Le mot du jour

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Je m’installe à table devant un alléchant en-cas, une pile géante de pancakes aux myrtilles à s’en lécher les babines. Une large rasade de sirop d’érable du Canada dégouline le long du monticule et se répand dans l’assiette.

Prendre un petit-déjeuner sur la terrasse ensoleillée d’un bungalow au bord de la plage est un véritable bonheur. Auréolées des roses et des ors du soleil nouveau, des mouettes dansent autour d’un crevettier. A la lisière de l’horizon, quelques dauphins batifolent dans l’eau. Je déguste mon agréable collation les yeux perdus dans ce décor féérique.

Une voix vibrante de colère me tire de ma rêverie.

- Vous avez vu ce qu’ils ont fait ?

Thomas, mon voisin gendarme et féru d’écologie semble de très mauvaise humeur. Non content de jeter leurs déchets sur la plage, les fêtards ont complément dépouillé de ses feuilles une magnifique herbe de Saint-Fiacre. Je réprime une envie de fou-rire pendant qu’il fulmine devant sa plante dévastée tant son courroux lui donne une étrange tête de gargouille. De dépit, il met un grand coup de pied dans le pot de l’héliotrope oubliant momentanément qu’il l’a fait couler dans du béton une semaine auparavant. Instantanément, son visage se fige en une image de douleur et de surprise. Ecœuré, il abandonne le combat et rentre chez lui soigner ses orteils meurtris. Une fleur jaune, dernier vestige du défunt arbuste, tombe délicatement de son képi.

Je retourne à mon repas et racle goulûment les restes de sirop d’érable en faisant apparaitre l’étrange motif sur mon assiette. A quoi pouvait donc bien penser ma mère en me les achetant. Un limule, c’est un choix vraiment bizarre pour décorer de la vaisselle. Ma sœur, Sophie, s’est même moquée de moi en m’offrant une manique ressemblant au singulier animal.

Juste au moment où je pense à elle, je reçois une notification de sa part. Elle visite une foire médiévale et assiste à un spectacle d’oiseaux de proie. Heureuse, elle a pu faire une photo avec une chouette, son animal nyctalope préféré. Avec elle, son ouvrier de mari pose tout gaillard avec une pelisse assez mal choisie.

Les clichés de l’excursion défilent. La kermesse semble intéressante, si on ignore les quatre romains en armure totalement anachronique. Là, Sophie se pavane en robe de paysanne, sur la suivante son époux porte une couronne de souverain. Je like certaines photos et en commente quelques autres. Fini les réseaux sociaux pour ce matin, il est temps de réveiller ma chère et tendre avant d'aller au travail.

Après avoir poussé les couvertures en un petit talus au pied du lit, elle repose paisiblement en chien de fusil. Elle est belle avec son univers de taches de rousseur et ses mèches folles en forme de virgules. Sur son t-shirt, un wallaby bigarré ondule pendant qu'elle s'étire.

Elle ouvre un œil et déjà prête pour notre jeu matinal, elle me fait un sourire malicieux.

- Prêt ? - Prêt !

Elle saute hors du lit et se plante devant moi l'air mutin.

- Alors notre mot du jour sera...

Elle dépose un rapide baisé au coin de mes lèvres.

-… xénophobie ! Les règles restent inchangées : tu dois réussir à le placer naturellement dans une conversation et sans l'orienter.
- Tu me gâte trop.
Je l'embrasse longuement et lui souhaite une agréable journée.

Elle enfile un pantalon de yoga vert pomme et se retourne vers moi un peu embarrassée.
- Essaie quand même de ne pas mettre la zizanie avec un tel sujet. Bonne journée, je t'aime.

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