Chapitre 6 : La ruelle

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  Nous arrivâmes près de la scène du crime. La zone grouillait de monde et surtout de journaliste. Que se passait-il ? Je descendis de la voiture, mis mon sac sur le dos et avançai. Je vis les policiers qui peinaient à retenir les chiens affamés de nouvelles. Une vraie plaie. J'approchais de la foule, suivi par mon collègue, et demandait gentiment à passer mais tous hurlaient pour obtenir des informations. Je perdis vite patience. Je tendis les bras à travers la masse humaine et l’écarta tel Moïse. Les deux mètres de journaliste qui me séparaient du cordon jaune tombèrent de chaque côté de moi. Une vague de protestation s’éleva :

  • Pour qui tu te prends ! … On a le droit être là ! … D’où tu nous pousses, grande asperge ?!
  • Erreur fatale, chuchota Alexander.

 Je fixai celui qui m’avais insulté. Je mis ma main sur ma hanche ce qui dévoila ma plaque.

  • Et toi ? Repris-je doucement, d’une voix calme mais proche de l’explosion. Tu insultes un officier en fonction.

J’attrapai son carnet de note et le déchirai.

  • Laissez la police faire son travail.

 Je passai sous le ruban. Mon collègue en fit de même. Le policier présent me remercia d’avoir calmer les journalistes. Nous passâmes devant une boîte de nuit nommée la boîte noire. N'étant pas très loin de chez moi, j’y étais quelques fois. Mais ce n’étais mon genre. J'avais même failli me faire bannir à cause de quelques garçon un peu trop attachant, et de quelques nez cassés.

 Des agents sortaient de la ruelle adjacente au bâtiment. L'un d’eux se précipita derrière sa voiture de fonction et vomit. Je m’approchai et lui demandai :

  • Que se passe-t-il ? Ça va ?
  • Oui... oui... merci inspectrice, me répondit-il. C’est... la scène de crime... Vous êtes les inspecteurs en charge de l’affaire ? Bonne chance.

 Je le laissais et avançais dans le couloir sombre. Nos hommes avaient installé quelques lampes pour y voir. C'était la sortie de secours de la boite de nuit, ou plutôt la sortie de vidange, pour les indésirables. Peu large, la ruelle était en plus chargée par les poubelles du club. Je vis notre médecin légiste, accroupi près d’une benne. 

  • Bonjour. Alors ? Qu'avons-nous... commençai-je avant de voir l’horrible scène.

 Le corps visait dans une mare de sang, adossé au mur, sans vie... et sans tête. Il manquait même tout le bras gauche ainsi que la partie du torse au-dessus du cœur. Celui-ci était même visible directement. On aurait dit qu’une bête sauvage avait commencé à le dévorer. Quatre énormes griffures parallèles remontaient sa cage thoracique, éventrant totalement celle-ci. Les côtes avaient été broyées, la chair déchiquetée. Les artères du palpitant semblaient avoir été arrachées méticuleusement. 

 Le spectacle était dur à supporter. Même moi qui était plutôt résistance, j’avais du mal. Et rajouté à cela l’odeur de mort qui s’était répandue dans les alentours. Je comprenais l’état du policier juste avant. Le sang commençait à sécher. Les insectes des poubelles s’attaquaient à leur nouveau festin. 

 Le médecin légiste prenait des photos devant le cadavre. Alexander me tira de mes pensées. 

  • Bonjour Morgan. Que s’est-il passé ici ?
  • C’est une bonne question. Je n’ai jamais rien vu de telle. Bonjour Aurore, comment allez-vous ? Finit-il avec son habituel ton charmeur.
  • Oui ça va. Vous savez où se trouve le reste ?
  • En partie, répondit-il en levant le doigt vers le ciel.

 Je levai la tête et écarquillai les yeux. La tête de notre victime était accrochée juste au-dessus de nous, empalée sur le pied de l’échelle de secours de l’immeuble adjacent à la boîte de nuit, de l’autre côté de la ruelle. Le plus troublant était l’expression de son visage, figée dans la surprise. Pas de peur, de désespoir... L’attaque avait été si rapide et brutale que l’homme avait à peine eu le temps de réagir. 

 Je repensais au cri de bête que j’avais entendu dans mon appartement. De cet individu qui été apparu de nulle part et avait combattu mon agresseur. Une fois encore, mon partenaire me sortit de ma réflexion :

  • Hey, t’es dans la lune ?
  • Non... je réfléchissais.

 J'en profitai pour examiner le cadavre. C'était vraisemblablement un sans-abri à en juger par sa tenue : des manteaux abîmés enfilés les uns sur les autres pour se tenir chaud, un pantalon troué. Il était allongé sur une petite bâche en en plastique. C’était un vieil homme d’une soixantaine d’année, de longs cheveux et une barbe brune très sale. 

 Le médecin légiste décrit à son tour les détails visibles à l’œil nu et les quelques informations qu’il pouvait nous dire après son court examen :

  • D’après la rigidité cadavérique, il est mort ce matin entre trois et cinq heures du matin.

 Je me figeai. C'était à peine deux heures après qu’Alexander soit venu chez moi. Est-ce que c’était mon agresseur qui avait fait ça ? Avait-il continué à tourner autour de mon appartement ? Cette pensée me glaça le sang. Mais il fallait que je me concentre sur cette affaire. Rien ne me prouvait qu’elles étaient liées.

  • La cause de la mort est comme vous devez vous en douter, la décapitation. Quatre objets tranchants ont remonté son torse et la force du coup a projeté sa tête là-haut.
  • Tu as une idée de ce qui a pu faire ça ? Demandai-je.
  • Non... à la limite, peut-être une fourche à bécher. L'espace entre les griffures pourrait correspondre. Mais je ne pourrais en être sûr qu’après l’autopsie.
  • Très bien.

 Je le laissais finir et commençai à examiner les lieux. Je me tournai vers la sortie de secours. Il y avait une caméra dans mes souvenirs juste au-dessus. Mais elle était brisée. Je remarquai des traces étranges au-dessus de celle-ci. Je pris mon sac et l’ouvris pour prendre une lampe de poche. Quelque chose frôla ma main. C'était froid, lisse et doux. Je le reconnus instantanément et plongeai la tête dans mon bagage. C'était Sérane. Que faisait-il là ? Il me regarda avec ses grand yeux noirs, enroulé sur lui-même, tandis que je le fixai bouche-bée. Mais je me ressaisis vite et attrapai ma lampe en passant sous les anneaux de sa queue. Pas le temps ni l’envie de m’occuper de ça pour le moment.

 Je pointai mon outil vers le mur et l’allumai. Il y avait, au-dessus de la porte de la boite de nuit, neuf traces allongées qui montaient semblait-il jusqu’en haut. Elles étaient séparées en deux groupe : l’un de quatre et l’autre de cinq. Celui de quatre descendait plus bas que l’autre et d’après les marques et l’alignement, c’était cet ensemble qui avait cassé la caméra. J'appelai Alexander pour lui montrer ma découverte. Il la regarda, aussi perplexe que moi. Je lui demandai ce qu’il en pensait :

  • Bin... si l’on était dans un film, j'dirais qu’une bête humanoïde est descendu du mur en plantant ses griffes d'dans mais...
  • Mais on n’est pas dans un film. Donc t’en sais pas plus que moi.
  • Que dalle. 
  • Cette affaire va être très chiante.
  • J’te le fais pas dire.

 Il retourna à ses occupations, notamment de nombreuses choses sur son petit calepin, tandis que je restai sur place à fixer le mur. À part cette folle théorie de monstre, je n’arrivai pas à déterminer ce qui avait pu faire ça. Je pensais tout de suite au loup-garou mais bon, ça n’existait pas.

 Maintenant conscient de sa présence, je sentis mon serpent remuer dans mon sac. Il fallait que je le ramène à mon appartement. Mais avant, je comptais retourner voir le patron du club pour l’enquête. Je me demandais s’il m’avait oublié.

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