Prison de mon coeur
Je ne sais pas comment commencer cette lettre si spéciale. Est ce que je dois commencer par un bonjour ou un salut, alors que je ne devrais pas t'adresser le moindre mot, te laisser croupir derrière tes barreaux comme disent les gens.
Je sais pas pourquoi je t'écris, pourquoi je reviens vers toi. Des mois que je tourne cette lettre dans ma tête, des mois que je me demande ce que tu ressens. Est ce que pour toi aussi y a une douleur ? Un vide ? Un manque ?
Je ne devrais pas revenir vers toi, non je devrais te fuir, pourtant je passe devant ta prison et j'ai envie de venir à toi, de te laisser m'attacher comme tu le faisais, te laisser me faire du mal, car c'est lorsque tu salissais mes chairs que j'avais ton attention. Je devrais te haïr, je sais que ce que tu m'as fais pendant toutes ses années, ce n'était pas normal, monstrueux, que lorsque tu m'as volé ces années j'aurais du te tuer, tu m'en as laissé l'occassion, plus d'une fois mais pourtant j'ai jamais réussi à prendre ce couteau que tu me laissais. Je me rappelle de ce que tu me disais "tu veux partir alors pars". Pourtant je restais, ce couteau aurais pu couper cette corde mais je n'ai jamais eu le courage de partir loin de toi.
Je ne connais même pas ton prénom, je connais juste ton odeur, celle d'une gel douche poivré mélangé à la sueur qui se formais quand tu me faisais du mal, que tu me forcais à te prendre, lorsque tu me giflais pour me faire hurler de peur ou quand tu brulais ta cigarette sur ma peau. Que tu m'humiliais par tes actes et tes paroles.
Tu sais je repense à ces deux nuits, ça me hante tu sais et je me demande si toi aussi tu y repenses. Je sais que tu ne les voulais pas, tu m'as expliqué que ça serait trop compliqué d'éléver des enfants en étant attachées, que ça les traumatiserai. J'ai tenté de te cacher ce deuxième bébé mais tu connaissais mon corps que trop bien. Tu m'as fais mal tu sais, ces deux nuits là, vaut toutes celles que j'ai passé avec toi. Ce n'est pas tant la douleur physique de l'aiguille que tu m'enfonçais pour faire partir ce que tu m'avais mis dans mon ventre. Non c'est de me priver d'être la mère de tes enfants alors que t'en as déjà eu, pourquoi moi j'ai pas le droit d'en avoir ? Pourquoi elle, tu lui as laissé en avoir et pas moi ! Je la deteste tellement ! C'est elle qui devrait croupir en prison, pas toi !
Depuis que t'as été arrêté je n'arrive plus à vivre. C'était toi qui me donnais à manger, qui me disais quand me laver, quand me doucher, quand écarter mes cuisses pour que tu me touches pour me faire jouir ou pour me faire crier. Je ne me suis pas réapropriée mon corps depuis toi, je le nourris car il faut, je le vide car il faut, je respire car il faut mais il reste à toi. Tu sais chaque fois que je me regarde dans le miroir, je répète la phrase que t'as gravé sur mon ventre avec la lame du couteau "je suis à toi". J'aime regarder cette phrase et je l'entretien en la saignant pour que jamais elle ne s'efface, comme toutes les cicatrices de mon corps. D'ailleurs j'ai refusé qu'on me soigne mon oeil que tu me brulais, je sais que tu le trouvais beau, que tu aimais poser ta cigarette dessus.
Je n'arrive pas toujours à me comprendre. Les medecins m'ont dit que c'était normal d'avoir un attachement pour son bourreau, que ça passerait mais ça ne passe pas. Je ne vais même pas voir la psychologue car je ne veux pas guérir de toi, c'est pour ça que je n'ai pas voulu avorter. J'espère que tu me comprendras, que tu ne m'en voudras pas mais il m'était impossible de tuer notre 3ème bébé. J'ai hésité tu sais, quand les medecins m'ont annoncé ma grossesse, j'ai hésité et puis on m'a dit de ne pas le garder sinon à vie j'aurais un morceau de toi sous les yeux. C'est ça qui m'a fait prendre ma décision, avoir un morceau de toi dans ma vie, c'est tout ce qu'il me restait désormais. Je te rassure, il ne saura jamais ce que tu m'as fais et je t'attendrai le temps qu'il faudra pour te le présenter, je ferai de toi un dieu, un exemple pour lui comme tu as été le mien.
Sache qu'à ta sortie, ta famille t'attendra. J'espère que tu me pardonneras ce choix, cette lettre, ces quelques mots.
Je t'aime pour toujours.
Ta fille.
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