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Le coup a été fort. Très fort.
Il y a eu un craquement, son crâne peut-être, puis elle s'est effondrée sans même un râle.
Je regarde son corps inerte un instant. Ma vision est trouble, mon souffle rapide.
Je lâche mon arme improvisée et monte les marches deux à deux jusqu'à l'étage.
Ta chambre est toujours la même depuis mon départ. Deuxième porte à droite. Cette porte qui grince toujours quand on la pousse. Tu me réveillais chaque nuit lorsque tu allais aux toilettes.
J'entre. La pièce est baignée dans le noir. Je cherche l'interrupteur à tâtons. Il glisse sous mes doigts, mais avant de l'actionner je veux te rassurer.
Jérôme, c'est moi Antoine. Ton frère. Ne t'inquiète pas.
J'allume.
Tu as remonté ta couverture jusqu'au front. Je m'assois à tes côtés et passe ma main dans tes cheveux ébouriffés.
Ne t'inquiète pas, c'est moi.
Doucement, tu tires la couverture et découvres tes yeux.
Notre premier regard, depuis trois ans.
Tu as tellement changé, tellement grandi. Tu n'es plus le bébé que j'ai quitté. Quitté de force. Tu es un grand garçon maintenant. Un garçon qui ne mérite pas de vivre ici. Avec elle.
Les larmes me montent aux yeux. Je les retiens. Je ne dois pas craquer. Pas devant toi.
Habille-toi maintenant, nous partons en voyage !
Je souris.
Je t'attends à la porte.
Deux minutes plus tard, le regard inquiet, tu sors de ta chambre.
Je pose un genou au sol pour me mettre à ta hauteur.
Je vais te prendre dans mes bras jusqu'à dehors et tu dois me faire une promesse. La promesse de fermer les yeux fort, aussi fort que tu peux jusqu'à ce que je te dise de les rouvrir. D'accord ?
Tu acquiesces silencieusement. Alors je te prends dans mes bras et nous descendons les marches, une à une.
Tu gardes les yeux fermés hein ?
J'enjambe délicatement le corps de notre mère. Une immense mare de sang visqueuse s'est formée autour de son crâne.
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