Mauvais présage

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 Je lus son message plusieurs fois, puis l’enregistrais sous un autre nom. Celui de Denise. J’étais tranquille et si ses parents tombaient un jour sur un texto ou une connerie du genre, hormis le numéro, Denise passerait pour une conquête de plus. Une vieille sans doute, malgré le respect que m’inspire ce prénom. Je décidais cependant de ne pas y répondre de suite, et de rentrer chez moi. J’étais exténué et le scotch discount de Sonia me restait sur l’estomac. Une fois à la maison, j’en rebus quelques-uns, du bon, et partis me coucher dans la foulée.

Le lendemain, au réveil, nouveau message d’Ellie qui semblait s’impatienter et m’informait qu’elle serait en ville cette après-midi pour y acheter des fringues. A proprement parler, j’en avais rien à cirer. Inimaginable que de me balader en public avec elle. Même l’air de rien, ma tête serait celle d’un enfoiré de coupable. L’idée de la démonter dans une cabine d’essayage me traversa l’esprit et celle des menottes et des flics à la sortie prirent le relai. J’allais devoir trouver où et comment, puisqu’il était clair que les choses commençaient à peine pour nous. Après un moment d’hésitation, je lui proposais de la récupérer une fois ses achats terminés et d’aller faire un tour en voiture. Chouette idée, aussi malsaine que stupide. Dans les bois pourquoi pas, c’est l’endroit rêvé pour une môme de son âge. Humide et austère, perdu dans la pampa avec un homme qui pourrait être son père. Le côté glauque de la chose prendrait peut-être le dessus et trouverait-elle l’idée brillante. Nous nagions dedans depuis quelques jours, et aller au bout de truc était un bon challenge. Aussi bien pour elle que pour moi, pour des raisons différentes, j’avais la certitude maintenant qu’on n’en sortirait pas indemne. Je pris une douche brûlante, et mis une chemise décontractée puis un jean pour notre rendez-vous. Il fallait doser avec savoir, ne faire ni trop jeune ni trop vieux. Raisonnement stupide dans la mesure où elle me connaît depuis toujours. J’adoptais les mêmes stratégies que pour un rancard classique. C’était idiot, sachant que la spontanéité reste l’allié préféré du charme. Je lui envoyai un message pour être sûr de ne pas me fourrer dans un guêpier ;


- Je te récupère où, et à quelle heure, Ellie ?

- Fin d’après-midi, vers 17h, sur le parking du centre commercial, j’y suis allé en bus avec une amie. Elle doit rentrer peu de temps avant que tu n’arrives.

- Ok. Préviens-moi quand tu es seule.

- Oui.


J’arrivais au centre commercial avec un peu d’avance. Je voulais prendre mon temps et avoir à loisir d’observer les gens. Ne pas tomber sur une connaissance perspicace, l’un de ses profs ou quiconque en mesure de deviner notre larcin. Je la vis au loin avec son amie, souriante et détendue, et me prenais à la trouver aussi belle que désirable. Je patientais un peu et j’en profitais pour la regarder à la dérobée en attendant sagement que sa copine prenne le bus. Quand ce fut le cas, je remontais dans ma voiture et mis les voiles. Arriver à sa hauteur, vitre baissée, je l’invitais à monter fissa ne prenant le temps de la saluer qu’une fois assise à l’intérieur.


- Salut Ellie, tu vas bien ?

- T’en fais une tête, t’es sûr que ça va ?

- Ouais… J’ai du mal à me sentir à l’aise dans un contexte comme celui-ci en fait.

- Ah. Tu me conduis à la maison ?

-  ??!

- Ouais, mon père m’y attend, j’ai reçu un message il y a vingt minutes, pas eu le temps de te prévenir.

- Sympa.

- Ce qui est sympa c’est d’être venu me chercher. Et puis si tu l’avais su avant, tu serais quand même venu ?

- …

- Voilà. Vous boirez un scotch ensemble et j’irai essayer ma lingerie. Ne boude pas, je t’enverrais quelques photos.

- Et le fait d’arriver tous les deux chez tes parents ne te pose pas de problème ?

- Non. On s’est rencontré sur le parking du centre commercial comme ça arrive à tous.

- D’accord, aussi maline que minutieuse.

- David ?

- Hm ?

- Si tu nous trouvais un coin en rentrant, qu’on s’y arrête une dizaine de minutes ?

- Ellie… Ton père nous attend, je le sens pas ton plan… Une prochaine fois ?

- Pas sûr que la prochaine fois ce soit toi que j’ai envie de sucer.

- Ellie…

- Roule.


Fait chier. Cette conne me faisait bander et j’aurais pu tuer sur-le-champ pour sentir ses lèvres autour de ma queue. En voiture qui plus est. Aussi déplacé que bon. Serait-elle allée jusqu’au bout ? J’aurais fait en sorte que ce soit le cas. D’un avant-bras nerveux, j’aurais pesé de mon poids sur sa caboche puis jubilé devant sa mine surprise et embarrassée d’avoir à déglutir. Aimait-elle peut-être ça ? Je me serais alors laissé guidé sous ses doigts graciles sans avoir à forcer quoi que ce soit pour son plaisir. Avait-elle de l’expérience dans le domaine ou s’agissait-il d’une énième provocation ? Et si oui, avec qui bordel ?!

« Avec un mec de son âge, crétin », pensais-je à mesure que l’on se rapprochait de chez elle. Je garai la voiture devant leur portail. Le trajet fut silencieux et Ellie ouvrit la portière et détala comme un lapin me laissant seul comme un con. Mieux ainsi. Arrivée dans la maison, elle embrassa son père et fila essayer ses emplettes le pas léger. Serge m’accueillit, et me remercia d’avoir déposé Ellie chez eux.


- Aucun problème vieux, je traînais dans le coin aussi.

- Elle est comme sa mère cette petite, me dit Serge.

- Ah oui ?

- Elle adore les fringues.

- Comme beaucoup de femmes.

- Sexiste !

- Ahah, simple constat.

- A ce propos, ça tombe bien que tu sois là, j’ai à te parler David.

- Maintenant ?

- Oui, maintenant, pendant qu’on est seul…


Aussi intrigué qu’inquiet, la boule de feu qui raviva mes entrailles n’était pour une fois ni de l’ordre du désir ou de la débauche. Je me sentis vaciller et m’imaginant le pire, me dit qu’un jour ou l’autre de toute façon, tout finit par se savoir…

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