À cœur ouvert

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Je suis sonnée. C’est bien la première fois que nous sommes réellement en difficulté tous ensemble. Je ne sais pas quoi faire, je n’ai pas d’autres atouts dans ma manche… Et dire que je suis censée être la cheffe du groupe ! Mon orgueil en prend un sacré coup. Tentant de reprendre mes esprits, je lève alors la tête vers mes amis et vois qu’ils sourient tous. Qu’est-ce qu’ils ont ? Ils sont tous blessés, ils ont le souffle court et pourtant, ils se relèvent tant bien que mal :

–Qu'est-ce que vous faites ?

–Allons, tu penses réellement qu’on se ferait battre aussi facilement, nous ? Si tu veux vraiment devenir la cheffe Orgueil, il va falloir que tu apprennes à utiliser ta haine.

N’ayant pas compris un traître mot de ce que me dit Max, je réponds :

–Quoi ?

–Regarde bien.

Je vois alors qu’ils sont tous debout face à ce monstre, cet énorme loup noir et rouge. La bête fait toujours la taille d'un immeuble. D’un coup, les sept personnes devant moi font exactement le même geste : ils plantent leurs mains dans leurs torses et en ressortent un organe. Ce sont leurs cœurs. Alors qu’ils continuent de battre, ils prononcent tous la même phrase simultanément :

–Haine, dévore-nous !

Ils écrasent alors leurs cœurs d’un même geste, et se transforment. Mes sept coéquipiers deviennent soudain des monstres. La représentation de leur haine est si effrayante et tellement excitante à la fois. Époustouflée, je prends une grande inspiration, et dans un souffle, je lâche les seuls mots que j'arrive à prononcer :

–Bordel de merde !

Je jette ensuite un regard à ma poitrine.

–Quand il faut y aller…

Je plonge alors ma main dans ma poitrine, en suivant l’exemple de mon groupe. La sensation est horriblement bizarre. Je sens mes doigts à l'intérieur de mon corps, mais je ne ressens aucune douleur. En y regardant de plus près, j’arrive aussi à voir à l'intérieur de mon corps. C'est comme si mes doigts se laissaient guider par mon corps ; ils suivent les pulsations de mon cœur comme un radar. Mon index effleure la paroi de mon muscle indispensable, que j'agrippe alors doucement. Je sens ses battements, chauds, doux et réguliers dans ma main, puis je le sors délicatement de ma cage thoracique. Je le regarde alors battre dans ma main, ce cœur, qui a l'air tellement fragile, tellement frêle.

–Est-ce-que j'y arriverais au moins ? Oui ! Je peux le faire !

Je me lève et commence à serrer mon cœur entre mes doigts immaculés :

–Haine, dévore-moi !

Je referme complètement mon poing sur mon cœur qui disparaît. Alors, une violente douleur m'assaille la poitrine, comme si mon corps se rendait compte de l'absence de son muscle indissociable. Je titube sous la douleur. Soudain, je ressens une forte émotion, comme une immense haine. Une haine qui suinte par tous les pores de ma peau, une haine destructrice, annihilatrice. Je regarde les autres, qui à présent ressemblent plus à des ombres géantes informes qu'à autre chose. Ils sont en difficulté face à un loup toujours aussi féroce. Alors que ma vue commence à s'assombrir, je me dirige vers eux, puis plus rien, à part “Haine”.

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