63. Chris
Je retrouve Ariane à l’hôpital. Elle me lance un sourire fatigué avant d’entrer dans la chambre :
— Salut Alice, c’est Ariane.
— Salut Alice, c’est Chris. Aujourd’hui on est mercredi 5 octobre 2016, il est 13h.
— Ouais, et il serait temps de te réveiller. T’as fait une sacrée sieste dis donc ! ajoute Ariane d’un ton léger.
Je me demande comment elle peut encore plaisanter. Tous les jours elle vient et elle enchaîne les blagues comme si tout allait bien. Je me demande si elle s’attend à réveiller Alice en faisant ça. On n’en parle pas… On essaie juste de faire de notre mieux je crois. D’habitude je me force à sourire pour lui faire plaisir, mais là je me mets à rire malgré moi. Et puis je me laisse aller et je ris de plus en plus franchement, parce que je suis fatigué, et qu’elle a peut-être raison finalement. Peut-être qu’Alice voudra revenir si elle nous entend rire… C’est con mais bon, de toute façon les larmes ne marchent pas.
Je réalise qu’en riant, l’abcès qui comprime mon cœur se vide d’un peu de noirceur et ça me fait du bien… Mais très vite, une pointe de culpabilité me ramène vers le lit d’Alice.
Je saisis sa main le plus doucement possible et commence à masser ses doigts un à un. J’arrive à l’auriculaire quand elle ouvre les yeux. Je suis tellement surpris que je reste bouche bée. C’est Ariane qui demande :
— Alice ?
Alice ne répond pas. Ses yeux regardent le plafond. Je demande :
— Alice ? Je… C’est Chris. Je suis là. Tu me reconnais ?
Rien.
— Vite, appelle l’infirmière !
Ariane appuie sur le bouton tandis que mon cœur fait des bonds dans ma poitrine. Je ressens une joie intense et fragile à la fois, une petite vague d’espoir dans une longue marée d’angoisses.
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