Pouvoir (1)
Mon réveil sonne depuis plusieurs minutes, je n'ai pas envie de me lever et surtout pas envie de me faire piquer, mon cœur bat la chamade. Je vois dehors la neige qui tombe encore par intermittence ; il va faire froid dehors. Je préfère rester dans mon lit bien au chaud. Je regarde mon téléphone qui vibre, j’éteins le réveil. J’ai un nouveau message de ma mère, c’est marqué “n’oublie pas ton rendez-vous à l'hôpital” je dis à voix haute :
–Comme si j’allais oublier.
Bon ! Quand il faut y aller, je me lève et m’habille chaudement pour faire face à la neige ; je ne croise personne dans l’immeuble qui est bien silencieux. Je m'apprête à partir, mais un morceau de papier est accroché à la porte d'entrée. “Rose, il n’y a personne dans l’immeuble, ferme la porte à clef s’il te plait. David.”. Une clef est scotchée sur le papier, je la prends et ferme la porte derrière moi. Direction l'hôpital Gamp, je pourrais peut-être en savoir plus sur la multinationale en espérant que je ne vais pas faire de boulette. Je mets bien six minutes avant d’arriver à l'hôpital, à peine entrée que je suis prise tout de suite en charge par un vieux médecin :
–Alors de ce que je vois, vous aviez rendez-vous juste pour un rappel ?
–Oui.
Il sort une aiguille, je pâlis immédiatement, elle est bien trop proche de mon espace vital, le médecin le remarque immédiatement :
–Peur des aiguilles ?
–J’aime pas ça.
Il me sourit :
–Si vous restez forte, vous aurez peut-être le droit à une sucrerie.
–J'suis pas une gamine !
–Allons, vous pourriez avoir l’âge de ma petite fille. Le plus important c’est que vous ne vous préoccupez plus de la seringue.
Ce n’est pas bête, j'espère juste que sa technique marche, je vais en profiter pour poser des questions sur Ken :
–Ça fait longtemps que vous travaillez ici ?
–Ça fait belle lurette que je ne compte plus.
Je sens quelque chose de froid sur mon bras :
–Ce n’est pas trop bizarre de travailler pour une multinationale ?
–Non ça ne change pas tellement des hôpitaux publics, d’ailleurs le créateur de Gamp va faire un déplacement et venir ici dans quelques jours.
Je joue l'étonnée :
–Ah bon ?
–Il vient ici pour voir un cas rare et probablement percer le mystère derrière cette maladie.
–C’est si grave ?
–Le problème de cette maladie, c’est qu'elle est orpheline, nous ne savons pas si nous arriverons à la sauver à temps, mais elle nous permettra peut-être de comprendre comment fonctionne cette maladie. Mais je parle beaucoup trop, promets-moi de ne rien dire à personne, le secret médical est important ici. C’est fini !
Il retire l’aiguille de mon bras et me pose un pansement, je n'ai rien senti du tout, il me raccompagne jusqu'à sa porte et me donne un petit bonbon :
–Tiens, comme promis, prends-le sinon je vais devoir le jeter.
Il ferme la porte, je m'apprête à partir quand j’aperçois dans un coin du couloir Shusendo se diriger vers une chambre, je décide de le rejoindre, mais il entre dans la chambre numéro 116 et referme derrière lui. Je suis devant la porte, je regarde aux alentours et il n'y a personne, je m'apprête à toquer à la porte quand j’entends Shusendo dire :
–お元気ですか?
Une voix féminine hésitante lui répond :
–S’il te plait, j’essaye apprendre, parle-moi français.
–Tu pourrais me répondre.
–ありがとうございました.
Il rigole :
–Tu me demandes de parler français et tu me réponds en japonais ?
La petite voix lui crie dessus :
–Oh ça va ! Koff koff !
–Ne te force pas trop, après tout, tu vas avoir la visite du grand patron de Gamp.
–Qui derrière porte ?
–C’est une amie à moi beaucoup trop curieuse, n’est-ce pas ?
Quand j’entre dans la chambre d'hôpital, je remarque qu'elle est décorée comme une chambre normale. Le lit est occupé par une jeune fille qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Shusendo. Vu sa taille, ce doit surement être une collégienne. l’adolescente vêtue d’un pyjama à motif floral assise sur le lit, la couverture couvrant ses jambes et un oreiller dans son dos me fixe. Shusendo lui est assis sur une chaise à côté d’elle, je leur dis :
–Désolée, je voulais pas vous déranger.
–C’est déjà fait ! Me dit sèchement Shusendo.
La petite fille lui tire l’oreille :
–Parle correctement tes amis Shu !
–Aïe aïe, lâche mon oreille s’il te plait 愛.
Je rigole devant ce spectacle, Shusendo me gronde :
–Parce que ça te fait rire toi !
–Vous faites la paire tous les deux !
La petite fille lâche l’oreille de Shusendo et me dit :
–Assis toi, euh ?
–Rose.
–Rose ?
Elle regarde Shusendo qui lui dit :
–バラの花.
–Ah ! Moi, c'est 愛.
–Aie ?
Je regarde Shusendo :
–T’as bien entendu et ça s’écrit A. I.
Ai me dit tout sourire :
–J’ai du mal habitude chaque fois ai impression, on appelle.
–Je comprends, c’est pareil pour moi quand on parle de fleur.
Elle me regarde avec un grand sourire et me demande :
–Et donc tu petite amie mon frère ?
Je regarde Shusendo, étonnée par la révélation :
–Ton frère ?
Il donne un petit coup sur la tête de Ai :
–Arrête de dire n’importe quoi pour une fois !
Elle fait mine d'avoir mal et met ses mains sur sa tête et lui répond :
–Oh ! J’ai plus droit embêté ?
–Si c’est pour mettre mal à l’aise à chaque fois mes amis, non !
–Ça fait longtemps que pas invités.
–J’y penserai la prochaine fois.
Un jeune médecin rentre dans la chambre :
–Désolé de vous déranger, c'est l’heure.
Shusendo se lève, je fais de même, Ai demande :
–Tu reviendras ?
Shusendo lui répond :
–Je passerai après les cours.
–Je parlais pas toi 馬鹿 ! Alors ?
Je la regarde, elle me demande ça à moi ? Je regarde Shusendo qui hausse les épaules, je lui réponds :
–Je reviendrai.
–À bientôt !
Elle me fait signe de la main, je lui dis au revoir, moi et Shusendo, nous sortons de l'hôpital, il s'arrête à un distributeur de boisson et prend un café en canette, il me dit sèchement :
–Tu peux me poser ta question si tu veux !
–Elle à quoi ?
Il prend la canette et se dirige vers l’immeuble :
–Une sorte d’amyotrophie spinale d’après les médecins.
Je ne sais absolument pas qu'elles sont les effets de cette maladie, je lui dit :
–Je suppose qu’il n’existe pas de remède.
–Tu supposes bien, cette maladie la tue à petit feu.
–Pourquoi t’es contre à ce que ce Wesker la rencontre ?
–On lui a diagnostiqué sa maladie il y a dix ans et ça fait un an quel est dans cet hôpital, si c’était par intérêt scientifique, ça ferait longtemps qu’il se serait déplacé et puis Cynthia à confirmer m’a crainte.
–Tu parles des viols sur mineurs qu’elle a trouvés ?
–Il est hors de question qu’il ne s’approche ne serait-ce que d’un cheveu d’elle.
J'hésite à lui demander :
–... c’est donc elle ta raison ?
–C’est ma raison de ne pas mettre le monde à feu et à sang. Oui.
–Et tes parents ?
–Ils sont restés au Japon, vu que j’étudie en France, ils l'ont transférée.
–Pourquoi ?
–Pour qu’elle voie du pays et surtout parce que le système de soins français coûte moins cher.
–Un poids en moins à s’occuper n’est-ce pas ?
–Oui et ça coûte moins cher.
–C’est de famille d’être radin ?
–Il faut bien que je prenne quelque chose de mes parents.
C'est humain, je me pose souvent la question : “Qu'est-ce-que j'ai pris de mes parents ?”. J'y ai beau réfléchir et je n’ai jamais rien trouvé qui me faisait penser à mon père ou à ma mère, Shusendo me sort de ma réflexion :
–Tu veux manger quelque chose ?
–Quoi ?
Nous sommes dans le salon de l'immeuble, je n'ai même pas remarqué qu'on était rentré :
–Je vais faire à manger, tu veux quelque chose de spécial ?
–Peu importe tant que c'est bon.
Shusendo s'affaire en cuisine, nous nous asseyons à table, ce midi, nous mangeons des pâtes, je lui demande :
–Dis-moi, toi aussi, une fois que ta raison aura disparu, tu voudras détruire ce monde ?
Il joue avec ses spaghetti et me répond :
–Difficile de répondre, peut-être que je ne ferai rien de tout cela, aujourd'hui, je ne vis que pour ma raison, si jamais elle venait à disparaître, je ne sais pas comment je réagirai.
–Je vois, ça te dérange pas si je lui rends visite de temps en temps ?
–Non, tant que tu ne lui parles pas de ce qu'on fait, ni du Somnium. Elle s'inquiète déjà assez pour moi, pas besoin d'en rajouter une couche.
–Tu es un grand frère attentionné dis-moi ?
–Si je peux lui épargner plus de souffrance et puis ça lui fera du bien de voir du monde.
–Je tiendrai ma langue.
–Je te remercie.
Nous finissons de déjeuner ensemble, pour moi, c'est l’heure des cours à la fac, de la philosophie, je ne comprends absolument rien à ce que le professeur me raconte. Il est dix-sept heures quand le cours se termine, le soleil se couche lentement, Jessie et James partent tout de suite après les cours, me laissent seule. Je vais tenir ma promesse et allez voir Ai à l'hôpital. La neige tombe de nouveau, les flocons sont froids ; je vois des enfants faire des bonhommes de neige et remarque Cynthia qui sort d'un bâtiment. L'ambassade américaine qui se trouve de l’autre côté de la rue, elle me remarque et m’attend, je traverse la route et une fois à portée, elle me demande :
–Alors qu’est-ce que tu fais dehors Rose ?
–J'ai fini mes cours et toi ?
–Je rendais mon devoir.
Je lui demande, étonnée :
–Tu bosses pour les Amerloques ?
Je ne savais pas qu'elle travaillait pour l'ambassade américaine, elle me répond tout sourire :
–Et ouais, c'était le dernier rapport que je devais faire, je commençais à en avoir marre de faire ça à la dernière minute.
–Tu devais faire des rapports ? T'es un agent secret un truc comme ça ?
Elle éclate de rire :
–C'est la meilleure, je ne suis pas une espionne, cela remonte à loin maintenant oublions le passé, tu vas où comme ça ?
–Je vais rendre visite à Ai.
Son sourire s'efface et laisse place à une grimace :
–Ah ! Oui.
–Tu veux venir ?
–Je vais passer mon tour pour cette fois.
–Tu n'as rien d'autre à faire non ? En plus, elle a demandé à vous voir plus souvent.
Elle commence à partir en me disant :
–Un petit conseil, évite de t'attacher à elle, il n'y aura que la souffrance au bout de ce chemin.
–Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
Elle ne se retourne pas et continue son chemin en disant :
–Fais-moi confiance !
Je lui réponds sur un air de défi :
–J'irai quand même !
Elle ne me répond pas, je vais voir Ai à sa chambre d'hôpital, je rentre dedans en lui disant un simple :
–Salut ! Ça va ?
Il n'y a personne d'autre qu’elle, Ai est plongée dans un livre, elle relève la tête et m'accueille avec un charmant sourire :
–Tu revenue ?
–Je te l'avais promis non ? Tiens voilà pour toi !
Je lui tends le bonbon que m'avait donné le docteur et elle prend avec plaisir, je lui demande :
–Je peux savoir ce que tu lis ?
Elle ferme son livre et me montre la couverture, une image avec des personnages aux cheveux colorés sont dessus avec un titre écrit avec des idéogrammes, je ne comprends absolument pas ce qu'il y a de marqué :
–Désolé, je ne sais pas lire cette langue.
–Ah oui, c'est vrai, tu dois pas connaître, c'est livre chez moi, c'est ジョジョの奇妙な冒険 et comme il existe pas français, Shu fait la traduction pour que je m'exerce.
Je m'assieds sur la première chaise qui me vient, je lui dis ce qui sonnent pour nous deux comme une évidence :
–C'est vrai que tous les pays se sont refermés sur eux même, il n'existe aucun échange entre les cultures.
–C'est pas grave, j'apprends beaucoup choses.
–Tu as l'air de travailler dur.
Je lui souris et elle me le rend en me disant :
–Oui, je pourrai encore plus embêter Shu !
–Euh tu veux plutôt dire moins l'embêter ?
–Non, dis-moi il avec quelqu'un ?
Sa question me fait hésiter, je lui réponds honnêtement :
–Euh à vrai dire, je le côtoie que depuis quelque temps, je ne le connais pas assez pour te dire si oui ou non, il sort avec quelqu'un.
–やれやれだぜ, tu aides pas beaucoup.
–Désolée, tu t'inquiètes beaucoup pour lui, pas vrai ?
–Qui ferait ? On toujours été ensemble, il toujours inquiété pour moi, toujours lui qui finit par me porter.
–Et tes parents ?
–Ils toujours été soin pour moi, c'est peut-être pour ça Shu voulait absolument étudier étranger.
Une infirmière rentre dans la chambre :
–Excusez-moi madame, mais les visites sont terminées.
–Oh, je vois. À la prochaine Ai.
Je lui tends la main, elle frappe gentiment dedans avec ses petits doigts :
–À prochaine Rose, reviens vite.
Je quitte l'hôpital et vois Shusendo qui attend dehors dans la nuit noire en buvant un café en canette :
–Alors, elle se porte comment ?
–Tu aurais pu venir la voir.
–J'ai décidé que pour une fois, je pouvais la laisser seule avec quelqu'un d'autre. Ça lui permet de penser à autre chose.
–J'ai vu que tu faisais la traduction de livre.
–Un de ses petits caprices, de toute façon à part lire et jouer, elle ne peut pas faire grand-chose.
Il écrase sa canette vide et la jette à la poubelle violemment :
–Bon moi, je vais rentrer, tu ferais mieux de faire de même Rose.
–Tu as raison.
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