Je me souviens d'une très vieille comptine que nous chantions en classe quand j'étais petite :

"Dieu sombre, prend garde à tes ombres, la rose que tu as planté est née.

Prise dans les ténèbres, enlacée par le noir, sa terreur finira par tuer.

Doucement elle devient, créature en colère, qui ne garde ses mains qu'amer.

Fleur du désastre, semant le sang par ses suppliques, affamant son feu pour plonger.

Fleur du désespoir, voix dans son esprit, sur ce sombre regard, toujours fleurie.

Fleur de décadence, chanson de son âme, veut tuer toute la violence, dans ses yeux fraise des flammes".

J'ai toujours détesté cette comptine, c'était un sujet de moqueries et vu que je porte exactement le même nom que cette satanée fleur, les enfants s'étaient fait une joie de me le rappeler en chanson :

–Rose du malheur ! Rose du désespoir ! Rose de décadence !

Je me roulais en boule pour ne plus les entendre :

–Vous êtes nuls !

–Arrêtez de l'embêter !

C'était Émile et Estelle, ils traînaient déjà ensemble à l'époque ; leurs parents étaient voisins, donc ils se sont toujours connus. C'était là qu'on était devenus meilleurs amis, même si je pense que j'étais déjà amis avec eux avant, mais mes souvenirs ne remontent pas aussi loin et c'est là aussi que quelque chose a germé au plus profond de moi, quelque chose à pousser dans mon cœur, qui me ferait souffrir bien des années plus tard, ses sentiments…