9 – Pseudo : HM - Le colis -- Auteur incipit : OD'UN - Auteur texte : Aude Vesselle
"Chopin piano
Puis Liszt la partition aux étourneaux
Tu as la tabatière, alors passes à tabac le Bach
Comme une Beethoven qui a la niaque
Parfois s'éteind Debussy, Omar
C'est que ça manque de Schubert et d'un marc
Et alors, soit le Brahms sert un Schumann
Soit tu Tchaïkovski à Courchevelles avec Cézanne."
Depuis une dizaine de minutes, monsieur Henry s’appliquait à lire et relire ces quelques lignes manuscrites griffonnées sur un bout de papier froissé, reçu dans sa boite à lettres en même temps que son courrier.
Quatre fautes d’orthographe, c’est au moins quatre de trop, songeait monsieur Henry, lequel se souvenait que dans sa jeunesse, il projetait de devenir instituteur.
Un instant, il imagina que l’auteur de ce billet les avait commises volontairement. Peut-être pour retenir davantage l’attention de tous les destinataires qui allaient s’attacher à résoudre l’énigme et repérer les jeux de mots qu’il contenait.
Il en était là de ses réflexions, lorsqu’en ce 21 novembre 2008 on toqua à sa porte.
« Un colis pour vous m’sieur ! » annonça le livreur, le ton enjoué, avant de repartir aussitôt sans même attendre un éventuel pourboire.
Le paquet voyagea de l’entrée à la cuisine, en passant par un long couloir. Une fois posé sur la table en formica, l’homme le considéra quelques instants.
Collée sur l’un des côtés, une étiquette, blanche, sur laquelle étaient inscrits deux mots écrits à la main, au feutre bleu : Ma Vie.
Après avoir désenveloppé le carton de son papier kraft, il trancha d’un coup de cutter le scotch qui le maintenait fermé et le vida de son contenu.
« C’est moi qui ai commandé ça ? » demanda l’homme à voix haute. Question qu’il répéta une deuxième fois, moins fort, puis une troisième dans un murmure et en se grattant la tête.
Quelqu’un avait déposé sa vie chez lui et il ignorait qui. Mais s’agissait-il de la vie de l’expéditeur ou de la sienne ?
L’homme fouilla à présent dans la boite, comme un chien creuse un trou pour déterrer son os enfoui la veille. Mis à part quelques dépliants publicitaires et une notice d’emploi, des indices ou réponses il n’en trouva point.
Perplexe, il rapprocha une chaise de la table, s’y installa et se mit à examiner l’objet reçu dans les moindres détails.
Longtemps.
Une heure durant, et même plus.
Jusqu’au moment où son visage et son corps s’animèrent.
Il y avait les lettres sur la marguerite, le bruit mécanique du cylindre, la feuille de papier qu’il venait d’insérer dans le chariot.
En cadence, index droit et index gauche commencèrent à frapper les touches.
Onze jours et dix nuits, c’était le temps qu’il restait à Henry Gustav Molaison, dit HM, pour se rappeler sa vie, avant qu’il ne devienne amnésique.
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