J'ai été réveillé soudainement au petit matin. Les rayons naissants du soleil lèchent timidement l'horizon quand mon père me dépose chez ma tante. Je ne comprends pas ce qui se passe, même si mes parents me l'ont plusieurs fois expliqué.

Alors nous t’emmènerons chez ta tante et elle s'occupera de toi jusqu'à ce que je puisse revenir te chercher. Tu seras sage et obéissant d'accord ?

Mon père me jette dans les bras de Tante Muriel, lui adressant quelques mots. J'entends le moteur redémarrer en trombe dans la rue et mes yeux, de sommeil, se referment.

Je m'éveille à nouveau. La tête perdue dans un amas de coussins moelleux, une couverture remontée jusqu'au menton. Je regarde les dessins animés pendant que Tante Muriel prépare le petit-déjeuner. Des effluves de pain chaud titillent mes narines et m'ouvre l'appétit.

Toute la journée le téléphone sonne, quand il ne sonne pas, c'est Tante Muriel qui passe un appel.

Pendant que je dirige mon tyrannosaure en plastique vers une foule de Playmobil apeurés, elle est au téléphone.

Pendant que je dessine sur une feuille blanche presque aussi grande que moi, elle est au téléphone.

Pendant qu'assis sur le perron, attendant le retour de mon père, j'imagine les habitants des nuages qui ont les yeux rivés sur moi, elle est au téléphone.

Des bribes de conversations, je ne comprends pas grand chose.

J'entends.

Le travail a commencé depuis des heures.

Ils parlent d'une péridurale maintenant.

Tante Muriel me met au lit tôt après quelques pages de lectures. Toute la nuit, je fais des cauchemars.

Jérôme, 2.9 kg, né à 2h33

Papa est venu me chercher. Nous sommes allés te voir à la maternité. Notre mère te tenais dans ses bras, tu avais la tête recouverte d'un minuscule bonnet de laine, reposant délicatement sur son sein.

J'ai fouillé la pièce du regard durant quelques minutes.

Qu'est-ce que tu cherches comme ça ? a demandé Papa.

Rien. J'ai répondu rien et je t'ai observé.

Où était donc le corps inerte de cette sœur qui aurait du arriver avec toi ?