Fêtes (2)
Je me lève et essaie de trouver quelque chose pour me changer les idées, ne trouvant rien dans ma chambre, je descends les escaliers. Il n'y a personne dans la salle de lecture, j'ai à peine le temps d'ouvrir complètement la porte que j'entends un cri, pas un hurlement de terreur, c'est plus un cri de soulagement :
–Oh ! Oui !
C'est la voix de Cynthia ; j'ai peur de savoir ce qui se passe, je descends au premier étage, je vais vers sa porte et me prépare à toquer quand elle dit :
–Bon cette fois-ci ! Vas-y gentiment s'il te plaît… Non non non ! Pas dans les fesses ! Oh ! Oui ! Oh !!! J'bouge plus ! Oh ! J'suis bien ! Oh ! C'est bon !
Pourquoi je reste devant sa porte ?! En plus j'entends vibrer ! Je vais juste m'éloigner tranquillement et faire comme si de rien était ; je fais tout pour que mon cerveau n'imagine pas ce qui se trame à l'intérieur. Je vais penser à des petits chatons, c'est mignon les petits chatons ! Je tourne les talons et part tranquillement, puis j'entends de nouveau Cynthia :
–Putain ! Ça fait du bien ! J'ai soif ! Je reviens faire ta fête dans deux secondes.
Elle ouvre la porte avec fracas. Et merde !
–Rose ? T'as une petite insomnie ?
Je croise les doigts pour qu'elle ne soit pas nue, je me tourne lentement vers elle ; Cynthia est emmitouflée dans un peignoir gris et est décoiffée. C'est pire que ce que j'avais imaginé, je lui souris. Fais comme si de rien était !
–Oui, je cherchais à m'occuper.
–Bah… vient, je vais t'occuper !
Je sursaute, j'ai bien compris ce qu'elle vient de me dire ? Bien que je la trouve mignonne dans ce peignoir, je ne ressens rien de sexuellement parlant pour elle, je décline son invitation :
–Désolé, je suis pas très sexe.
Elle lève un sourcil :
–Quoi ?
–Hein ?
Je me raidis. Ce n'est pas ce que tu viens de me demander ?!
–Rose, je suis heureuse de savoir que je te fais de l'effet, mais il n'y a que les hommes qui m'intéressent.
C'est quoi ça ?! :
–J'peux savoir ce que tu faisais dans ta chambre alors ?!
Elle me fait un sourire suffisant en levant ses sourcils :
–Tu pensais que je m'amusais toute seule, hein ?
–J'y ai pensé pendant deux secondes.
–Et bien, tu avais raison ! Je m'amusais toute seule, pas dans le sens où je me touchais.
–Tu faisais quoi alors ?
–Je jouais avec un de mes bébés.
–Pourquoi tout sonne sexe avec toi ?
–C'est vrai que des fois, j'me dis que j'aurais mieux fait de prendre Lust comme nom de code, mais vu toutes les cochonneries que j'avale… Et je ne parle pas de bite !
–Ça va ! J'avais compris.
–Aller, rentre, je vais chercher des boissons et des trucs à grignoter.
Mon corps suit la directive de Cynthia, même si mon esprit tire la sonnette d'alarme. Cynthia descend les escaliers, je passe le pas de sa porte. Un écran est allumé avec marqué en gros "Pause" dessus ; derrière, il y a deux personnes immobiles qui se battent, l'un des deux a l'air de passer un sale quart d'heure. À part l'écran, il n'y a qu'un lit défait avec plusieurs manettes différentes posées dessus ; il y en a une dans le tas qui est allumé. Je la prends et appuie sur un bouton, le gros "Pause" c'est enlevé et les deux personnages qui étaient immobiles se meuvent de nouveau ; la personne mal en point se fait jeter au loin par l'autre qui lui dit :
–Tu n'arriveras jamais à battre un demi-immortel ! Vu que je suis… immortels !
Celle qui s'est fait jeter se relève en disant :
–En tant qu'enfant marqué par la déesse Freya ! Je ne peux me permettre d'échouer !
J'entends la voix grave d'un présentateur dire :
–Fight !
La femme se jette sur l'autre personnage et l'attaque, il ne se défend pas, puis après quelques coups, elle sort deux stylets de sa ceinture en disant :
–Tu ne peux rien contre moi !
Elle lui donne une série de coups et finit par un coup de pied qui envoie valser l'autre par terre, il ne se relève pas, elle lui dit :
–On dirait que j'ai été assez mortel pour toi !
Le présentateur dit :
–Defeat !
J'entends Cynthia crier :
–Rose ! Qu'est-ce que tu as fait !?
Je crois que j'ai fait une connerie. Je me tourne vers elle. Cynthia a fait tomber une bouteille de soda et des paquets de sucreries. Je lui réponds :
–J'ai pas fait exprès.
Elle respire un grand coup :
–Bon allez Cynthia ! C'est pas comme si c'était la boss la plus dure du jeu et que tu essaies de la battre depuis deux heures. Respire. Expire.
–Je suis vraiment désolée.
–Non non ! T'inquiète ! J'aurais dû prendre la manette avec moi, c'est ma faute.
Elle reprend la nourriture qu'elle a fait tomber et s'assied sur son lit ; elle m'invite à faire pareille, je la rejoins et lui redonne la manette :
–On va faire un versus !
–Euh ? Quoi ?
–On va se battre dans le jeu.
–Ah !
–Tiens.
Elle me donne une autre manette, je lui demande :
–Comment on joue ?
–Soit tu apprends tous les inputs par cœur, soit tu utilises la technique du "appuie sur tous les boutons".
–D'accord !
Nous faisons plusieurs parties et elle gagne tout le temps, moi, j'arrive à enlever une barre de vie jamais deux. Cynthia fini par me dire :
–Bon allez ! C'est la dernière !
Je regarde ma montre, il est huit heures :
–Mon Dieu ! Que le temps passe vite.
–Pour notre dernier combat, je vais te donner un perso cheater.
Elle prend ma manette et appuie sur une série de boutons, ça fait apparaître l'ombre d'un personnage. Cynthia choisit le personnage soi-disant immortel. Ils apparaissent dans l'arène en disant leur phrase d'entrer :
–C'est bien la première fois que je dois affronter un autre immortel !
Mon personnage apparaît dans un éclair rouge :
–Tu n'entraveras point la faux de la mort ! Adieu pêcheur.
–Quoi déjà ?! J'ai même pas le droit à un deuxième rendez-vous ?
–Mon maître réclame ta mort.
Les deux personnages se mettent en posture de combat et le présentateur fait entendre sa voix :
–Fight !
J'utilise la technique du "appuie sur tous les boutons" et le pire, c'est que ça marche ! C'est la première fois que j'arrive à ne pas perdre une barre de vie et que je lui mets sa pâtée à Cynthia :
–Nan ! Mais ! Oh ! Comment t'arrives à faire ça !
Je lui réponds :
–Je sais pas ! Je sais pas !
Je fais une série de coups et son personnage à des étoiles qui tourne autour de lui :
–Vite ! Profite du fait que je sois stun pour utiliser ta super !
–Comment je fais ?!
–Quart de cercle avant, B, bas, X !
Je fais ce qu'elle me dit et mon personnage prend l'autre par la gorge en disant :
–Mécréant. Tu ne fais pas le poids !
Ils disparaissent dans un éclair et réapparaissent dans un autre endroit avec une sphère bleue en arrière-fond. Elle émet une onde de choc qui atteint le personnage de Cynthia, il se transforme en petit cube et disparaît :
–Soldat win ! Flawless Victory !
–Ouah ! C'était trop bien ! Même si je sais toujours pas jouer.
Cynthia me dit tout sourire :
–Je t'avais bien dit que je t'occuperais !
–Merci pour ses deux heures de rigolade !
–Ça fait du bien de se changer les idées !
–Ouais, on se refera une partie ?
–Aucun souci !
Je me lève et commence à partir :
–Bon ! Je vais aller faire un petit coucou à mes parents et ensuite passer du temps avec mes amis.
–Et beh moi j'vais me coucher !
Je lui demande, étonnée :
–Tu n'as pas dormi ?
–J'ai pas réussi à trouver le sommeil. On s'est tous fait un sang d'encre pour toi. Même si Max ne te l'avouera jamais… On est vraiment tous heureux de savoir que tu n'as rien, ce ne sont pas que des paroles en l'air, tu fais partie de la famille.
J'ai les larmes aux yeux, Cynthia le remarque :
–Qu'est-ce qui t'arrive ?
–Je… Je, mes larmes coulent le long de mes joues, ai-je vraiment le droit de faire partie de votre famille ?
Mes larmes ne cessent de couler, Cynthia se rapproche de moi et me serre dans ses bras :
–Bien évidemment… peu importe ton nom, d'où tu viens et ce que tu es. Tu auras toujours ta place dans cette famille.
Je déverse un torrent de larme sur son peignoir :
–Merci ! Merci infiniment ! Pour tout !
Je ne me suis jamais senti aussi bien, il y a un endroit qui m'accepte. Un royaume entier m'ouvre ses portes. Cynthia me caresse la tête :
–Pleure autant que tu voudras, ça va te faire du bien.
J'enfouis un peu plus ma tête dans son peignoir :
–Merci Cynthia !
Je renifle un grand coup, elle me dit :
–Hey ! Mon peignoir n'est pas un mouchoir !
Je rigole en disant :
–Désolé ! D'avoir mouillé… Ton peignoir !
–Tu sais que t'a phrase sonne sexe ?
Mon fou rire redouble, elle me repousse gentiment en disant :
–Aller, sèche-moi ses larmes, tu as des gens à voir.
Elle m'embrasse sur le front, j'ai vraiment l'impression de voir une mère réconfortant son enfant. J'essuie mon visage comme je le peux et demande :
–De quoi j'ai l'air ?
Elle passe une main dans mes cheveux et me répond en rigolant :
–D'une folle à lier !
–Et toi d'une folle tout court !
–Aller, recoiffe-toi un peu. Ton rendez-vous ne va pas se faire tout seul !
Je retourne dans ma chambre et fais le nécessaire pour avoir une meilleure mine malgré ma nuit agitée. Je m'habille chaudement et part rejoindre mes amis. Je descends le cœur léger et le sourire aux lèvres. Au rez-de-chaussée, Max m'attendait, il est seul et me demande :
–Rose, je sais très bien que c'est pas le moment, mais…
Je le regarde, étonnée par le fait qu'il ne finisse pas ça phrase :
–Mais… ?
–Rien laisse tomber.
Il s'assoit dans un fauteuil et ouvre un livre :
–Tu es sûr que ça va Max ?
–Tout se paye un jour.
Pourquoi est-il aussi énigmatique ?
–Euh… D'accord.
–Tu as l'air radieuse aujourd'hui.
–Très bien, je vais te laisser.
Je commence à partir et avant que je ne passe la porte Max me dit :
–On ne voit bien qu'avec son cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux. Souviens-toi de ces paroles Rose.
C'est comme s'il me mettait en garde contre quelque chose, mais contre quoi ?
–Pourquoi ça ?
–Tout vient à point à qui sait attendre.
Je le quitte en lui disant :
–Max, t'es bizarre !
–Je sais !
Je vais à mon rendez-vous, Estelle, Émile et Jessie m'attendent à la terrasse d'un café, Estelle en me voyant arriver me dit :
–Qu'est-ce qui s'est passé ? On t'a demandé en mariage après avoir guéri de ta maladie ?
–Tu peux être bête des fois ! Pourquoi James n'est pas avec vous ?
Jessie me répond :
–Tu sais, après l'arrivée ratée de l'amerloque, une réunion des nations s'est faite dans l'urgence pour arrêter ses effaceurs, Bernard a donc été invité à comparaître et il a pris son fils avec lui.
Émile me dit :
–D'ailleurs, tu avais raison Rose sur ce groupe, ils effacent uniquement les grosses pourritures. J'ai d'ailleurs trouvé un site fait par des fans du groupe, ils ont regroupé tous les faits et leurs raisons d'effacer.
–Ah ! Bah je savais pas. Et pourquoi James est parti avec son père ?
–J'sais pas, au moins j'aurai plus à supporter ses pannes de réveil.
Émile me demande :
–Et sinon tes parents, ils vont comment ?
Merde ! J'ai complètement oublié d'aller les voir en venant ! Estelle me demande :
–Rose, ça va ?
–Je devais aller les voir avant de venir.
Émile finit ma phrase :
–Et tu les as zappés ?
Je soupire :
–Ouais.
Estelle me dit :
–Ah ! Que serait Rose sans sa tête dans les airs ?
–Bah… je serais pas moi.
Jessie rigole :
–Ah ah ah ! C'est bien vrai !
–Bon j'suis désolée de vous laisser, mais je vais pas les faire attendre plus longtemps.
–T'inquiète, on ne risque pas de se faire effacer nous.
–À tout !
–Salut !
Je rentre chez moi, j'arrive devant la porte et essaie de l'ouvrir :
–Fermé à clef ?
Heureusement que j'ai gardé le double des clefs. J'ouvre la porte ; bon ! Comme je m'en doutais, il n'y a personne. La maison est vide, il y a une note dans le salon :
Rose
Avec ton déménagement, on ne voulait pas plus te déranger, on est partis faire Noël en famille comme chaque année. La dernière fois, tu nous avais fait une crise comme quoi, tu n'aimais pas cette réunion familiale, fais attention à toi.
P.S : T'as intérêt à nous le/la présenter quand on rentrera !
Je broie le papier dans ma main, je vais les étriper un de ces jours. Au moins ils sont fidèles à eux même et ils vont bien, je n'ai pas à trop m'inquiéter. Ils reviendront après le réveillon, je sors et ferme la porte à clef.
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