La Tribu des souvenirs et le miroir tâché

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 Une Mercedes grise 5 places pleine d'une dizaine de gamins, leurs bras s'agitant en tous sens et leurs rires enorgueillissant le périphérique de posséder une joie innocente. Des peaux de toutes les couleurs, quelques huit garçons et une adorable petite tête blonde qui sort par la fenêtre. Elle a l'air particulièrement maline pour son âge et semble observer les camarades du périph râler à cause des bouchons. On dirait une tribu amazonienne ou un gang de Chicago débarquant dans un nouveau monde. Ils rient et jouent et s'amusent comme tous les enfants. Je m'imagine alors que leur père les emmènent au parc des Naudières comme lorsque j'avais leur âge et qu'avec mes amis on passait nos pieds nus par la fenêtre. Ils vont jouer toute la journée et la moitié d'entre eux somnoleront sur le chemin du retour. Un jeune garçon joufflu s'adresse à la petite blonde, il a la peau hâlée et un peu de gras comme moi à son âge. Il lui débite probablement des blagues sottes à la volée, le concours d'humour que tous les enfants connaissent et que les adultes refusent de reconnaître. Elle écoute à moitié, fascinée par la route. Le pneu lèchait le goudron avidemment comme un jeune homme timide arrivant dans un bordel pour la première fois. Un bras noir et velus pends par la vitre avant. Le père conduit d'un air serein. Il a la peau dure, forte et grossière, comme mon propre père. Mais je l'imagine différemment. Parti de rien et fier de sa réussite, de l'orgueil plein le coeur et le droit de le montrer. Après tout, n'a-t-il pas élever ces enfants seuls en faisant carrière parallèlement quand personne ne croyait en lui, qui n'avait ni éducation, ni soutien? Le genre d'hommes qui te disent que: " Si t'as pas les mains calleuses et pleines d'ampoules, c'est que t'es pas un homme fiston." Ils continuent sur l'autoroute et on prends la première sortie, amusez-vous bien aux Naudières et surtout profitez bien de la piscine à bulles, c'est un super endroit. Peut-être cette rencontre ne changera-t-elle rien dans ma vie, peut-être vient-elle implicitement de me décider à avoir un jour des enfants, l'homme est trop compliqué.

 Plus tard dans la journée j'ai croisé le regard d'une caissière. Brune et jolie, jeune aussi, presque autant que moi je crois ce qui est surprenant puisqu'elle travaille déjà. Son sourire contenait alors toutes les joies du monde et on n'aurait pu imaginer sourire plus sincère et pur. Pourtant j'avais l'impression qu'il ne l'était pas. J'étais triste et fatigué et ce sourire prenait un air sale et traître par mes yeux. Pire encore je lui répondais d'un sourire désespéré alors qu'elle ne s'adressait pas à moi et je suis presque certain que cela l'a effrayée. Elle m'avait lessivée des derniers espoirs que j'avais en l'humanité ce jour-là en me montrant son meilleur et en me décevant ainsi de ce que la beauté pouvait accomplir. Tant pis, ça ira mieux demain. Je crois que c'est sa beauté, sa gentillesse et la grandeur de son âme qui m'ont le plus effrayé en réalité, comme si elle me ramenait sans arrêt à la haine que je ressens pour moi-même en comparaison de l'amour qui émanait de son visage. Je repartis sombre et plein d'amertume ce jour-là et en rencontrant des dessins publicitaires sur les murs du centre commercial, je n'y vu que des corps écorchés dont le sang dégoulinait des murs et tâchaient mes souvenirs. J'avais envie de me tuer mais heureusement c'est passé, comme tout le reste.

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