Plaisir (1)
Cette petite marche ma donnée l’appétit, d’autant plus que nous n’avons pas encore diné. Nous finissons par arriver devant une devanture de café-bar marqué au néon VA-1 HALL-A ; bon, je suppose que nous sommes arrivés à bon port, sur la porte il y a un écriteau avec marqué “interdit d’entrée aux fouteurs de merde”, Cynthia pousse la porte et rentre, un vieil homme nous accueille en disant :
–Bienvenue au, il appuie sur son cou et sa voix devient métallique, Val ! Halla !
À l’intérieur une musique calme envoûte mes oreilles, David nous dit :
–Je vois qu’ils m’ont écouté pour le lofi hip-hop.
Vu la quantité de personnes à l'intérieur, j'aurais pensé qu'il y aurait un boxon insoutenable, mais non, le bar est calme et tout le monde discute tranquillement. Ils ont tous le sourire aux lèvres, j'ai l'impression d'avoir atterri dans un autre monde, Cynthia se rapproche du comptoir en disant :
–Patron ! Six mojitos maison s'il vous plaît !
Le vieil homme lui répond avec sa voix normale :
–Et six mojitos ! Six !
Le café est bondé, il ne reste que quelques places par-ci par-là, le vieil homme dépose un plateau devant Cynthia avec six verres remplie dessus :
–Et voici les six mojitos A.
Je demande :
–Mojito A ?
Le vieil homme me répond :
–A comme Alana, la personne qui m'a donné cette formidable recette.
Nous trinquons ensemble, je fais glisser le liquide entre mes lèvres, l'acidité du citron mélangée à la fraîcheur de la menthe forme un duo incroyable. Je regarde mon verre un peu dubitative par l'expérience que je viens d'entrapercevoir, Taïba me regarde et demande :
–Tu n’aimes pas ?
–Si c’est très bon.
Cynthia me dit :
–Je sais ! Il te manque ta petite crêpe ! Patron ! Ajoute une crêpe à ma commande !
–Très bien ! Aziz, tu t’en occupes !?
Aziz habillé en tenu de serveur chic sort de nulle part et se met aux fourneaux, Cynthia lui demande :
–Tes augmentations ne te posent pas de problème ?
–Non, elles sont bien réglées, le seul p'tit bémol, c'est qu'elles sont vraiment trop visibles.
Ses augmentations noir métallique, seul un aveugle aurait pu ne pas les voir, mais cela lui donne un style professionnel, le vieil homme se rapproche de Cynthia :
–D'ailleurs mes augmentations rétiniennes font des siennes, tu pourrais regarder ?
Elle se rapproche de ses yeux et scrute pendant deux secondes :
–Ah, je sais ce que c'est !
Elle cherche dans son sac et sort une sorte de petit pistolet à impulsion electrique, elle le colle contre sa tempe, j'entends un cliquetis électrique, le vieil homme grimace de douleur :
–Argh !
–C'était un problème de synchronisation entre tes deux implants, tout va revenir à la normale dans quelques secondes. C'est bon ?
–Hum… tout semble en ordre, voyons, il fixe Cynthia, si tu continues de manger comme ça, il va falloir que tu changes de taille de bonnet, un petit D selon mon œil.
Cynthia frappe dans ses mains :
–Ils fonctionnent à merveille, par contre ! Elle attrape sa cravate et le force à se courber jusqu'à sa joue, re-mate mes seins comme ça et je te jure que je vais t'enculer avec une prothèse de bras de deux mètres de long.
–C'est noté.
Elle le relâche, Taïba se jette au cou de Cynthia en lui disant :
–Hé ! Tu commences à me rattraper, on pourrait bientôt être sœur de poitrine !
Cynthia se tourne vers elle et se dégage gentiment de son étreinte :
–Parce qu'être sœur adoptive ne te suffit plus ?
Leurs poitrines s'entrechoquent, je regarde nerveusement la mienne avec mon pauvre bonnet B, j'ai l'impression de faire gamine, une main se pose sur mon épaule, je tourne la tête, c'est Claire qui me dit :
–Je te comprends.
Elle m'invite à faire un câlin, Claire doit faire la même taille que moi, je vais dans ses bras et lui dit :
–Elles ont deux trop gros arguments, on ne peut pas rivaliser.
–Je sais, c'est tellement injuste.
J'entends David demander :
–T'as compris quelque chose Gloriam ?
Il lui répond :
–Je comprends à peine la moitié de ce qui se passe.
Taïba nous sépare :
–Hé ! Pas touche à ma chérie !
–Allons ! Il y a que toi qui m'intéresse, Claire lui caresse la tête, calme-toi et bois !
Taïba se calme tout de suite et son air béat habituel se lit sur son visage, Claire approche un verre de sa bouche et la fait boire, Claire continue :
–Voilà, elle lui fait un bisou sur la joue et la colle contre elle, soit sage et tu auras le droit à une surprise.
Gloriam se rapproche et demande :
–Comment t'as fait pour la calmer ?
–Je lui gratte derrière l'oreille en lui caressant la tête.
–Je peux essayer ? Dit-il en approchant sa main de son crâne.
Taïba se met sur la défensive, elle se met à grogner et fixe méchamment Gloriam :
–Grrrr…
Gloriam recule sa main et Taïba arrête de grogner, Claire lui dit :
–Aucun homme ne peut la toucher, surtout au niveau de la tête et des fesses.
–Ah !
–La dernière fois, un homme a essayé de lui toucher l'épaule et elle l'a foutue par terre.
Taïba se défend :
–C'était un réflexe !
–Pourtant David t'a bien touché quand on préparait la fête de Ai.
Taïba lui répond :
–C'est mon frère, il ne peut rien me faire.
–Ça doit être bien d'être frère et sœur.
David pose une main sur l'épaule de Gloriam :
–T'inquiète, elle a mis deux mois avant de me considérer comme son frère.
Il fait un câlin, Gloriam demande :
–Pourquoi on refait la même scène que Rose et Claire ?
–Je sais pas, la logique n'existe pas ici.
Cynthia met une crêpe devant moi :
–Tiens ta crêpe.
Je la prends et demande :
–J'te dois combien ?
–Rien du tout, c'est le patron qui offre, avec toutes les auscultations que je lui ai faites, il me doit encore beaucoup d'argent, donc tu peux manger et boire à l'œil ici.
–Sérieux ?
–Ouais, il pourrait même me donner son bar que ça ne suffirait pas.
David nous dit :
–Tenir un bar… l'idée me plaît, hum… je m'y vois déjà.
Il sort son calepin et griffonne quelque chose. La soirée continue tranquillement comme ça, nous enchaînons les verres et les petites friandises. Finalement Taïba et Claire rentre ensemble, David lui, c'est mis à draguer une fille et ils parlent tous les deux dans un coin, Cynthia, Gloriam et moi nous sommes au niveau du bar, après un énième verre d'alcool, je dis :
–Ça fait un bien fou !
Aziz remplis nos verres pendant que Cynthia me rappelle :
–N'oublie pas que tu bosses demain.
–Arf ! C'est vrai !
Nous sirotons nos verres en continuant de parler de choses et d'autres. Je finis mon verre et le rends à Aziz :
–J'peux ravoir la même ?
Il prend mon verre et refait un cocktail, j'arrive plus à me rappeler le nom de l'alcool, Aziz me tend le verre plein :
–Et voilà pour toi !
Je pose ma tête sur le comptoir froid et fixe mon verre, ça me fait du bien. Je sens une main sur mon épaule, je regarde la personne, c'est un homme ; il me semble, je plisse les yeux et remarque son bras velue posé sur mon épaule, il me dit :
–Ça te dirait de passer un bon moment ?
Ouais, c'est bien un homme, je lui réponds :
–Non.
Et je remets ma tête sur le comptoir, il insiste :
–Allez, on va bien se marrer !
Aziz intervient :
–La demoiselle t'a dit non, alors arrête d'insister, c'est mon seul avertissement.
–Elle est complètement bourrée mec, on pourrait s'amuser, tu pourrais même passer après.
Quel connard celui-là, je dis à Aziz :
–Tu peux lui botter le cul de ma part, j'suis trop fatiguée et le comptoir est tellement bien, que je peux plus me lever.
Aziz fait le tour du comptoir et attrape le mec par le col, le gars proteste :
–Allez mec ! J'fais rien de mal !
Aziz le jette dehors en disant :
–Apprend à lire les panneaux !
Il claque la porte, malgré le remue-ménage le calme est toujours de mise, Gloriam demande au vieil homme :
–Ça arrive souvent ce genre de comportement ?
–Non, pas vraiment, ici, ce sont les bagarres qui sont régulières, mais depuis qu'on a mis la musique que David a conseillée, les bagarres se font rares.
–Ça n'entache pas votre réputation ? Les clients ne s'en plaignent pas ?
–Bah, pas vraiment grâce à Aziz, si le client est roi ce n'est pas lui qui fait la loi, les panneaux ne sont pas là pour faire joli, soit tu respectes les règles et tu t'amuses, soit tu sors.
–Donc il faut respecter chaque règle où qu'on aille ?
–Ahahah ! Il ne faut pas le voir comme ça ! Ici au Valhalla, tu fais ce que tu veux, tant que tu ne fous pas la merde.
–J'ai du mal à imaginer.
–T'es pas très fut' p'tit, pour faire simple, imagine t'as des substances illégales, tu peux vendre ta drogue ici, j'en ai absolument rien à faire. Par contre, si tu le proposes à quelqu'un qui dit non et que tu insistes, là j'en ai quelque chose à faire, c'est ce que j'appelle foutre la merde.
–T'en qu'on ne force pas les autres à faire ce qu'ils n'ont pas envie, on est libre ?
–Exactement !
–Ça inclut boire et manger ?
–C'est le but d'un bar.
–Et opéré les gens ?
–Euh…
–Tuer quelqu'un ? Faire un feu de camp ? Mettre une autre musique ? Faire du sexe ? Se foutre à poil ?
Cynthia met sa main derrière la tête de Gloriam et frappe sa tête contre le comptoir :
–Aie ! Arf ça fait mal !
Cynthia dit au vieil homme :
–Excuse-le ! Il a des idées noires quand il a trop bu.
Gloriam lui tient sa tête entre les mains, vu le bruit du choc, il risque d'avoir une méchante bosse. Je relève la tête et bois mon verre, Cynthia et moi nous continuons de boire quand David arrive d'un coup en disant :
–Bah dis donc vous avez une descente les filles !
Je lui demande :
–Qu'est-ce que tu fous ici ? T'étais pas en train de draguer y a deux minutes ?
–Ah si si ! J'ai même tiré mon coup, mais bon là, il commence à se faire tôt !
–Quoi ? Quelle heure il est ?
Il regarde sa montre :
–Quatre heures trente du matin.
Cynthia lui dit en rigolant :
–Eh eh ! T'es allé vite sur ce coup-là.
–Je vous ai abandonné il y a deux heures !
Aziz qui écoutait la conversation affirme :
–Ouais, c'était au moment où vous vous êtes bagarrées sur vos tailles de poitrine.
Cynthia lui dit :
–J'en ai absolument aucun souvenir.
J'affirme la même chose, Cynthia demande :
–Et on disait quoi exactement ?
Aziz réfléchit quelques secondes :
–Des trucs incompréhensibles comme euh… plate, c'est la justice et les obus, la vérité ou un truc dans le genre.
Je finis mon verre :
–j'me souviens !
Ils me regardent tous :
–J'me souviens !... Que mon verre est vide !
Aziz prend mon verre et le rempli de nouveau, il me tend le verre plein en me disant :
–C'est le dernier, après, on ferme.
–D'accord.
Je bois mon verre d'une traite :
–Allez, je vais essayer de dormir vu le peu de temps qui me reste.
Je me lève et me dirige vers la porte, David prend mon bras et me soutient, je proteste :
–Je peux y aller toute seule !
–Tu fonçais contre le mur.
–La porte avait qu'à pas bouger.
–Mais oui, mais oui. Camille fait comme moi et aide Cynthia.
Aziz nous dit :
–Faite attention sur la route !
Je lui réponds :
–T'inquiète, je gère !
–Faudrait déjà que tu arrives à marcher droit pour commencer, me dit David.
Il fait un froid de canard dehors, j'ai tellement froid, je me colle contre le corps brûlant de David, le bout de mes doigts froid se réchauffe à son contact, je sens sa peau frissonner à ce moment-là, je lui dit :
–Tu ferais une parfaite poche de chaleur dans mon lit.
–Alors par où commencer… Premièrement, tu fais quasiment partie de notre famille, ensuite t'es complètement saoule et troisièmement, je ne suis pas un objet Rose.
Cynthia me dit :
–T'es une vraie nympho toi quand t'as bu.
–C'est toi la nympho !
–C'est vrai ! Dit Gloriam, ça te tente pas de passer la nuit avec moi ce soir.
Il lui répond :
–C'est Camille d'abord et je n'ai aucun appareil sexuel adéquat à utiliser, juste pour te rappeler que je suis asexué.
–Y'a d'autre manière de s'amuser, tu sais.
David souffle :
–Oh, c'est pas vrai.
Ma vue se brouille.
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