On va prendre une grande inspiration. Aussi fort que tu le peux. Et comme deux pierres jetées à la surface, on va se laisser couler, de tout notre poids. Sous l'eau c'est un autre monde, tu verras. Un monde qui n'appartient qu'à nous.

Le lac.

Nous disparaissons doucement sous la surface. Délicatement.

Tu agrippes d'abord fermement mes mains.

Quand tu me sembles rassuré, je danse.

Je tourbillonne autour de toi. Mes cuisses se frottent aux tiennes, ma tête cogne la tienne, mon ventre masse le tien dans cet espace de liberté infinie.

Je sens que tu veux remonter mais je te maintiens sous l'eau.

Je tournoie dans les fluides. Je virevolte autour de toi.

Grâce au fil invisible de nos cordons, nous sommes inséparables.

Je tiens ta tête entre mes mains et je calme le battement de mes pieds pour rester encore un peu immergé. Juste un peu. Quelques minutes.

Tu t'agites. Tu relâches ton air. Une cascade de bulles s'expulse de ta bouche. Tu hurles mais le son est étouffé.

Doucement tu te calmes, ton corps ne résiste plus.

Tes yeux se ferment.

Alors seulement je remonte à la surface. Je fends l'étendue calme du lac, le contact soudain avec l'air me provoque un frisson.

Ton corps flotte à mes côtés.

Je te ramène, de toute ton inertie, jusqu'à la rive.

Je t'installe délicatement dans le coffre et te couvre avec une veille housse de siège que j'ai dénichée.

Je regarde mon poignet. Nos bracelets imaginaires se sont brisés.

Tu resteras silencieux désormais.

 À tout jamais.