Incompréhension
Mon réveil est douloureux. Ma bouche est sèche et pâteuse, mes paupières ne veulent plus m'obéir et mon crâne me semble si lourd. J'aimerais tellement rester au lit, me rendormir, et pourquoi pas jusqu'à demain ? Mais quelle idée j'ai eu de promettre à ma mère que je serai présente ce midi afin de venir souhaiter la bonne année à toute la famille. Et quelle idée aussi de m'infliger une murge pareille pour ce réveillon ?
Ce n'est pourtant pas mon état vaseux qui me préoccupe le plus en cette matinée. Mes souvenirs se réveillent. Je regrette déjà de ne pas avoir pris le ou les verres supplémentaires qui m'auraient sans doute offert une amnésie de cette soirée.
Assise sur mon lit, je frotte ma main droite sur mon visage en me répétant "Mais quelle conne !". Je dois me lever, je dois être partie dans moins d'une heure, je ne peux pas faire l'enfant et rester cachée dans ma chambre pour ne plus jamais oser en sortir. J'espère seulement que Julien puisse dormir encore profondément, je n'ai pas envie d'avoir à affronter son regard ce matin. Je dois avoir les idées un peu plus claires avant d'avoir une discussion avec lui à propos de ce qu'il s'est passé hier soir.
Je me lève sans faire de bruit. Je ne me sens pas très stable suite à cette trop courte nuit, j'ai des douleurs dans le ventre, de légères nausées aussi.
Je vais jusque dans le séjour, il est désert. Je n'ouvre pas les volets roulants pour éviter tout bruit capable de réveiller mon coloc, la lumière artificielle suffira amplement. J'aurais bien besoin d'une énorme tasse de café mais je n'ose pas mettre en route la cafetière non plus, elle est bien trop bruyante. Je me contente de me remplir un grand verre d'eau puis je me dirige vers le canapé afin de le boire assise confortablement. Avant de poser mes fesses sur le tissu, je ne peux que constater les dégâts de la veille, de nombreuses tâches de sperme sont venues souiller le gris clair des coussins. J'ai l'impression qu'un petit diable s'amuse à me rappeler ma bêtise alors que je n'ai pourtant qu'une envie, l'oublier, ne serait-ce qu'un court instant.
Le verre d'eau me fait du bien, je le vide rapidement. Je n'ai absolument pas faim. Moi qui dévore pourtant chaque matin un copieux petit-déjeuner, je sens que là, rien ne pourrait passer.
Je prends quelques minutes pour réfléchir à la situation. Je tente de faire l'état des lieux des événements récents et de leurs incidences. Ce sont des tas de questions qui viennent alors se bousculer dans ma tête. Comment va réagir Julien ? Comment va-t-il me voir dorénavant ? Est-ce que notre amitié va être bouleversée ? Et pourquoi j'ai pris un tel pied cette nuit ? Je n'ai pourtant jamais ressenti la moindre attirance physique envers lui depuis notre rencontre. Je suis perdue, sonnée, perturbée, au point où je ne m'aperçois même pas de l'arrivée de mon coloc dans la pièce.
- " Salut Cha ! "
Je sursaute, totalement surprise, avant de tourner mon regard dans sa direction. Il a des petits yeux fatigués, de jolies cernes et sa tignasse est complètement écrasée d'un côté. Il a tout simplement l'air ridicule mais il porte sur les lèvres un sourire serein, bien plus franc que celui que je me force à afficher.
- " Je t'ai fait peur ? "
Je lui réponds :
- " Salut Ju, non j'ai seulement été un peu surprise, j'étais sûrement encore à moitié endormie et je t'ai pas entendu arriver. "
Il s'approche de la cafetière en riant puis me répond, tout en préparant le café :
- " J'suis dans le pâté moi aussi, la journée va être dure ! "
Dure ? Ça y est, je deviens folle. Le simple fait de l'entendre prononcer ce mot et j'ai immédiatement l'image de sa queue en tête. Mes joues se mettent à chauffer, je dois réagir. Je reprends mon souffle, je ferme les yeux une petite seconde en répondant :
- " C'est clair, ça va être compliqué. "
Il n'a heureusement pas pu constater ma réaction disproportionnée au stimulus que fut ce simple mot. En terminant sa tâche, il se contente de me demander :
- " Tu vas prendre du café ? "
Je lui réponds :
- " Oh que oui ! "
Il se retourne vers moi en souriant, ses paupières se lèvent, marquant son étonnement et son amusement de me voir ainsi si impatiente de boire cette boisson que je délaisse habituellement pour un simple thé au citron. Il me dit :
- " Bon, je crois que je vais te faire un gros mug, t'en as besoin apparemment ! "
"Besoin", "gros", je disjoncte complètement… Et lui qui a l'air si paisible, si calme, tellement impassible, comment est-ce qu'il fait ? Je suis là, en train de me tourmenter et lui semble s'en foutre totalement, il fait comme si rien ne s'était passé hier soir. Et s'il ne s'en souvenait pas ? Et si l'excès d'alcool avait effacé ses souvenirs de cette torride fin de soirée ? Enfin un espoir…
Je me tords les neurones un instant en essayant de me souvenir si mon ami avait déjà eu des pertes de mémoires lors des autres soirées arrosées que nous avions pu passer ensemble. Tandis que je replonge dans mes vieux souvenirs, il me rejoint avec le plateau sur lequel il a posé nos deux mugs de café et quelques viennoiseries industrielles. Il dépose le tout sur la petite table et avant de s'asseoir, il me demande, après avoir baisé mon front comme il le fait chaque matin :
- " Tu vas chez tes parents ce midi, c'est ça ? "
Toujours plongée dans ma réflexion, je saisis ma tasse en répondant un simple :
- " Oui. "
Il s'assied à mes côtés, prend sa tasse en main et ajoute :
- " Je profiterai de ton absence pour nettoyer le canapé, il a morflé hier soir. Je dois utiliser quoi, d'après toi, pour retirer les taches ? "
En une intervention, il vient gommer mon faible espoir. Pire encore, il aborde sans la moindre gêne ce dommage collatéral de notre folle expérience. Son regard se fixe sur moi, il attend une réponse, mes joues rougissent rapidement. Je détourne le regard et j'essaie de répondre le plus calmement possible :
- " Il y a une bombe de nettoyant spéciale sous l'évier, t'as qu'à utiliser ça ! "
Julien se met à rire puis me répond :
- " Une bombe de nettoyant spéciale pour le sperme ? "
Mais quel idiot ! Et pourquoi il ose prononcer le mot "sperme" ? J'ai tellement envie de le baffer celui-là ! Agacée, je lui réponds :
- " Imbécile va ! Une bombe spéciale pour le canapé ! Tu l'agites, tu asperges les taches, tu laisses agir et sécher et tu passes un coup d'aspi quand c'est sexe ! "
Je rêve où je viens de prononcer le mot "sexe" ? C'est finalement pas d'un grand mug de café dont j'ai besoin mais d'une putain de thérapie. Et l'autre qui glousse à mes côtés…
- " Quand c'est sexe ? Et bien dis-moi, t'as vraiment pas assez dormi Chacha ! "
Je prends mon café, je préfère l'ignorer. Je le bois rapidement, peu importe si je me brûle un peu. Une fois ma tasse terminée, je me lève et je me dirige immédiatement vers la salle de bain en disant à mon insupportable coloc :
- " Je file sous la douche, je suis déjà en retard ! "
Ce à quoi il me répond, toujours aussi amusé :
- " Ça marche Cha ! "
Ma toilette me fait un bien immense. J'ai bêtement l'impression que l'eau qui s'écoule sur mon corps vient nettoyer mes bêtises. Je ne peux pourtant m'empêcher de réfléchir à nouveau aux événements récents. Même si je suis tourmentée par ce qui s'est passé, et c'est une évidence, il y a tout de même un point positif. Julien n'a pas l'air d'être affecté par notre aventure. J'espère pourtant qu'il ne considère cette folie que comme une erreur d'un soir, et qu'il n'espère évidemment pas que cela puisse se reproduire.
Et si j'essayais d'être comme lui, de réagir à sa manière et d'en rire plutôt que de me faire un sang d'encre ? Finalement, on a tué personne, on s'est seulement laissé submerger par des envies de sexe, on a seulement baisé, j'ai seulement joui comme jamais… Et si c'était ça le problème finalement dans toute cette histoire ? Peut-être que j'ai simplement pris un peu trop de plaisir et que c'est ça qui me perturbe.
Je sors de la douche, je me sèche rapidement et je file dans ma chambre couverte de mon drap de bain. Je m'habille rapidement. Pour ma famille, je n'ai aucun besoin d'être sexy. Un simple jean, t-shirt et pull-over noir feront l'affaire. Je me parfume légèrement et je me coiffe un minimum pour éviter la moindre remarque maternelle puis, je m'éclipse rapidement en saluant Julien.
…
Je déteste tellement ces formalités, cette ridicule tradition de se souhaiter bêtement la bonne année et les meilleurs voeux pour les 365 jours qui vont suivre. Nous savons tous que cela n'aura strictement aucune incidence sur notre destin, que je peux crever demain après avoir avalé un sushi de travers ou qu'un rendez-vous médical durant cette année pourra poser sur nos têtes une épée de Damoclès. Enfin bref, c'est la tradition et les vieux y tiennent beaucoup, autant éviter l'incident diplomatique et obéir sagement à ces satanées coutumes.
En arrivant chez mes parents, je suis donc sagement le protocole, en faisant les quatres sempiternelles bises à chacune des convives. Je commence par mes parents, puis mamie Angèle qui comme d'habitude, a oublié mon prénom. Suivent ensuite mon oncle Bernard, l'éternel vieux garçon et son regard de pervers, puis mon petit frère, Maxime, qui a des yeux encore plus fatigués que les miens. J'ose d'ailleurs le lui faire remarquer :
- " Oula, dure soirée Max ? "
Il me sourit puis me répond avec franchise mais discrètement :
- " Oui, j'ai un peu abusé hier soir ! "
Je suis ravie de l'entendre, je serais encore plus réjouie d'apprendre qu'il a baisé avec la mère de sa petite amie. C'est sûrement égoïste de ma part mais ça rendrait mes soucis plus anecdotiques que les siens ! Je ferme les yeux une seconde en essayant d'effacer ces pensées totalement loufoques et déplacées de mon crâne. Je frappe gentiment son épaule et je lui réponds :
- " On est deux, frérot, à avoir abusé ! Allez, on va à table, plus vite on aura commencé et plus vite ce sera terminé ! "
Il me lance un beau sourire fatigué, un sourire que je lui rends évidemment.
La suite n'est que la reproduction du repas de l'année précédente : Trop de nourriture, ma mère qui s'inquiète en constatant mon appétit de moineau, les éternelles et répétitives anecdotes comme celle de l'oncle Bernard qui s'est fait une grosse entorse lors du premier janvier 1982 après avoir glissé sur une plaque de verglas. Je n'ai absolument pas besoin de boire le moindre verre pour me sentir saoulée. C'est aussi le cas de Max qui dort quasiment sur la table tandis que ma mère amène avec un grand sourire une immense bûche calorique à la crème au beurre.
Il doit être dix-huit heures quand je quitte, soulagée, la maison familiale pour rentrer à l'appart. En ouvrant la porte, je distingue immédiatement Juju allongé sur le canapé, endormi devant la télé. Cette vision me donne le sourire, il paraît si paisible. J'essaie de faire un minimum de bruit. Il y a un peu de bazar mais j'essaie d'en faire abstraction.
Je me dirige vers ma chambre, j'allume l'ordi afin d'égayer un peu ma curiosité habituelle en surfant quelques minutes sur les réseaux sociaux. La répétitivité des publications m'achève, je pique rapidement du nez et je m'endors…
En me réveillant vers 20h00, une agréable odeur s'infiltre par mes narines. Je n'ai quasiment rien mangé ni ce matin, ni chez mes parents et cette odeur fumée d'oignons et lardons me met l'eau à la bouche. Je sors de la chambre et je rejoins le coin séjour. J'y trouve Julien en train de cuisiner, je l'interroge :
- " Coucou toi, qu'est ce que tu fais de bon ? "
Il me répond, avec son légendaire sourire sur les lèvres :
- " Salut, je t'ai même pas entendue rentrer. Heureusement que j'ai vu tes chaussures à l'entrée sinon tu m'aurais fait sursauter. Je fais des pâtes carbo, ça te dit ? "
Je lui souris et je lui réponds :
- " Évidemment que ça me dit, j'ai une faim de loup, ça sent trop bon. "
Il semble ravi de me voir aussi impatiente de déguster sa préparation. Julien n'a jamais rien eu d'un grand chef mais il se débrouille plutôt bien sur les grands classiques. Je profite qu'il achève ses cuissons pour mettre la table.
Quelques instants plus tard, tout est prêt. Il me demande de lui amener les assiettes qu'il prépare avec soin. Il n'oublie même pas le petit bout de persil au centre de l'assiette afin de la colorer et de la rendre plus appétissante encore.
Nous dévorons notre repas en échangeant sur notre journée. Il m'avoue avoir passé la plupart de son temps épuisé devant son pc et la télé, et que ses seuls échanges ont consisté à appeler ses parents afin de leur souhaiter de bons vœux pour cette nouvelle année. Julien est fils unique et ses parents habitent, depuis quelques années, à plus de 300 kilomètres d'ici. Il m'indique qu'il prévoit d'aller les voir et de passer une week-end en leur compagnie dans trois semaines. J'évoque ensuite ma propre journée, il ne peut s'empêcher de rire quand j'évoque le côté malsain de mon oncle. Dans cette ambiance détendue et une fois notre assiette terminée, je me décide à aborder le sujet de l'incident de la nuit dernière, je ressens ce besoin indescriptible d'avoir cette discussion, de tout mettre à plat :
- " Dis Ju, je tenais à m'excuser pour hier soir, j'avais beaucoup trop bu, j'aurais pas dû déraper comme ça. Ça me perturbe beaucoup ! "
Ses lèvres se déforment, son air devient plus sérieux mais il garde un petit sourire de coin pour me répondre :
- " Faux, ON avait trop bu, t'es pas la seule responsable de ce qui s'est passé. Ça m'a un peu travaillé aussi mais on peut essayer d'oublier ça. C'était rien de grave et c'est pas ça qui va venir changer quoi que ce soit entre nous non ? "
Ses mots me rassurent, j'avais tellement envie qu'il me confirme que cet incident n'allait en rien détruire notre si belle relation. Je lui réponds :
- " Merci, c'est tout ce que je voulais entendre, t'imagines pas à quel point je suis rassurée. "
Il sort alors son sourire coquin, celui qu'il utilise toujours quand il s'apprête à faire une blague puis ajoute :
- " Mais ne compte pas sur moi pour te rendre les cinq euros ! "
Il termine sa petite intervention par un petit clin d'oeil. Je ne peux m'empêcher de me lancer à mon tour dans une réponse humoristique :
- " Si ça te fait plaisir ! En tout cas, ça me dérangerait personnellement de savoir qu'une passe avec moi ne puisse coûter que cinq euros ! "
Il regarde sur la table et ne trouve que le bouchon de la bouteille d'eau qu'il saisit afin de le lancer dans ma direction avec un air faussement méchant, tout en répondant :
- " Vilaine fille va ! "
Notre discussion s'écarte ensuite de ce sujet sensible, nous évoquons la reprise imminente du boulot et l'organisation des prochaines journées avant de débarrasser la table puis, lessivés, nous allons nous coucher.
….
Quelques semaines ont passé depuis l'incident de la Saint Sylvestre, il n'y a eu aucune séquelle dans mon amitié avec Julien fort heureusement. Enfin… pour être plus précis, quasiment pas, car une petite chose a tout de même changé depuis ce fameux jour. En effet, il m'est arrivé à plusieurs reprises, lors de mes petites séances où je m'accorde un plaisir solo, d'utiliser le souvenir de ce moment en guise de motivation. C'est chaque fois déstabilisant et je ressens une honte énorme une fois l'orgasme digéré. Heureusement, ces pulsions restent secrètes et n'affectent en rien ma relation avec lui.
Je déteste cette journée, la Saint-Valentin. Elle me donne envie d'écouter "mon coeur, mon amour" d'Anaïs en boucle, hurler les paroles de cette chanson est comme un défouloir pour moi. J'ai l'impression de haïr ces couples qui se prévoient un petit resto et une charmante soirée d'amour et de câlins. Je les jalouse tellement, mais je trouve le prétexte de dire à mon entourage que je trouve cette fête bien trop commerciale pour justifier mon avis.
Bref, je suis partie énervée au boulot ce matin, et ce n'est pas les dernières traductions qu'on vient de me demander qui vont arranger les choses. Moi qui rêvais, quand j'ai choisi cette voie, de traduire de beaux romans d'auteurs américains ou anglais, on ne me donne finalement que des notices d'utilisation à traduire. Aujourd'hui, le programme, c'est le mode de fonctionnement d'une tondeuse électrique pour les magasins lidl. J'en suis totalement démoralisée. Je ne parviens même pas à me réjouir quand Sophie, ma responsable, se pointe avec son grand sourire dans l'Open Space en début d'après-midi pour nous dire :
- " Aujourd'hui, exceptionnellement, vous pouvez quitter votre poste à quinze heures, c'est un cadeau de la boîte pour la Saint-Valentin ! "
Une demi-heure plus tard, je quitte donc mon poste, comme les autres, pour rentrer à l'appart. Julien ne bosse pas aujourd'hui mais je n'ai aucune idée de ce qu'il a prévu. Il dormait encore ce matin quand je suis partie bosser et nous n'avons donc pas eu l'occasion d'évoquer notre programme. L'an dernier, en guise de pied de nez à tous ces amoureux, il a eu l'idée de créer la soirée des célibataires. Il avait invité un ami à la maison et nous avions partagé une pizza devant un grand classique " retour vers le futur ", c'était très sympathique et nous avions passé un très bon moment.
En rentrant dans l'appartement, je suis apparemment seule. La télé n'est pas allumée, je n'entends aucun bruit. Je me sers un grand verre d'eau puis, m'ennuyant rapidement, je me décide à aller chercher le PC portable dans ma chambre. En empruntant le couloir, je passe devant celle de Julien, je remarque que la porte est entrouverte. Instinctivement, je la pousse légèrement afin de vérifier s'il est là. Mes yeux se figent rapidement sur le spectacle que mon petit geste anodin a dévoilé, je reste littéralement bouche-bée devant cette scène. Mon ami est assis à son bureau, son casque de gamer sur les oreilles, en train d'agiter son sexe fermement serré dans sa main droite, tout cela en matant son écran sur lequel défilent les images d'un film porno.
Je suis stupéfaite, statufiée, et plutôt que de m'éclipser, je ne peux m'empêcher de prolonger ce côté voyeur. Je ne parviens pas à me sentir outrée, je sais bien que c'est quelque chose de fréquent et j'imaginais fort probable que mon coloc puisse s'adonner à ce genre de plaisir, mais je devrais au minimum me sentir gênée. Ce n'est pourtant pas l'embarras qui me submerge mais plutôt une chaleur étrange et des pulsions puissantes et quasiment incontrôlables qui font naître en moi un désir intense. J'ai presque envie de déboutonner mon jean et de glisser ma main dans ma culotte pour me caresser en profitant du spectacle.
J'ose pousser légèrement la porte mais celle-ci se met à grincer. Saloperie de menuiserie ! Malgré son casque, Julien semble avoir entendu ma terrible erreur et se retourne brusquement. En s'apercevant de ma présence, sa bouche s'ouvre bêtement, il s'immobilise et rougit fortement, tout en gardant son sexe en main. Son cerveau perturbé ne semble pas encore avoir assimilé que la bonne conduite à tenir aurait consisté à ranger son outil rapidement.
Je ne sais pas ce qui se passe dans ma propre tête non plus. Je devrais certainement m'excuser et fuir mais non, je me contente de fixer son regard dans un silence total. Après deux ou trois petites secondes, ses lèvres dessinent un sourire gêné. Je n'ai toujours pas quitté la pièce, pire encore, je ne contrôle même plus mes doigts qui déboutonnent instinctivement mon jean. Je m'en débarrasse, puis je réserve le même sort à ma culotte humide. J'approche ensuite de lui, il est surpris mais ne bouge pas, il comprend très bien ce qui va se passer mais ne proteste aucunement. C'est le désir qui me contrôle, c'est une fièvre d'envie qui me pousse à oser et qui supprime toutes mes pensées rationnelles. Je suis toute proche, je n'hésite aucunement, je tourne légèrement sa chaise de bureau qui pivote facilement dans ma direction grâce aux petites roulettes, je lève ma jambe droite et je viens m'asseoir sur lui sans la moindre hésitation. Son regard est perdu mais trahit la flamme que j'ai réussi à allumer. Il lâche enfin son sexe qui se pose sur mon bas-ventre puis place timidement ses mains sur mes hanches.
Mon regard abandonne le sien quelques secondes pour se pencher un peu plus bas. J'y vois le gland rosé de son sexe épais flirter avec mon nombril. Je trouve ça terriblement excitant. J'ose poser ma main sur cette tige, je veux tester la dureté de sa virilité, je veux tâter ce sexe dont j'attends la magie impatiemment. Une petite voix résonne dans ma tête, elle semble me dire : " Je pense qu'au point où tu en es Charlotte, t'es plus à une bêtise près. " . Je l'entends, et je décide d'écouter toutes mes envies. Je descends de la chaise, je m'agenouille face à Julien, et en le fixant à nouveau, je prends son sexe entre mes mains et j'approche ma bouche avec gourmandise. Il sourit, il se déride et comprend lui aussi qu'au point où nous en sommes, ce n'est pas cette gâterie que je m'apprête à lui faire qui va changer grand chose.
Je ne passe pas par quatre chemins, je mets rapidement son gland dans ma bouche. J'essaie de m'appliquer et de lui donner un maximum de plaisir. Je reste impressionnée par la taille et la largeur de ce membre. C'est à la fois terriblement excitant d'avoir le droit à un sexe bien plus gros que ceux que j'ai eu l'occasion d'avoir en bouche, mais en même temps, cela me paraît moins simple à satisfaire. J'ai bêtement l'impression que ma bouche est trop petite et qu'elle sera incapable de lui donner ce plaisir qu'il mérite. J'essaie de faire de mon mieux, de profiter un maximum en léchant, en aspirant, et en suçant avec un maximum d'application. Je suis très vite rassurée par mon pouvoir, il vient effacer rapidement toutes mes craintes. Julien a la bouche ouverte, les yeux fermés et un sourire qui ne me laisse plus aucun doute sur ma capacité à lui donner du plaisir. Sa respiration et ses soupirs le trahissent, il aime ce que je lui fais, et cela me comble. Je prolonge cette fellation quelques petites minutes en osant parfois prendre en main ses testicules et les caresser.
J'aime beaucoup sucer son sexe, j'aime énormément ressentir cette fierté de lui donner autant de plaisir mais j'ai allumé mon propre brasier que seuls des contacts avec mon intimité peuvent éteindre. Je reviens donc à ma position initiale, je m'assieds à nouveau sur lui en prenant soin de me placer de manière à ce que son sexe vienne chatouiller le mien. Je le reprends en main et je l'utilise comme mon jouet. Le sommet de sa verge se nappe rapidement de mes sécrétions abondantes. Je taquine allègrement mon bouton avec ce gode naturel sous le regard de mon coloc amusé. J'en profite une petite minute encore puis, brutalement, avec l'ambition de le surprendre, je relève mon bassin de quelques centimètres puis j'insère son sexe en moi en une seconde. Ma grotte trempée s'accommode aisément de cette pénétration éclair. C'est si bon de me sentir visitée par cet organe dur et viril. Je n'ai alors plus qu'une envie, que monsieur me pilonne mais il faut apparemment que je le guide à nouveau, cet amant inattendu.
Je balance mon corps et je fais coulisser sa verge en moi. Elle entre et sort en me procurant un plaisir immense. Au fil des secondes, son corps comprend le rythme idéal et prend le relais. Je profite de cet instant pour pencher ma tête en arrière et pour poser les doigts de ma main droite sur mon clito. Je le caresse tout en savourant chacune des secousses, c'est divin, c'est délicieux et excitant. Je ferme les yeux et je savoure ce moment quelques minutes. Je relève ensuite la tête, j'approche ma bouche de l'oreille gauche de Julien puis je lui glisse ces quelques mots :
- " J'ai envie que tu me prennes sur le lit. "
Il obéit, se lève en me maintenant fermement. Il me porte sans déboiter nos deux corps. Il n'a qu'un petit mètre à faire. En réalisant que son lit est tout juste derrière moi et tout en me tenant à lui, je me penche en arrière subitement et nos corps collés s'effondrent sur le matelas. L'atterrissage est violent et je sens son sexe buter au plus profond de moi, provoquant un plaisir intense qui me fait expulser un cri puissant. J'écarte ensuite les jambes au maximum, c'est une invitation à ce qu'il me possède, une invitation qu'il accepte sans la moindre hésitation. Mes mains écartées au dessus de moi sont rejointes par les siennes, mon ami se lâche de plus en plus et sa timidité s'envole. J'aime le voir dans cet état sauvage, utilisant mon corps comme un défouloir à son plaisir. J'enroule mes jambes autour de ses hanches, il poursuit avec force ses mouvements de bassin qui chaque fois, me font expulser des cris de bonheurs. J'aimerais qu'il m'embrasse sauvagement mais apparemment, mon esprit libéré n'est pas encore prêt à lui imposer cela. Peu importe, je ferme les yeux et je le laisse me porter au sommet de mon plaisir, j'ose l'encourager en lui avouant à l'oreille :
- " C'est trop bon, tu vas me faire jouir Ju"
Ces mots semblent lui donner encore plus d'entrain, le rythme jouissif qu'il avait s'intensifie toujours plus. Mes cris se font de plus en plus forts, j'entends sa respiration et ces râles qui m'informent de l'imminence de son orgasme, je ferme les yeux à nouveau et je me laisse aller totalement. J'ai chaud, très chaud, une onde de plaisir intense vient me submerger dans un dernier cri aigu. C'est une décharge inouïe durant laquelle je sens sa queue vibrer en moi et expulser son plaisir, un plaisir partagé et savamment synchronisé. Nos corps s'effondrent, épuisés et perdus par cet orgasme insensé.
Ce bonheur incroyable, tel un glaçon au soleil, s'efface rapidement. Je me sens très vite mal à l'aise, son sexe, qu'il n'a toujours pas extrait de mes profondeurs, accentue ce malaise. Je suis gênée, gênée d'être gênée aussi. C'est comme si toute la moralité que j'avais expulsée depuis le début de nos ébats revenait brutalement me punir.
Je me rends compte que je n'ai même pas l'excuse de l'alcool cette fois. Qu'est-ce que je vais pouvoir lui dire ? J'ai honte, tellement honte...
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