Le Baiser Défendu

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Le lycée avait ses secrets, ses chuchotements, ses coins d’ombre où des histoires naissaient et disparaissaient sans laisser de traces visibles, mais toujours des échos. Ces échos, à 19 ans, résonnaient en moi avec une intensité que je ne comprenais pas encore. Ils portaient des murmures de ce qui allait venir, de ce qui allait fissurer l’équilibre fragile de mon monde. Cette fissure, je la sentais, et elle portait un nom : Éloïse.

Elle avait une présence magnétique, une lumière brute qui attirait tout sur son passage. Ses cheveux blonds en désordre semblaient danser avec le vent, comme s’ils refusaient d’être domptés. Ses chemises, toujours légèrement déboutonnées, dévoilaient une clavicule qui attirait malgré moi mon regard. Et son rire… son rire résonnait, léger, insolent, vivant. Tout en elle incarnait la liberté, celle qui brûle et effraie. Moi, Séraphine, j’étais attirée par cette liberté autant que j’en avais peur.

Notre amitié s’était construite sans effort, une collision entre nos deux mondes. Elle m’avait choisie, et je m’étais laissé happer, comme une feuille emportée par un courant trop puissant. Pourtant, au fond de moi, je savais que ce que je ressentais pour elle allait au-delà de l’amitié. Une admiration brûlante qui me poussait à la regarder un peu trop longtemps, à frissonner quand elle riait et lorsqu'elle effleurait mon bras. Mais je n’osais pas mettre un mot sur ce sentiment, pas encore.

Ce soir-là, chez elle, tout allait changer.

Sa chambre était un monde à part. Un désordre soigneusement orchestré : des vêtements jetés sur une chaise, des livres ouverts sur le lit, un tourne-disque qui semblait attendre qu’elle le réveille. L’air était imprégné de son parfum, un mélange de jasmin et de vanille, si distinctement elle. Une lumière tamisée émanait de sa lampe de chevet, enveloppant la pièce d’une aura douce et intime.

Nous étions assises sur son lit, entourées de coussins moelleux, un bol de popcorn entre nous. Un film passait sur son ordinateur portable, mais je n’y prêtais aucune attention. Mon regard se perdait dans ses gestes : la manière dont ses doigts plongeaient dans le bol, dont elle portait distraitement un grain de popcorn à ses lèvres, dont ses cheveux retombaient en mèches désordonnées sur ses épaules. Mon cœur battait un peu plus vite chaque fois qu’elle se tournait vers moi, capturant mon regard avec une facilité déconcertante.

— Tu es bizarre, ce soir, Séraphine, dit-elle soudain, brisant mes pensées.

Je sursautai, prise au dépourvu. Mon esprit chercha une excuse, mais les mots semblaient s’être évaporés.

— Moi ? Pas du tout, balbutiai-je, trop vite pour être crédible.

Elle sourit, un sourire en coin qui trahissait son amusement. Elle posa le bol sur la table de chevet et se tourna complètement vers moi, s’asseyant en tailleur. Ses yeux pétillaient d’une malice tranquille, comme si elle lisait en moi avec une aisance désarmante.

— Tu sais que tu ne sais pas mentir, pas vrai ?

Je rougis, détournant les yeux, mais elle se rapprocha. Ses genoux frôlèrent les miens, et sa présence si proche m’envahit.

— Qu’est-ce qui te trouble ? murmura-t-elle, son ton à la fois amusé et sérieux.

Je ne trouvai rien à répondre. Les mots se dérobaient, remplacés par une chaleur sourde qui montait dans mon ventre. Elle leva une main et la posa doucement sur ma joue. Sa paume était chaude, et ce simple contact fit exploser un frisson qui me traversa tout entière.

— Éloïse… soufflai-je, mais ma voix se brisa.

Elle ne répondit pas. Ses yeux cherchaient les miens, comme si elle attendait quelque chose. Puis, lentement, presque imperceptiblement, elle se pencha. Et avant que je ne puisse réfléchir, ses lèvres effleurèrent les miennes.

Le premier contact fut si doux, si léger qu’il semblait irréel, comme un murmure au bord du silence. Mes lèvres restèrent figées, surprises. Puis, lorsqu’elle s’éloigna légèrement, une vague de déception me submergea. Sans réfléchir, je comblai l’espace entre nous, cherchant à prolonger ce moment suspendu.

Le baiser devint plus audacieux. Ses lèvres bougeaient doucement contre les miennes, explorant, apprenant. Mes mains trouvèrent leurs chemins jusqu’à ses épaules, cherchant un appui alors que le monde autour de moi semblait vaciller. Son souffle se mêlait au mien, chaud, irrégulier.

Sa main glissa de ma joue à ma nuque, ses doigts s’entremêlant dans mes cheveux. Je sentis son autre main se poser doucement sur ma taille, un geste à la fois protecteur et possessif. Mon corps, d’abord tendu, commença à se relâcher, s’abandonnant entièrement à ce moment. Mon cœur battait si fort que j’avais l’impression qu’il allait exploser.

Quand elle se recula, la pièce bascula dans un silence irréel. Mon souffle était court, mes lèvres brûlaient encore. Je la regardai, encore figée, tandis qu’elle s’allongeait sur le lit, le sourire aux lèvres, comme si ce qui venait de se passer n’était rien de plus qu’un jeu innocent pour elle. Mais pour moi, c’était tout sauf anodin.

Pourquoi était-elle si calme ? Ce baiser n’avait-il pas eu le même effet sur elle qu’il avait eu sur moi ? Je sentais une étrange frustration monter. J’étais plongée dans une tempête intérieure, tandis qu’elle restait immobile, paisible, comme si rien ne s’était passé.

Je portai une main tremblante à mes lèvres, comme pour raviver le souvenir de son baiser. Une onde électrique parcourut mon corps, et je me surpris à soupirer, comme si je cherchais à prolonger cet instant éphémère.

— Tu réfléchis trop, Séraphine, lança-t-elle soudain, brisant le silence.

Je sursautai, surprise par la légèreté de son ton.

— Je… Non, pas du tout, balbutiai-je maladroitement.

Elle rit doucement, et ce son résonna en moi, réchauffant mes nerfs à vif. Puis elle se redressa, s’appuyant sur un coude, et me regarda avec une douceur que je n’avais jamais vue chez elle.

— Tu veux qu’on en parle ? demanda-t-elle, sa voix presque murmurée.

Je secouai la tête, incapable de formuler une réponse. Mon cœur battait encore à un rythme effréné, et mes pensées étaient un chaos d’émotions : confusion, excitation, peur, mais surtout un désir que je n’avais jamais ressenti avec une telle intensité.

Elle posa sa main sur mon genou, un geste simple, mais qui envoya une nouvelle vague de chaleur à travers mon corps.

— Moi non plus, souffla-t-elle. Mais je ne regrette rien.

Cette nuit-là, je compris que tout avait changé. Ce baiser n’était pas seulement un geste, mais une clé, une ouverture vers une partie de moi-même que je n’avais jamais osé explorer.

Et je savais que je ne serais plus jamais la même.

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