en me reconnaissant, puis glissa jusqu'au sol pour courir vers moi. Je m'accroupis et l'attrapai au vol, la soulevant et la faisant sauter pour la récupérer dans mes bras.
- Papa ! Papa !
Et elle éclata de rire avant de jeter ses petits bras potelés autour de mon cou. Je la serrai fort contre moi, heureux comme un fou de la retrouver. Puis j'enlaçai sa mère, passant mon bras libre autour de ses reins et la rapprochant de nous, créant ainsi cette bulle pour nous trois. Je l'embrassai, puis les entraînai rapidement vers la sortie.
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