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Paris, 2019
— Ce que tu veux dire, c’est qu’il y a un « esprit de famille », une morale, et qu’elle date de cette époque ? Partagée par toutes les générations suivantes ? Remarque, c’est vrai que tu es assez indifférent à ta fortune !
— Continue, Nat : « C’est facile de ne pas s’intéresser à l’argent quand on en a ! »
— Oui, un peu. Ce que je veux dire, c’est que cette histoire ne t’explique pas, toi, entièrement !
— Bien sûr que non ! Mais je crois qu’on a tous des traits de caractère communs dans une famille, issus du passé lointain, ce qui donne des ambiances différentes. C’est sûr que ça n’explique pas tout, qu’il y a des vilains petits canards et tout ça, mais moi, je me sens proche de Léon !
— De l’image que tu t’en es fait ! Parce que, au niveau rigueur scientifique…
— D’accord ! Mais je maintiens ! Ce sont de bonnes racines !
— Sans doute. Revenons aux faits historiques. Finalement, dès la deuxième génération, ils se sont embourgeoisés.
— Ophélie était déjà une petite bourgeoise, c’était facile pour les enfants.
— C’est curieux cette « garden party » !
— Je pense que c’est l’ouverture de la route entre Rodès et Cahors, qui passait par Lampeyrac, qui les a reliés à la ville et aux mondanités. La famille reçoit la bonne société des lieues aux alentours. Il suffit de voir la liste des invités qui s’allonge chaque fois, jusqu’à cinquante personnes, mélangeant robins, notables, bourgeois, ecclésiastiques… On comprend la grande salle de réception !
— Tu veux dire que c’était prévu dès la construction ?
— On dirait ! Par contre, je ne sais pas si la décoration avec les lambris est d’origine. Plutôt, toute maison respectable avait forcément une salle de bal ou de réception. Bon, ces entassements de menus et de listes d’invités sont sans intérêt. On voit juste qu’ils mangeaient bien quand ils faisaient la fête ! Le plus amusant est cette histoire de citronnade, qui semble le must exotique de ces journées.
— On reste à l’essentiel ! C’est fini pour Léon ?
— On va passer à Augustin, son fils. Il a fait ses études chez les frères, comme son père. Il partage avec lui un esprit libre et ouvert aux idées nouvelles de l’époque. Léon exprime, dans une lettre de 1775, sa fierté de détenir les vingt-huit volumes de l’Encyclopédie, après vingt ans d’abonnement à cette « révolution des pensées », affirmant, écrit-il, « avoir lu tout ce qui avait trait à l’agriculture et parcouru la majeure partie de ce savoir enfin réuni ». Père et fils aiment partager les idées originales de Voltaire, de Rousseau, d’Holbach, toutes ces nouveautés révolutionnaires. Augustin en devient prosélyte et se fâche avec les notables catholiques rigoristes, proches des dévots et des Jésuites. Le curé cesse de lui dire bonjour, ce qui l’amuse beaucoup. Le progrès est en marche !
— Tellement en marche, que la Révolution arrive !
— Doucement ! Il nous reste quelques tranches de vie à découvrir, dont une qui va te surprendre ! Les autres portent sur l’agriculture.
— Décidément ! C’était vraiment leur quotidien…
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