Commencement (2)
Je ne lui réponds pas :
–Tu peux en profiter, c'est le paquet de Max.
Max ne lève pas les yeux de son bouquin :
–D'ailleurs, tu me le rendras, s'il te plaît.
Je prends une cigarette et je la dépose entre mes lèvres. Aziz jette le paquet à Max qui le rattrape sans regarder, je prends l'un des briquets sur la table et allume maladroitement ma cigarette. Je prends une première bouffée et tousse :
–Koff ! Koff !
–Bah alors c'est ta première fois ou quoi ? Me demande Aziz.
–J'avais envie d'essayer.
–Tu sais, t'as pas besoin de faire comme nous, juste pour faire pareille que nous. Me dit Cynthia.
Taïba ajoute :
–Et ça te rendra pas plus cool de fumer.
–Je sais. C'est seulement que j'avais envie de savoir, de tester.
–Et alors ? Me demande Max.
–C'est pas comme je l'imaginais.
Je prends une deuxième bouffée et cette fois-ci, je ne tousse pas, Aziz demande en regardant l’ordinateur :
–T'as besoin d'aide pour le finir ?
Cynthia lui répond :
–Non. T'inquiète pas, j'aurai fini d'ici, 265 secondes.
Cynthia tape à une vitesse folle sur le clavier, au bout dès cinq minutes les plus courtes de ma vie, elle crie :
–Et voilà ! Et maintenant ! Envoyer ! C'est bon ! Enfin fini.
Elle ferme son ordi et le dépose sur la table. Elle allume la cigarette qu'elle avait entre les lèvres et prend une grande inspiration, elle expire tout aussi longtemps et prend ses aises :
–En espérant que ce soit le dernier.
–Hugh n'a donné aucune nouvelle depuis hier, nous dit Taïba en éteignant son téléphone.
Elle ajoute :
–Vous pensez qu'on est sur la bonne voie ?
–Oui, j'ai dû utiliser Poppy hier, je te le rappelle, lui répond Cynthia.
Aziz ajoute :
–Et puis s'il était vraiment innocent, son plaisir distordu ne serait pas dans le Somnium.
Je leur demande :
–Pourquoi voulez-vous l'effacer ?
–Nous effaçons les connards et les ordures de cette planète, m'annonce Max.
–Le créateur des prothèses robotiques ? Dis-je étonner. Il a sauvé la vie à tellement de personnes.
–C’est ce que tout le monde dit, pas ce qu’il fait, indique Aziz, il continue et m'explique, Ses prothèses ont sauvé plein de personnes , c'est vrai, mais sais-tu ce que c’est le rejet ?
Je lui réponds pas trop sûre de moi :
–Le fait que l’organisme ne supporte pas les prothèses ?
–Oui, pour éviter ce rejet, il existe un produit, la textisanat. Le problème est qu'elle est extrêmement chère et addictive. Tout cela ne serait pas un problème si le rejet n’était pas causé par son créateur.
–Quoi ?
–Hugh qui dirige sa société a décidé, parce que ça coûtait trop cher de créer des prothèses, de faire payer cher ceux qui voulaient s’augmenter ou ceux victimes d’accident avec le rejet.
–Comment vous le savez ?
–C’est moi qui ai découvert toute la mascarade, me dit Cynthia. Je travaillais sur une maintenance des prothèses et j’ai découvert un module en trop. Dès qu’il est connecté au corps, il crée un signal qui traverse le système sympathique jusqu’au cerveau indiquant qu’il y a des agents extérieurs dangereux. Ton cerveau libère alors des anticorps attaquant les liens, c’est ce qui crée en gros le rejet. Si tu l’enlèves tu n’as aucun problème, la couche de PEDOT allié au sorbitol et aux différents polymères sont fabriqués avec des anti-rejets naturels.
Je n'ai absolument rien compris à ce qu'elle vient de me dire, je leur demande :
–Pourquoi personne n’en parle ?
–Le module est extrêmement bien caché, il est collé entre deux neuro-processeurs, j’ai eu de la chance, après cette découverte, j'ai fait des recherches sur le web. Il y avait quelques témoignages, mais rien de crédible. J’ai dû faire marcher mon réseau d’informateurs et même dû rechercher sur le deep web pour avoir un témoignage et un plan d’une prothèse confidentiel.
–Ça reste peu comme preuve.
–Ce fut suffisant pour le trouver dans le Somnium, sa soif de pouvoir et d’argent a créé le labyrinthe que tu as vu.
–Qu’est-ce que le Somnium ?
–Ça … c’est compliqué à expliquer même pour nous. Me dit Max.
Taïba ajoute :
–Ou autrement dit, nous ne savons pas grand-chose dessus, à peine quelques hypothèses.
La porte d’entrée s'ouvre, Shu rentre avec un sac en papier et une cigarette entre les lèvres, il lance le sac à Aziz :
–Tiens, j’ai pensé à prendre tes médocs, ça fera cent vingt balles.
–C’est le double de leur prix, dit Aziz calmement.
–J’ai besoin de fric.
–Tu ferais bien de trouver un boulot Shu, lui dit Taïba.
–Meh !
–Bon, je vais prévenir David que tu es rentrée. Annonce Max, préparons-nous.
Il monte les escaliers, suivi par Aziz, Taïba, Shu et Cynthia. Je suis toute seule, j’expire un long moment en disant :
–Bordel de merde, où est-ce que j’ai atterri ?
–Je me le demande ?
Je lève les yeux, quelqu’un est devant moi, un petit garçon en tenue de prisonnier me regarde, je suis étrangement sereine en le voyant ; comme une vieille connaissance, bien que je ne connaisse pas l'inconnu en face de moi, je lui demande :
–Qui es-tu ?
–Toi, qui es-tu ?
Il disparaît et réapparaît à côté de moi, je ne suis même pas étonnée par ce qui vient d'arriver, je croise les bras et il me demande :
–Tu recherches la puissance, le pouvoir d'annihiler n'importe quelle fatalité, tu pourrais devenir l'hégémonie de la violence, tu veux faire partie de leur groupe non ?
Comment a-t-il pu deviner mes pensées ? Au vu de mon mutisme, il continue :
–Indécise ? Et moi qui te considérais comme une auguste personne. Il faut croire que nous nous sommes trompées.
–Nous ?
Il m'ignore et disparaît en me disant ironiquement :
–Je te remercie pour ta sollicitude.
–On n'a pas été trop long Rose ?
C’est la voix de Max qui me sort de ma torpeur et je fais comme si la scène qui vient d'arriver n'avait jamais existé :
–Non, j'ai pas vu le temps passé. Je suis censé faire quoi du coup ?
–Vu que ton masque n'est pas encore prêt, tu vas devoir utiliser ceci.
David me donne une cagoule, il n'est plus déguisé en fille, il s'assied sur le canapé, je regarde la cagoule et demande :
–Pourquoi on doit cacher notre visage ?
–Pour éviter qu'on te retrouve, il faut savoir que quand on fait disparaître quelqu'un, il est physiquement avec nous jusqu'à ce qu'on l’efface. Après, il disparaît lentement dans notre monde, cela lui laisse le temps de dire aux autorités à quoi on ressemble. M'explique Cynthia en s'agenouillant.
Elle met un plan sur la table basse :
–Alors avant de réfléchir à ce qu'on va faire, on va commencer par tous se présenter correctement, moi, c'est Cynthia, Rose.
–Je m'appelle David.
–Moi, mon nom complet, c'est Shusendo, mais appelle-moi simplement Shu.
–Je suis Aziz.
–Moi, c'est Taïba.
–Et pour finir, moi, c'est Max.
–Enchantée. Je m'appelle Rose.
–Maintenant que les présentations sont faites, voici le plan.
Cynthia déplie le plan qu’elle a déposé sur la table, c'est la carte d'un labyrinthe très complexe qui a été fait avec un stylo rouge, David prend la parole :
–Ceci est l'espace de notre cher Hugh, c'est un labyrinthe en mouvement.
Cynthia ajoute :
–Ce labyrinthe agit comme des synapses mélangées à une carte mère, certains passages se ferment et d'autres s'ouvrent en fonction des différents aléas.
–Il y a quelques endroits qui n'ont pas l'air de bouger.
David pose son doigt sur un carré en plein milieu du labyrinthe, il continue :
–Les différents espaces comme ceux-ci ne se déplacent pas.
Il montre d'autres carrés camouflés dans le labyrinthe.
–La seule ombre que j'ai croisée agit comme une information, elle vient en vague et repart aussitôt, par contre, j'ai dû utiliser Poppy, soyez donc prudent.
Taïba regarde le plan et demande en posant son doigt sur un carré en bordure du labyrinthe :
–C'est ici l'entrée ?
David et Cynthia acquiescent :
–Si le labyrinthe bouge, il va falloir se séparer, Gloriam met combien de temps pour nous rejoindre ?
–Environ six secondes, lui dit Cynthia.
Taïba réfléchis :
–Il va donc falloir se séparer, si on y allait deux par deux, on pourrait se retrouver à des points stratégiques, comme ici.
Elle montre un carré :
–Ici et ici.
Elle montre deux autres carrés :
–S'il arrive à contrôler son labyrinthe et l'ombre, Hugh va forcément savoir où on se situe, si on arrive à se séparer et à l'entourer, il fera forcément une erreur. Finit-elle d'expliquer.
Aziz lui dit :
–Ça peut marcher, mais ça voudrait dire qu'on laisse Rose avec quelqu'un et ce ne sera pas Gloriam.
Ils se regardent tous, Shu déclare :
–Pas le choix, ça se joue à pierre, papier, ciseaux !
Tout le monde met sa main derrière son dos, ils disent en même temps :
–Trois ! Deux ! Un !
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