Navrant
Le maire pissait sur ces inspecteurs, une situation qui, à elle seule, était déjà navrante, déprimante et dommageable pour le concept de dignité humaine. Mais ce qui aggravait encore plus ce triste constat qui n'avait pourtant pas besoin de ça, c'est qu'il n'en était pas à son coup d'essai. Il s'agissait en effet de la douxième journée où d'honnêtes travailleurs gouvernementaux se faisaient agresser d'une façon particulièrement difficile à supporter d'un point de vue psychologique.
Il y avait tant de choses que Thomas, le principal adjoint du maire, ne comprenait pas dans cette situation : Pourquoi tant d'inspecteurs venaient dans ce petit village de campagne ? Pourquoi le maire n'avait-il pas été arrêté ou au moins rappelé à l'ordre ? Pourquoi des inspecteurs continuaient de venir ? POURQUOI LE MAIRE PISSAIT SUR DES GENS DEPUIS SON BALCON ?!
La première fois Thomas s'en souvenait comme si c'était hier : le maire était allé à une petite foire organisé par les éleveurs locaux et l'homme étant très apprécié il en était revenu ivre. Thomas l'avait laissé à son bureau pour aller ouvrir à la personne qui venait de sonner et il en avait profité pour se soulager au soleil... Thomas n'oublierait sans doute jamais le regard ahuri de ce trentenaire bien apprété derrière les carreaux de la porte ni le râle de satisfaction venant du balcon. Les deux hommes s'étaient fixés sans dire un mot jusqu'à ce que l'un d'eux tourne les talons et s'en retourne à son véhicule.
Le maire avait réussi à être mortifié malgré sa gueule de bois lorsque Thomas lui raconta l'évènement et pour cause : l'homme qui avait subbit un improbable douche était un inspecteur de la repression des fraudes ayant innoportunément décidé de venir un jour plus tôt que ce qui était initialement prévu.
Il était revenu deux jours plus tard avec un niveau d'arrogance étonnament élevé et même s'il n'avait pas assisté à la conversation entre les deux hommes Thomas avait rapidement compris que le maire s''était senti offensé par ce jeune parvenu de la grande ville. Il l'avait compris environ deux minutes avant qu'il ne se rue au balcon pour arroser une seconde fois l'inspecteur, cette fois-ci alors qu'il s'en allait. Le volume avait été bien moindre mais l'étincelle de joie dans les yeux de son patron avait inquiété Thomas
L'avenir lui prouva qu'il avait eu raison
Que ce soit poussé par une incompréhensible hargne ou par une volonté de maintenir une nouvelle tradition, à présent le maire passait ses journées à patiemment boire des litres d'eau sans jamais d'approcher des toilettes avant que les heures de travail légales ne soient passées . Jusqu'à présent il ne s'était jamais "trompé", toutes ses infortunées victimes étaient bel et bien des inspceteurs de ceci ou celà. Certains repartaient sur le champ, d'autres se plaignaient, quelques-uns restaient dignes et continuaient leur mission comme s'il ne s'était rien passé.
Celui du jour avait sonné tout en déployant un parapluie, prouvant que les fonctionnaires de la grande ville avaient commencé à comprendre le principe et à communiquer entre eux. À quelques pas de la porte d'entrée Thomas voyait ce qui ressemblait à une équipe de télé de la chaîne locale.
Voilà que le village allait devenir célèbre pour son maire pissant depuis le balcon sur les envoyés officiels...
Peut-être était-il temps de songer à déménager.
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