Chapitre 03.3

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L’odeur…

Il la sentit à nouveau, plus forte. Il s'arrêta net.

Elle était là à quelques mètres de lui. La kèr, telle que Teutatès l'avait décrite dans son manteau rouge sang. Elle était couverte de la tête aux pieds et seuls ses yeux étaient visibles. Des yeux étonnamment vifs.

Adad vit l'une de ses mains aux longs doigts griffus…

Elle tenait une arme courte, mais dont le tranchant ne laissait aucun doute sur ses intentions.

Elle avança d’un pas dans sa direction.

Il voulut reculer, mais l’un de ces chariots à bagages l’en empêcha.

Et puis, Circé se trouvait derrière elle.

Il ne pouvait la laisser à la merci de cette meurtrière en puissance. Il ne voyait pas comment lui échapper. Elle avait déjà failli les tuer une fois… Cette fois, il y avait de fortes chances qu’elle parvienne à son but. Il n’avait pas d'arme, contrairement à elle.

Les autres ne pouvaient plus les voir.

Cette fois, ni leur père, ni leurs frères ne leur viendraient en aide.

La Kèr continuait sa progression dans sa direction.

Si au moins, il pouvait prévenir Circé pour qu’elle rejoigne Rhadamanthe, mais son attention était ailleurs…

Venus d’où il ne savait, comme deux forces irrésistibles, deux créatures qu’il n’eut pas le temps d'identifier, traversèrent la foule et bousculèrent violemment la Kèr avant de poursuivre leur course.

Celle-ci sembla à peine perturbée par leur passage. Elle le fut plus par le droïde de sécurité qui les poursuivait.

Elle eut beau être suffisamment rapide pour la cacher, la présence de son arme ne passa pas inaperçue.

Le droïde sur roue changea immédiatement de cible. Comme il n’avait pu l’identifier, il se mit à faire du surplace en tournant sur lui-même.

Nombre de voyageurs s'écartaient pour ne pas le frôler.

La Kèr avait disparu.

Adad ne perdit pas son temps à se demander ce qu’il avait à faire, ni même où était passée cette calamité de Kèr.

Il courut en direction de l’endroit où il avait vu Circé pour la dernière fois.

Il la trouva assise par terre, écoutant un second droïde de sécurité qui se tenait à côté d’elle.

Adad ne saisissait rien de ce qu’il racontait. La langue qu’il utilisait était la même que celle des Gris et Circé semblait très intéressée par son discours comme si elle le comprenait.

Il aida Circé à se relever.

— La Kèr est ici… Elle nous a suivis. Je l’ai vue. Comment est-ce possible ?

La fillette ne répondit rien.

— Nous sommes encore en vie grâce à des voleurs, poursuivit-il. Mais nous n’aurons sûrement pas cette chance la prochaine fois. On doit partir d’ici. Disparaître, tu comprends ?

Elle acquiesça d’un signe de tête.

Le jeune homme regarda autour de lui.

Il devait trouver un endroit discret pour se cacher durant quelques heures. Le temps de réfléchir à ce qu’il devait faire.

— Viens…

Circé ne chercha pas à résister lorsqu’il lui prit la main et l’entraîna derrière lui.

Ils se glissèrent dans le flot de voyageurs, mais quel que soit le groupe dans lequel ils s’incrustaient, Adad sentait toujours ce regard dans son dos.

Sans crier gare, il bifurqua dans un escalier.

— Grimpe sur mon dos, ordonna-t-il à sa sœur qui obtempéra immédiatement.

Ereshkigal avait fini par trouver un cadeau qui plairait très certainement à Circé : un pendentif représentant un insecte rare qui portait bonheur à celui qui avait la chance d’en voir un.

Comme n’importe quelle Dræganne, elle avait d’abord été attirée par des objets brillant, scintillant, irisant, mais Circé n’en aurait que faire, elle en était certaine. Elle avait donc reporté son choix sur une pierre sombre au toucher tiède et d’une incroyable douceur.

Ce n’était pas tant Circé que son frère qu’elle voulait toucher. Elle avait remarqué son côté protecteur envers sa sœur.

Ses propres frères n’avaient jamais été ainsi avec elle. Elle ne les avait d’ailleurs pas connus, et heureusement pour elle.

D’après le peu qu’elle en savait, ils n’auraient pas hésité à la supprimer avant sa maturité pour éviter une rivalité supplémentaire, ou bien l’aurait vendue comme épouse ou concubine à un autre Draegan dont ils souhaitaient s’assurer l’alliance.

Ils étaient à l’image de ses parents. L’instinct maternel ne les avait jamais étouffés.

Quant à Rhadamanthe, à ses compagnes et à ses serviteurs, ils étaient tous des étrangers, froids et distants.

Même Calliope ne montrait aucun sentiment à son égard.

Ereshkigal se demandait même comment elle était arrivée à leur service puisque ce n’était pas Rhadamanthe qui l’avait engagée, et Inanna ne la connaissait pas encore quelques jours avant d’embarquer. Enki, lui, il s’en fichait. Il avait une servante et cela lui convenait.

La jeune fille était étonnée que Rhadamanthe ait effectué un détour pour prendre ces deux Drægans sans éducation, sans la moindre connaissance de ce qu’ils étaient vraiment, et leur ait fait quitter la Terre.

Plus encore qu’il ne les ait pas déposés quelque part, sur l'une de ses planètes-domaines à peine vivables au lieu de les emmener jusqu’ici.

Il lui semblait même qu’Adad et Circé avaient un effet bénéfique sur lui parce qu’il était venu les voir, deux fois, et leur avait parlé.

Donné des ordres était plus exact.

Au moins, il n’avait pas fait comme s’ils n’étaient que de vulgaires animaux familiers.

Ereshkigal savait très bien que les cinq cents premières années d’un Drægan étaient une lutte incessante pour la survie. Elle en avait à peine vécu un tiers, et elle devait encore subir les deux autres. Elle se demandait souvent si elle y survivrait.

Avec des alliés comme Adad et Circé, elle avait peut-être une chance.

Au début, lorsqu’elle était arrivée chez Rhadamanthe, elle avait pensé qu’Enki pourrait être cet allié.

Elle avait été l'objet de quelques attentions amicales de sa part mais cela n’avait pas duré longtemps. Il avait vite repris ses distances comme s’il craignait qu’elle l’égorge dans son sommeil. Néanmoins, il lui fichait la paix, et n’avait montré aucune velléité de meurtre à son égard.

Contrairement à Inanna qui lui avait recommandé d’une façon très charmante de ne jamais se retrouver, seule, face à elle dans un coin obscur du vaisseau de Rhadamanthe, ou près d’un vide-ordures.

L’idée d’être éjectée dans l’espace lui souleva le cœur.

Aucun des trois n’était frère et sœur.

Issus de maisons ennemies, il n'y avait rien d’étonnant à ce que ce soit la guerre permanente entre Inanna et elle, ou même entre Enki et Inanna. Il n’était pas rare que leurs disputes s’achèvent avec des armes et des blessures qui auraient pu mettre fin à la vie de leur hôte. D’ailleurs lorsqu'elle avait de nouvelles cicatrices, Inanna éprouvait le besoin de les montrer, histoire d’effrayer ses adversaires. Enki, lui, s’en moquait ouvertement, ce qui la mettait de nouveau en colère.

Ereshkigal évitait de se mêler de leurs différends, mais il arrivait qu’Inanna reporte son agressivité sur elle ou sur Calliope.

Le reste du temps, Ereshkigal arrivait à s’entraîner au combat avec cette dernière, et parfois même avec Enki qui était un aussi bon combattant qu’il le prétendait, et sûrement plus.

Elle était persuadée qu’il cachait une partie de ses connaissances et de son art. Elle comprenait son attitude. Aucun Drægan ne devait savoir ce que son potentiel ennemi avait en tête, et encore moins ce qu’il savait faire.

Enki s’évertuait à appliquer ce principe.

Il arrivait toujours à battre Inanna-Ishtar. Cependant, Ereshkigal trouvait qu'il le faisait avec beaucoup trop de facilité alors que la jeune Dræganne passait des heures à s’entraîner avec les labirés.

Le reste de son temps, Inanna le passait devant son miroir à enjoliver ses blessures, à se refaire une beauté et choisir une nouvelle tenue qui la mette mettre en valeur.

Elle passait aussi de longues heures à se parler à elle-même et à jurer qu’à un moment ou à un autre, elle les tuerait tous.

Enki et Ereshkigal en premiers.

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