21. Erwin
— Erwiiiin ! appela Alicia Layne à travers toute la maison.
Penché au-dessus de la table du salon, l'interpellé se redressa en grommelant.
— Quoi ? hurla-t-il à son tour.
— Il y a quelqu'un pour toi !
C'était pile au moment où il commençait à étudier qu'on le dérangeait, comme d'habitude. Il laissa échapper quelques injures avant de se lever, lançant un regard dépité à ses feuilles de droit. Dans l'entrée, sa marraine l'attendait avec un sourire réprimé, Madden à ses côtés. Il ne cacha pas sa surprise.
— Qu'est-ce que tu fais là ?
— Je voulais parler avec toi.
Il ne comprenait pas son désir brusque de lui parler, de venir le voir comme si elle n'avait pas passé cinq mois à prétendre qu'il n'existait pas. Il acquiesça, espérant qu'elle aborde le sujet.
— La femme de ménage va passer dans cinq minutes, l'informa Alicia, il vaudrait mieux que vous montiez dans la chambre.
Il crut apercevoir un clin d'œil.
— Oui, d'accord, sourit timidement Madden en ramenant une mèche derrière son oreille.
Elle ne portait pas de bandeau et paraissait encore plus belle. Son pantalon fluide blanc mettait en valeur sa taille. Autrefois, il se serait tué pour pouvoir la toucher. Dessiner la courbe de ses hanches, y déposer des baisers. Aujourd'hui, il avait appris à ravaler ses passions. Il monta les escaliers et elle le suivit. Une fois dans la chambre, il ferma derrière lui.
— Désolé, c'est un peu le bordel. Alicia n'avait pas d'armoire alors j'ai fait comme j'ai pu.
Les boules de vêtements traînaient au sol, la moitié dégoulinant de la valise. Madden secoua la tête d'un air exaspéré, déposa son sac à main sur le bureau et s'agenouilla pour commencer à ranger.
— T'es pas obligée, fit-il, gêné.
— Si je ne le fais pas, tu ne le feras pas et tu vas devoir porter des chiffons.
— La femme de ménage repassera.
— Une femme de ménage n'est pas une bonne à tout faire. Elle n'est pas censée repasser tes chemises.
Et il la revoyait avant la rupture, quand elle lui faisait la morale pour un rien et qu'il souriait en la voyant s'énerver. Parfois elle souriait à son tour, d'autres fois elle s'énervait encore plus, et dans le deuxième cas, il l'aidait à ranger. Ces souvenirs firent battre son cœur un peu plus vite.
— Pourquoi t'es venue ?
— Je voulais te parler.
— Oui, tu l'as déjà dit ça.
Elle lissa un pantalon et le plaça au-dessus du tas.
— Tu n'étais pas chez tes parents.
Il s'assit sur le lit, l'observant à la dérobée.
— Non. Mon père est toujours fâché pour l'amende qu'il a dû payer.
— Tu as parlé avec lui ?
— Vaut mieux pas.
Elle tourna la tête, un sourcil rehaussé.
— Peut-être qu'il ne t'en veux plus.
— Ça m'étonnerait, rit-il doucement.
— Tu devrais lui...
— Madden. Je sais ce que je fais, ok ? Et puis Lucas est là-bas et je n'ai pas envie de le croiser.
Il posa ses mains sur sa nuque, les yeux rivés sur le mur blanc.
— Qu'est-ce qui s'est passé ? souffla-t-elle.
Il l'aperçut se relever et sentit le matelas s'affaisser à côté de lui. Une main se posa sur son dos. Il en frissonna.
— Rien. C'est personnel.
Une piètre excuse, il n'avait tout simplement pas envie d'en parler.
— Depuis quand il y a des choses personnelles entre nous ?
Cette question provoqua en lui une décharge électrique. Elle n'avait pas le droit de dire ça. Pas après tout ce qu'elle lui avait fait subir, pas après qu'il se soit excusé des millions de fois et qu'il n'ait reçu en retour que des "menteur" et "sale connard".
— Depuis que tu m'as claqué la porte au nez, Madden, dit-il d'un ton sec.
Elle retira sa main.
— J'étais énervée.
— Merci, j'avais compris. Je ne t'en veux pas. Je te dis juste que nos vies se sont séparées et par conséquent, chacun a des choses personnelles.
Il entendait sa respiration cogner contre l'atmosphère. Il la regarda. Elle avait ses grands yeux de biches brillants, la poitrine se soulevait dans un rythme irrégulier. Elle ouvrit très légèrement la bouche puis la referma. Immobile. Figée.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
Elle se pinça la lèvre puis tenta un sourire.
— Il n'y a rien du tout.
Des choses personnelles, comme il disait. Elle reprit une posture normale même si sa poitrine continuait de bouger anormalement.
— Il y a une soirée organisée chez les Voseire ce soir.
— Ce soir ?
C'était rare qu'on le prévienne si tard.
— Oui, Alexandre me l'a dit à peine ce matin.
— Et à quelle occasion ?
Ce ne pouvait pas être Halloween puisque c'était déjà passé. Elle haussa faiblement les épaules.
— Aucune idée.
Il n'insista pas. Peut-être que le père d'Alexandre voulait encore faire la pub de son vin pour Memphis. Même si le fait qu'il l'organise si tard, surtout pour un homme aussi organisé que lui, l'étonnait, il ignorait sûrement des imprévus ou un il ne savait quoi.
Au moment où il s'attendait le moins, il sentit un effleurement sur le dos de sa main. C'était Madden qui le touchait avec un bout de son doigt.
— Tu es venue rien que pour ça ?
Elle continuait de le regarder avec une expression déstabilisante.
— Je... fit-elle avant de déglutir. J'avais envie de t'embrasser.
Un bref silence passa.
— C'est une blague j'espère ?
— Non, je...
Il se leva brusquement comme si les doigts sur sa main venaient de le brûler.
— Tu te fous de ma gueule c'est ça ?
— Erwin, l'appela-t-elle en fermant les yeux, écou...
— Sors.
Elle les rouvrit avec, cette fois-ci, une douleur perçant ses iris marrons.
— Pourquoi ?
— Pourquoi ? répéta-t-il. Tu veux vraiment savoir pourquoi ? Parce que pendant cinq mois Madden, j'aurais pu me tuer pour pouvoir t'embrasser, parce que j'ai passé mon temps à essayer de me souvenir de cette soirée-là en essayant de comprendre où j'avais merdé, parce que j'ai eu le faible espoir que tu me pardonnes pour au final devoir me faire prendre par les flics avec un gramme d'alcool pour enfin réaliser que c'était trop tard ! J'en ai bavé, tu comprends ça ? Et maintenant que j'ai accepté la réalité, tu veux revenir et me lancer de faux espoirs en l'air ?
— Ce ne sont pas de faux espoirs.
Il lâcha un rire sans joie.
— Alors c'est quoi ? Le bon Dieu t'a parlé et t'a donné une explication aux événements passés ? Non parce que si c'est ça, ça m'intéresse.
— Arrête d'être cynique comme ça.
Elle se leva et il recula d'un pas.
— Je veux que tu sortes.
Elle reçut ses mots comme on recevrait un poignard en plein cœur.
— Très bien, céda-t-elle. Je vais sortir. Mais avant, j'ai besoin que tu me promettes de venir à la soirée de ce soir. C'est important que tu sois là-bas.
— Pourquoi, vous allez convoquer le tribunal ou quoi ?
Elle soupira.
— Promets-le moi, juste.
Il promit. Puis il ouvrit la porte et la fit sortir. Il ne pouvait pas la voir une seconde de plus sans entendre sa voix dans sa tête. J'avais envie de t'embrasser. Lui aussi il avait envie de l'embrasser. Depuis sept mois. Ce n'était pas une raison pour toquer à sa porte et le lui demander en prétendant pouvoir obtenir une réponse positive grâce à cette simple phrase.
Dans le salon, il n'y eut aucune femme de ménage visible. Madden partit avec un au revoir vague et il se rassit devant ses feuilles, bien décidé à les travailler avant le déjeuner. Mais sa marraine eut d'autres plans pour lui. Elle vint s'asseoir face à lui, les bras croisés devant sa poitrine.
— Pourquoi tu t'es inventé une femme de ménage ? en profita-t-il pour demander.
— D'abord je ne l'ai pas inventée, j'en ai réellement une.
— Ok, mais pourquoi tu as dit qu'elle venait maintenant ? insista-t-il avec une fatigue apparente.
— Pour que vous puissiez faire ce que vous aviez à faire dans la chambre, dit-elle comme si c'était évident.
Il se pinça l'arrête du nez. Sous ses yeux, les lignes de ses copies se floutaient.
— Marraine, c'est fini entre nous.
— Fini, fini, tout de suite les grands mots.
— C'est fini je te dis. Fini, ok ? Je dois te le traduire en chinois pour que tu comprennes ?
Il avait haussé la voix sans même s'en apercevoir.
— C'est sûrement un malentendu que vous avez eu, c'est tout, répondit-il d'un air un peu plus hésitant.
— Ouais, c'est ça.
Il ramassa ses feuilles, les aligna en frappant contre la table et se leva.
— Tu ne peux pas rester pour qu'on discute deux minutes ?
— Il n'y a rien à discuter.
Il s'enferma dans le bureau et n'y reparut qu'une heure plus tard, quand elle l'appela pour manger. Il ne parla pas, se contentant de fourrer les aliments dans sa bouche le plus vite possible. Il retourna étudier pendant quatre heures. Elle retourna le voir pour lui déposer une limonade, une autre fois pour des cookies qu'il ne toucha même pas. Il devait travailler. Être le meilleur de sa promotion. S'il ne pouvait pas réussir dans sa vie personnelle, il réussirait au moins dans ses études.
À dix-neuf heures, il prit une douche et se changea pour la soirée. Il n'avait aucune envie d'y aller, ayant encore la tête dans les statistiques économiques, mais il avait promis. Il demanda à Alicia de l'y emmener et celle-ci accepta avec entrain.
Dans la voiture, elle chantonna sur un air de Renaud, jetant quelques coups d'œil dans sa direction pour tenter de percer ses émotions. Ses tentatives auraient été vaines dans tous les cas puisqu'il ne ressentait rien. Seulement de l'ennui à l'idée qu'il allait gâcher une soirée à s'imaginer un futur impossible avec Madden. C'était ce qu'il faisait quand il ne pouvait pas penser à autre chose. Se faire du mal.
Elle traversa le parking du domaine Voseire puis se pencha au-dessus du volant.
— C'est pas la voiture de ton frère ça ?
Une Audi TT noire, c'était bien elle.
— Si.
— Tu savais qu'il serait là ?
S'il avait su, il ne serait pas venu.
— Non.
Alicia lui souhaita bonne chance avec un air désolé, lui serra légèrement l'épaule et le laissa partir. À l'intérieur de l'ancien domaine, des lumières bleues illuminaient les anciennes pierres, accompagnées d'une musique lourde. Il y avait moins de personnes qu'il n'avait pensé, que des élèves de Memphis à ce qu'il put remarquer. Madden ne se montra pas, ni aucun de ceux qu'il connaissait intimement. Il n'y eut que Emma qu'il trouva au bar, une bouteille entière de Vodka dans les mains.
— Tu fais quoi avec ça ?
Elle tourna lassement la tête vers lui, puis quand elle l'eut reconnu, se jeta sur le goulot. Son visage se convulsa violemment.
— Je me tue.
Il parcourut la salle du regard pour ne trouver que de vagues connaissances.
— Simon n'est pas avec toi ?
— Simon peut bien aller se faire foutre.
— Qu'est-ce qui s'est passé encore ? soupira-t-il.
— Ce qui s'est passé, c'est que son pote a tenté de me violer après m'avoir dit que Simon voulait me "partager". Tu vois la vie de merde que j'ai ? Ce genre de chose, ça n'arrive qu'à moi putain.
— C'est qui son pote, Léandre ?
— Ouais.
— Il est là ?
— Pourquoi ?
— Ce serait l'occasion de me défouler sur quelqu'un.
Elle étouffa son rire dans la bouteille. Sa gorge se déplia pour accueillir l'alcool. Il fut à deux doigts de lui arracher la bouteille avant de contrôler ses pulsions et se dire qu'elle irait peut-être mieux après ça.
— T'inquiète pas pour ça. Sasha lui a déjà réglé son compte.
Elle paraissait assez lucide pour parler, c'était déjà ça.
— Madden est là ?
— Ouais. Tout le monde est là.
— Je ne les ai pas vus.
— Normal.
Il garda ses yeux sur elle pour attendre un développement. Mais elle ne dit rien. Ses mains s'attardèrent seulement sur le verre du récipient et son regard se perdit dans l'étage de vin qui s'étalait face à elle. D'un côté il voulut partir à la recherche de ses amis, de l'autre il refusait de laisser Emma seule. Elle était capable de commettre une énorme bêtise et il ne voulait pas perdre quelqu'un d'autre à cause d'un gros débile qui s'était permis de se l'approprier contre sa volonté. Il se promit de t'éclater le crâne de Léandre Lavandiers quand il le croiserait dans les couloirs de Memphis. Et celui de Simon Beaulait en chemin aussi. Autant bien faire le travail.
Il attendit dix bonnes minutes que quelqu'un surgisse de la foule. Emma était sur le point de vider sa bouteille quand il la lui retira des mains et la redonna au barman. Elle lui envoya un regard noir mais préféra appuyer son front contre le comptoir plutôt que de protester.
Puis, tout à coup, la musique s'arrêta. Les lumières bleues se figèrent. Emma se redressa.
— Ah. Les rideaux viennent de se lever.
Avant qu'il ne demande quels rideaux, elle attrapa une bouteille neuve posée à sa gauche et se fraya un chemin dans la foule d'élèves qui commençaient à s'agglutiner vers le milieu. Erwin n'eut d'autre choix que de la suivre. Et rapidement, il les vit tous. Madden, dans une robe noire moulante, les cheveux tirés en un chignon bas et les yeux entourés de noirs. Cependant, ce n'était pas la couleur de ses atouts qui la rendait sombre. C'était son regard. Il y avait William et Alexandre puis en face, Lucas, assis sur l'estrade, une cigarette entre les doigts. Raven à côté, secouée d'angoisse. Emma s'incrusta, un sourire ironique plaqué sur ses lèvres.
— Enfin, souffla-t-elle. Je vais enfin pouvoir m'exprimer.
Madden tendit sa main dans sa direction. Il regarda autour de lui puis se décida à la rejoindre. Elle enroula ses doigts autour des siens, les serrant assez fort pour ne plus le laisser partir.
— Tu m'expliques là ?
Raven avança d'un pas, coupant l'élan de Madden qui s'apprêtait à lui répondre. Elle avait ses ongles plantés dans ses bras.
— Je suppose que vous avez déjà découvert la moitié des faits.
— Non, répondit-il automatiquement.
Lucas le regarda fixement tout en portant la cigarette à ses lèvres. Raven avait presque l'air de vouloir pleurer pour lui.
— Vous êtes dégueulasses de ne pas lui avoir dit, cracha Emma.
— Dit ça à William, se défendit Madden.
Celui-ci balança sa tête en arrière en expirant bruyamment.
— Tu sais pourquoi je ne voulais pas.
— Vos gueules putain, les coupa Lucas. Dans l'immédiat, on s'en fout.
Erwin n'y comprenait plus rien. Il se raccrocha à son frère, parce qu'il était le seul dont il pouvait facilement deviner la pensée. Mais il n'y lut que de la tristesse. Aucune réponse. De la tristesse et de la fumée à la senteur de tabac.
— Erwin, prononça Madden en lui prenant les deux mains.
Alors il changea de bouée et plongea son regard dans le sien, avec aucune intention de relâcher jusqu'à avoir obtenu une réponse. Son maquillage noir agrandissait ses yeux. Ils brillaient trop fort pour que ce soit autre chose qu'un début de larmes.
— Je suis désolée de ne pas t'avoir cru.
— Cru de quoi ?
— Quand tu disais que tu ne te souvenais plus de rien.
Il observa brièvement les autres. Tous regardaient. Un silence pesant planait, comme si le monde entier savait quelque chose qu'il ignorait.
— Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
Elle serra plus fort ses mains.
— Leila t'a drogué, Erwin. Tu ne te rappelais plus de rien parce qu'elle avait versé du GHB dans ton jus de fruit.
Une épée lui ouvrit lentement le cœur. Elle se moquait de lui, non ? C'était une blague ? Mais à voir ses joues se mouiller, il comprit que c'était bien réel.
— Elle... elle a couché avec moi alors que j'étais inconscient ?
— Pas inconscient. Juste incapable d'agir.
Sa voix dérailla vers la dernière syllabe. Lui, c'était son âme entière qui déraillait. Ça ne rentrait pas dans sa cervelle. Il se disait : impossible. Pas Leila. Pas la fille qu'il considérait presque comme sa meilleure amie, pas avec celle dont il avait juste voulu, ce soir-là, partager la dernière saison de Stranger Things. Leila. Mais qui était-elle ? Pourquoi avait-elle fait ça ?
Ce fut encore pire qu'avant. Il était paumé, vraiment paumé, des pièces manquaient et tout le monde avait l'air de... savoir. Il avait passé son temps à s'excuser alors qu'ils étaient au courant. Madden se mit à pleurer et se jeta autour de son cou. Il posa ses mains sur elle d'un air absent. Au-dessus de son épaule, il croisa le regard de William.
Lui aussi savait.
Puis celui d'Alexandre.
Lui aussi.
Puis Emma, puis Raven puis Lucas, son propre frère. Il n'y avait pas Leila, mais si elle avait été là, parmi eux, il se serait jeté sur elle pour l'étrangler. Elle avait bousillé sa vie.
— C'est drôle dans le fond, lâcha soudain Emma, parce que celui qui passait pour le méchant se convertit tout à coup en victime, et la victime devient la cause de tout ce bordel.
Un léger rire accompagna ses propos. Madden s'écarta de lui, le souffle ralenti.
— Tu te réfères à qui ?
— À qui d'autre à part toi ?
Raven et Lucas se tournèrent simultanément vers elle.
— Vous m'avez peut-être réduite en silence vous deux, mais je n'oublie pas pour autant.
— De quoi tu parles ? fit Raven d'un air presque irrité.
— Je parle de la jolie et innocente Madden Scott qui a foutu la grande merde et que j'ai dû supporter bien trop longtemps.
Erwin glissa une main dans son dos, prêt à la défendre sous toutes les coutures. Il était convaincu que Madden n'avait rien à voir avec tout ça.
— Explique-moi parce que je ne vois pas du tout ce que j'ai bien pu faire de mal.
— Oh, vraiment ? Très bien. Commençons par le début.
Alors elle commença.
Annotations
Versions