Je me fais un chemin à travers la masse, à la fois inerte et vivante, des gens autour de moi. Une vague me submerge, m’entraînant en son sein, en son rythme. Je ne me débats pas, cela ne me servirait pas. Je le sais tellement. Je la suis, je la vis, je trouve une échappatoire. Je fonce, fendant à nouveau ces dizaines de badauds attroupés ici bas. J'en fais partie. Un monde différent, si loin du sien. Je ne veux pas, Je n'en veux plus. Je me précipite, combattant avec ferveur afin de me différencier, de me dissocier, de ce monde dont je n'accepte plus les codes. Ce sentiment, étouffant, rafraîchissant, les deux à la fois, s'enroule autour de moi sans que je puisse rien. Il ne me tire pas au sommet, il ne me retient pas non plus. Il m'est propre, s’abattant sur mon être comme un froid silence réchauffant mon âme. Je continue n’ayant aucune raison, aucune volonté de m’arrêter ici. Je grimpe les marches. Le guitariste manque son riff, un larsen, puis s’arrête. Je m’approche, désormais au centre de l’attention de ce monde normalement si automatisé. Ils ne comprennent pas, me dévisagent.

Comment une telle chose peut-elle se produire ? Est-elle folle ? Elle n’est pas normale, c’est certain !

Qu’il m’écœure, ce concept de normalité dont ils sont si friands ! Ces prérequis dont ils vous rabattent les oreilles dans le but de vous convertir à leur vision de la société. Et pourtant ! Même si vous les suivez, aveuglément, jamais vous ne ferez partie de leur univers. Jamais totalement.

Alors, à quoi bon ? Quelle foutue satisfaction tirerez-vous de ce bordel ? Aucune. Ça ne sert à rien.

Ce sont ces pensées qui me mène ici, au centre de la scène, à défier deux mondes, celui dont je ne fait pas partie, et celui dont je ne peux pas être.

Le chanteur me dévisage. Il comprend, je le vois dans ses yeux. Il attrape la strat’ qui patientait sur son trépied et me la tend. Je l’accepte, et compose enfin mon propre hymne, mon propre univers, ma propre vision, aux yeux de celle qui ne m’acceptera jamais telle je suis.