Aliénation

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 Mon cerveau a buggé.

 Tous mes sens s'éveillent et s'échappent à la fois. Je n'entends qu'à peine les voix, comme des murmures fragiles qui se répandent en moi. Brouhaha, boucan, clameur retentissante ! Le vacarme naît, grandit et s'étend. C'est un orchestre qui joue dans ma tête : les bois sifflent, les cordes vibrent et les cuivres rugissent. Tout se mélange et se confond ; je sens la musique embraser ma respiration. Ce feu hurle, s'agite, mord. Il brûle, il dévore. Mes poumons se consumment sous ma peau qui noircit, sans rougir d'abord. Je la vois fondre, ruissellant sur le sol ; la fin est proche, je sens la mort. Elles en veulent encore, la douleur et les flammes, elles adorent.

 Je tombe en morceaux, et me répends en tapis de cendres.

 Mon esprit libéré de ce corps devenu poussière s'éparpille dans les airs, et s'égard dans les abîmes de l'univers. Mon âme s'évapore dispersée, volatile, balayée par des vents contraires.

 Les saisons s'inversent, le temps s'arrête, tout se perd et se mélange. Haldol, Risperdal, Clozapine et Xanax en fanfare, voilà les maîtres de la mélodie. Clozapine dirige d'une main de fer, sans elle, les instruments délirent. Xanax, quant à lui, est le plus gentil de tous, et propage parmi les choeurs sa sympathique douceur. Les plus embêtants sont les autres compères - à deux, ils font la paire ! - paresseux et abouliques, ils ralentissent la musique. Roses, bleus et blancs, roulent sous mes doigts les petits cachets ; de rage, et de frustration, hop les voilà jetés avec les déchets ! Le monde ne voit que ma folie, que ma maladie. Et lorsque les voix reviennent me hanter, il ne reste pour les écouter que les éclats de ma conscience fragmentée.

Coupe ! Coupe ! répètent-elles en chœur lorsque je regarde ma peau blanche et nue. Elles veulent du sang, elles veulent de la douleur et ne se taisent que lorsqu'elles en ont obtenus. Elles aiment mes jambes bariolées ; rouge et mauve sont leurs couleurs préférées.

 Les odeurs se colorent, les sons se parfument, les couleurs résonnent. Plus rien n'a de sens, tout se perd et se mélange. Je cris, je hurle. Soudain j'entends dans tout ce bruit les mots maudits : c'est la schizophrénie.

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