Un jour j'serai...

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  • Un jour, je s'rai pilote de ligne, moi ! C'est quand même mieux que de servir les soldats à la caserne. Tous les jours, c'est la même bouillie. Autant que sur leurs visages que dans l'assiette. Y'en a ils sont arrangés ! Ils font comme toi, hein : ils attendent d'être soignés. Moi j'leur dit toujours que je suis fier d'eux, et j'le dis même à celui qui a plus d'nez. Il a la peau toute rongée. Il m'a dit qu'c'etait sa femme qui lui avait retourné son pot au feu à la figure. T'y crois à ça ? Puis il m'a dit qu'il fallait prendre soin des femmes. J'ai pas tout compris. Quand maman faisait à manger et q'c'était pas bon, il le disait hein papa ! Et si elle ralait, paf ! Une claque dans sa figure ! Ma mère ? Elle est morte la semaine dernière. J'ai pas eu l'temps d'pleurer qu'une grosse dame est v'nue m'chercher. Elle m'a dit : "l'orphelinat ou la caserne ?" Tu penses bien que j'ai dit la caserne ! Elle avait de la moustache et elle sentait la réglisse. Tu sais, moi j'aime pô la réglisse. Et puis, j'me suis dit que j'allais p'tetre retrouver mon père, mais il est pas là. Doit surement toujours se battre dans les tranchées. Ah ah ! Il doit bien gretter le ragoutragoût d'maman. En même temps, si il mange c’qu'on mange....
  • T'es bavard hein toi.
  • Oui, m'sieur ! La maîtresse elle me tapait souvent sur les doigts, mais tu sais, j'suis résistant ! D'ailleurs, j’suis l'seul que l'gros Gégé il emmerdait pas à la récré. Ça veut bien dire c'que ça veut dire, hein ! Tout l'monde il avait peur de lui, pas moi ! T'sais, j'aurais dû m'dire qu'il était pas normal, il avait la même gueule que ces foutus Boches. La même trogne de vicelard ! Et moche en plus, mais moche ! Vous tous les éradiquer ceux-là !
  • Ah, bon ?
  • Bah ouais ! Tu dois bien l'savoir ! T'as reçu un coup sur la tête ? C'pour ça que t'es là ? Nan mais toute cette guerre là, c'est à cause d'eux. Bon après, c'est bien parce que j'deviendrais un homme après ça. J'me trouverais une femme, j'aurais des gosses.
  • Et tu fumes en plus ? Mais t'as quel âge ?
  • J'suis un adulte, hein ! J'ai quatorze ans. Bientôt, j'pourrais aller me battre au front ! Et quand on fume, on d'vient plus vite adulte. C'mon père qui m'disait ça. D'ailleurs, il m'disait d'méfier des dames qui fument parc'qu'elle sont pas dignes de confiance. J'suis sûre que les allemandes elle fument. Hein oui, m'sieur ?! Pourquoi tu dis plus rien ? Les autres, ils sont contents quand j'leur parle t'sais. Il s'marrent et il m'font des grandes tappes dans l'dos. Enfin, si ils ont toujours leurs bras.
  • J'aime pas les bavards.
  • Roh. Bon d'accord. J'me tais.
  • ...
  • ...
  • Dis, tu reveux une portion ? T'as juste qu'à m'le dire hein ! C'moi l'chef ici, j'peux me mettre une double ration s'tu veux ! T'as l'air sympa, fin plus que les autres quoi. Tu râles souvent ou c'est juste à cause de la guerre ? Parce que si c'est ça,faut pas t'faire de bill ! Parait que les américains vont arriver pour nous filer un coup d'main ! Ca s'rait bien ça. On va leur faire la peau à ces sales bouffeurs de Bretzel, c'est mon père qui disait ça !
  • Il disait beaucoup d'choses ton père.
  • Ouais ! Ses potes, ils disaient qu'ils parlaient beaucoup trop.
  • Ah.
  • Ouais. J'ai jamais trop compris pourquoi, à la maison il parlait pas beaucoup. Mais on s'en fiche. Tu fais quoi toi ?
  • Là, j'essaie de boire mon café
  • Non, mais dans l'armée, j'veux dire.
  • J'suis pilote.
  • T'es pilote ?! Genre, tu conduis des avions dans le ciel ?!
  • Oui.
  • J'ai plein de question à te poser ! C'est trop trop génial ! Hé ! Toi ! Tu savais qu'monsieur il est pilote de ligne ?! Si, j'te l'jure ! C'est trop de la balle ! On peut discuter, hein dites ?!
  • Oui, mais tu vas me chercher un nouveau café.
  • D'accord, Monsieur ! Tout c'que tu veux m'sieur ! Oh misère ! Pilote de ligne ! Qui l'aurait cru. C'est fou ça quand même. Ouh c'est chaud ! C'est le plus beau jour de ma vie ! C'est un héros ! Une lég... M'sieur ? M'sieur ? Ben ? Il est parti.

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