DECLAN
Declan vint la chercher.
— Comment as-tu su que je sortais aujourd’hui, lui demanda Oswin, intriguée par sa présence.
— J’ai sympathisé avec l’infirmière, je lui ai donné mon numéro afin qu’elle m’avertisse de ton réveil.
— Tu ne perds pas le nord, mon grand. Jeune et sexy je suppose ?
— Âgée et déjà grand-mère, s’esclaffe-t-il.
— Ah, dommage…
Oswin l’observait, l’air bienveillant, surprise qu’il se soit tant préoccupé de son état.
— Mais tu as laissé ton pub pour venir me chercher ?
— Non, j’ai un barman maintenant.
Quels autres changements y a-t-il eu ? s’interrogea la jeune femme. Elle sortait progressivement de sa torpeur et avait l’impression de prendre une claque à chaque seconde. McKenzie et Osborne n'étaient que des connaissances, pourtant l’homme se comportait en ami. Sur le chemin du retour, elle sombra dans ses pensées et n’arriva pas à parler. Il comprit.
En sortant de la voiture Oswin retrouva sa petite maison, seul élément rassurant de son environnement. Elle remercia chaudement son compagnon et lui promit de le revoir rapidement.
— Repose-toi blondinette, la bouteille attend toujours, lança Declan, lui faisant un clin d’œil.
Le jardin s’était paré d’un vert émeraude. Elle ferma les yeux et resta un instant immobile. Elle se rua brusquement sur la porte d’entrée, l’ouvrit puis s’y engouffra.
— Un bon thé, pour faire passer tout ceci ! se réjouit la jeune femme en sortant sa théière et son pot de petites feuilles fermentées.
Confortablement installée dans son fauteuil de bambou, Oswin accueillit les derniers rayons du soleil, dans son jardin, une tasse à la main, avec beurre et sucre. Le breuvage peut paraître bizarre, mais c'est meilleur qu'avec du lait. L'air était frais, le thé bien chaud, le contraste particulièrement agréable. Les cosmos commençaient à bourgeonner. D'autres tiges vertes sortaient de terre : du citron, des avocats, du lin, des courges... Ce petit monde poussait comme une herbe aux multiples formes. Des bourdons, des abeilles, de drôles de mouches pullulaient autour, tentant de trouver une quelconque fleur à butiner. Ce petit manège se reproduisit chaque jour. Progressivement la toile verte se couvrit de petites taches rouges, jaunes, roses, bleues. Un kaléidoscope de couleurs se balançant au dessus du sol.
Des semaines s'écoulèrent en un battement de cils. Osborne avait besoin de retrouver ses repères : son thé, sa brise matinale, son jardinet, ses pierres, son pub.
C’était jour de livraison, Declan s'affairait à répertorier les marchandises avant de les ranger. Alfred, son barman, s’occupait de la réception auprès des livreurs.
— Je vais vérifier les stocks pour passer les commandes, je peux te laisser ? demanda McKenzie à son employé.
— OK, patron.
Passant à côté de son bureau, le taulier constata que la bouteille n’avait pas bougé. Oswin n’était pas passée, depuis qu’il l’avait déposée chez elle. Il haussa les épaules en espérant qu’elle se porte bien.
Ce ne doit pas être évident de se remettre d’un coma.
La lune était haute dans le ciel. L’atmosphère paisible. Une légère brise jouait avec les feuilles des Acers palmatum et des cerisiers du jardin.
*
Ô Muse, par delà les étoiles, par delà les mondes, ta lumière a éclairé nos contrées de songes. Notre Univers se meurt, je viens à toi, Ô Muse de l’imaginaire, Ô Muse de l’essence des rêves.
*
Osborne se réveilla en nage. La lune était haute dans le ciel. Une brise fraîche lui caressait le visage. La fenêtre entre-ouverte laissait passer le chuchotement du vent dans les feuillages des arbres. La jeune femme se recoucha, le regard rivé sur le plafond.
Les premiers rayons de l’aube embrasèrent l’horizon. Ce jour-là, Oswin se rendit au pub. Un mois s’était écoulé depuis sa sortie de l’hôpital. Il était temps de reprendre une vie normale.
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